«Gauche, droite, gauche, libre!» Sur la piste, Nathalie donne cette indication à son conjoint, qui la reçoit dans son oreillette. Il sait qu’il peut y aller. Carver, faire de larges contours, prendre de la vitesse pour sentir le vent sur son visage. Cette sensation, qui lui avait tant manqué, il pensait ne jamais pouvoir la retrouver.

Il y a six ans, le Vaudois de mère valaisanne a dû se réinventer après avoir perdu la vue à la suite d’une opération. Alors chef de physiothérapie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), il a tenté de continuer son activité professionnelle durant un temps.

«Ça me prenait beaucoup d’énergie, j’étais devenu nerveux», se souvient-il alors que l’on s’installe sur un télésiège. Le déclic, il l’a eu grâce à sa femme et à ses deux enfants. «Un jour ils m’ont dit que j’étais devenu insupportable», glisse-t-il en riant. Il décide donc de changer de vie.

On les rencontre, lui et sa femme, lors du camp de ski organisé par le Groupement romand de skieurs aveugles et malvoyants (GRSA) à Crans-Montana. Le temps d’une pause, ils nous racontent.

Direct sur les skis

Crans-Montana, Les Violettes - 25 janvier 2024 - Roland Paillex, ancien chef de l'unité de physio au CHUV devenu malvoyant récemment. Grand sportif, il a rebondi et s'est mis au ski pour personnes malvoyantes ainsi qu'à la grimpe. Sa femme Natacha s'est formée pour être accompagnatrice à ski. Ici, Roland et Natacha Paillex. © Héloïse Maret / Le Nouvelliste

En tant que guide, Natacha Paillex porte la veste rouge. Elle est précédée par son mari, Roland, à qui elle donne les indications grâce à un système de radio. © Héloïse Maret

VTT, escalade, ski, Roland Paillex était amateur de sensations fortes. Et sa femme aussi. «Quand on s’est connu, à 19 ans, je lui ai dit que s’il ne faisait pas de ski ça ne pourrait pas marcher», lance-t-elle en souriant.

Quand on s’est connu, à 19 ans, je lui ai dit que s’il ne faisait pas de ski ça ne pourrait pas marcher.

Nathalie Paillex, guide GRSA et compagne de Roland

La cécité de Roland a fait l’effet d’un coup de massue sur le couple. Comment continuer à évoluer ensemble quand tous les repères volent en éclats? Main dans la main, ils ont réaménagé leur quotidien et tout de suite, ont rechaussé les skis.

Ils se sont d’abord lancés seuls, inventant leurs propres codes. Mais propulsée guide du jour au lendemain, Natacha ne s’est pas sentie à l’aise. «J’avais peur qu’il lui arrive quelque chose.»

Liberté retrouvée

Le couple entend alors parler du GRSA et suit un week-end d’initiation à Ovronnaz. Le premier jour, Natacha et Roland sont séparés. Elle suit une formation accélérée de guide et il skie avec un binôme qu’il ne connaît pas.

J’avais peur de n’avoir aucune liberté.

Roland Paillex, vice-président du GRSA

«J’avais peur de n’avoir aucune liberté», nous confie Roland. Et il a cru voir ses craintes confirmées lorsque après quelques virages, son guide lui crie de s’arrêter. «Il m’a rejoint et m’a dit: «Je ne m’attendais pas à ce que tu skies comme ça. On va faire des choses magnifiques ensemble.»

Lorsqu’il raconte, l’émotion est encore palpable, car c’est à ce moment que Roland s’est rendu compte que le GRSA allait lui rendre sa liberté.

Ils font la paire

La cécité de Roland Paillex a obligé le couple à retrouver une nouvelle dynamique. © Héloïse Maret

Lors de leur deuxième journée à Ovronnaz, le couple s’est retrouvé au sommet des pistes pour une session de ski ensemble. La réticence de Roland et les craintes de Natacha envolées, les deux ont découvert qu’ils formaient un duo aussi soudé à skis qu’à la vie.

Depuis, Natacha a suivi la formation pour devenir guide GRSA. «Que ce soit avec mon mari ou avec d’autres malvoyants, je suis toujours très émue quand la personne que je guide descend librement une piste», assure-t-elle.

C’est pourtant l’exercice qui lui demande le plus de vigilance. «Il faut avoir des rétroviseurs dans la tête et être prêt à réagir rapidement», concède-t-elle.

Champion d’escalade

Le camp organisé par le GRSA, dont Roland est vice-président, est l’occasion pour lui de prendre quelques jours de vacances. Car s’il ne travaille plus au CHUV, il est en plein dans son nouveau projet de vie.

L’ancien physiothérapeute fait désormais partie de l’équipe suisse d’handi-escalade. «Je m’entraîne six jours sur sept», précise celui qui a quarante-cinq ans de grimpe dans les pattes. Un rythme soutenu et des efforts qui paient car le Montreusien a été champion suisse en 2023 et a décroché deux médailles de bronze lors de la Coupe du monde la même année.

En escalade, je m’entraîne six jours sur sept.

Roland Paillex

Sur internet, des photos immortalisent ses exploits. Et à ses côtés, toujours, son fidèle chien guide, Disco. «Il riait de la relation que j’avais avec mes chiens. Aujourd’hui, il comprend plus que jamais», souffle Natacha.

La sacro-sainte pause cappuccino touche à sa fin. Il est temps pour les deux férus de sport de continuer de dévaler les pistes avant de reprendre le cours de leur nouvelle vie quotidienne.

Thaksin Shinawatra, l’ancien premier ministre thaïlandais, vit à Crans-Montana

Condamné dans son pays pour corruption et aujourd’hui incarcéré en Thaïlande, Thaksin Shinawatra est officiellement établi à Crans-Montana depuis 2021.