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Judith Magre joue «L’amante anglaise» au Théâtre de Valère à Sion. Entretien avec une reine intemporelle de la scène.

À 92 ans, Judith Magre brûle encore les planches. Avec toujours un égal bonheur de jouer. Mardi soir, ce monstre sacré sera sur la scène du Théâtre de Valère à Sion. Une première en Valais. Entretien.

26 nov. 2018, 18:31
Judith Magre n'a jamais cessé de passer d'un registre à l'autre, glissant du boulevard au théâtre "sérieux" avec une facilité déconcertante.

«J’espère que le train n’aura pas du retard.» Mardi soir, Judith Magre jouera pour la première fois en Valais. Septante ans de carrière, une centaine de pièces, trois molières, c’est une légende vivante qui débarque au Théâtre de Valère à Sion, non sans une once d’appréhension. «J’ai toujours le trac. C’est une horreur mais c’est comme ça», nous confie-t-elle au bout du fil depuis son domicile parisien. Une confidence à même d’ébranler son statut d’icône? Tant mieux, la comédienne de 92 ans déteste cette espèce de déification. «Je ne suis qu’une actrice parmi tant d’autres qui essaie de faire au mieux son métier.»

Pourtant sa longévité reste unique. Amie de Sartre et de Beauvoir, égérie de Jean-Louis Barrault, mariée pendant huit ans à Claude Lanzmann, Judith Magre a côtoyé les plus grands, aussi à l’aise dans une pièce d’Eschyle que dans une comédie de boulevard. Un côté caméléon qui explique sans doute comment elle a traversé les époques sans gros coups de Trafalgar. Guidée par le seul plaisir du jeu. «J’aurais pu faire un autre métier mais je m’amuse sur scène. Voilà pourquoi je suis toujours là.»

«Quand je ne joue pas, je m’emmerde»

Sur la scène de Valère, l’actrice, lèvres de carmin et yeux de chat fuligineux, endossera le rôle de Claire Lannes, la meurtrière borderline de «L’amante anglaise», la pièce de Marguerite Duras. Deux ans qu’elle ne l’avait plus interprété. De quoi redoubler «sa frousse». Mais féline et insoumise, elle s’y fondra avec maestria. Comme de coutume.

Car cette grande dame du spectacle est une parfaite autodidacte qui marche à l’instinct. Trois petits mois de cours Simon à l’aube de la vingtaine et puis une carrière qui décolle. Au cinéma, à la télévision mais surtout au théâtre. «C’est là qu’on m’a donné les plus grands rôles.» Trois molières (1990, 2000 et 2006) viendront récompenser son talent.

Est-ce à dire que les écoles ne servent à rien pour réussir? «Il n’y a pas de règle. Ça dépend tout des gens. Mais ce dont je suis sûre, c’est qu’il ne faut jamais se contraindre à faire des choses qu’on n’aime pas. Il y a déjà assez de désagréments dans l’existence», philosophe celle qui se plaît à se décrire comme une «dépressive gaie».

 

 

La vieillesse, pas un cadeau

Comprenez que le temps qui passe et qui file des rides n’a rien de plaisant pour la comédienne qui a fait du rouge sa couleur fétiche, une couleur «qui réchauffe». Car pas question pour ce monument de se glorifier de son grand âge. «Ce n’est pas drôle de vieillir. J’ai la chance de ne pas être trop handicapée mais je n’ai pas envie que ça continue trop longtemps», lance-t-elle sans ambages, d’une voix devenue soudainement plus profonde.

 

Toutes les vies sont des romans. Le hasard a fait que j’ai côtoyé de grands noms. Mais maintenant aussi je fais de belles rencontres.
Judith Magre, comédienne de 92 ans

Judith Magre ne rêve pas d’immortalité. Profondément ancrée dans le présent, elle n’a pas la nostalgie non plus d’un âge doré. «Je ne regarde pas le passé. Certaines choses pourraient me foutre le cafard», lance-t-elle en égrenant la liste de ses futurs projets, son remède à l’ennui.

Il n’empêche, sera-t-elle fière de l’héritage laissé, une fois les lumières définitivement éteintes? «Un héritage! Quel héritage? Je m’en fous complètement. Les gens, on les oublie». Un ange passe. La réponse est d’une clairvoyance désarmante. Un détachement empreint d’une sagesse que seul l’âge peut enfanter. Sibylline et déroutante, Judith Magre ne se déchiffre sans doute jamais mieux que sur les planches. À vérifier mardi soir.

Informations

«L’amante anglaise», mardi 27 novembre à 20h. Réservations: 027 323 45 61

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