Cela fait un an qu’Alaïa Bay a ouvert ses portes. Un jubilé célébré le week-end dernier. Quel bilan tirez-vous de cette première année d’activité?

Malgré deux ou trois mois tumultueux marqués par des fermetures pour des réparations et par les restrictions liées au Covid, les résultats sont supérieurs à nos attentes pour cette première année d’activité. La réalité est très proche du rêve que nous avions en lançant Alaïa Bay. Nous sommes donc très satisfaits et surpris en bien.

Surpris en bien, en termes d’affluence donc?

Oui. Dès l’ouverture, nous avons fait le plein. Les gens venaient de partout. Plus de 19 nationalités sont passées nous voir. Sur cette première année, nous avons comptabilisé 200 000 visiteurs, surfeurs et non surfeurs. Notre clientèle est composée de 30% d’étrangers et de 70% de Suisses, dont beaucoup d’Alémaniques. Les Valaisans sont aussi nombreux à venir surfer ou simplement boire un verre en fin de journée et manger à midi sur notre terrasse pour profiter du bruit des vagues.

Mais à part l’affluence, c’est aussi le retour client qui nous réjouit. Bien des gens reviennent surfer après une première expérience et se disent conquis par le produit. Les visiteurs qui viennent du bord de la mer sont presque jaloux de la qualité de nos vagues valaisannes.

En Valais, les gens qui font les choses avec passion ont toujours obtenu du succès.

Pour vous, Alaïa Bay a donc trouvé son public. Pourquoi?

Parce que toute l’équipe est passionnée et a vraiment envie d’apporter quelque chose de nouveau. En Valais, les gens qui font les choses avec passion ont toujours obtenu du succès. Il faut que le cœur parle en premier et s’il parle juste, ça va fonctionner.

Est-ce vraiment un atout touristique? Finalement, on pourrait penser que les gens ne viennent que pour Alaïa Bay, sans rien découvrir de Sion et du Valais.

Au contraire, c’est un véritable plus touristique. Un exemple: l’année passée à l’ouverture, un groupe d’Italiens est passé à Alaïa Bay. Et après être venu surfer, cinq d’entre eux sont restés deux semaines pour parcourir le Valais avec leur van et découvrir notamment Zermatt et Saas-Fee. Les clients de l’étranger restent en moyenne deux ou trois jours à Alaïa Bay. Ils surfent quelques heures et profitent d’autres activités pour le reste de la journée, ailleurs dans le canton.

En plus, grâce à la Bay, Sion apparaît sur la carte du monde du surf. Et les 50 millions de surfeurs sur la planète entière ont entendu parler du Valais au moins une fois grâce à ce projet. C’est une de mes motivations, j’ai envie de faire découvrir mon canton au monde.

Ça coûte combien, d’exploiter un tel centre de loisirs?

Ça coûte cher. C’est une grosse structure. Il y a 16 000 m2 de terrain, 3500 m2 d’exploitation et 70 employés équivalents plein-temps. C’est pour ça que le tarif, qui est souvent discuté par les gens, est le juste prix pour faire tourner cette entreprise et développer notre produit car on a encore plein d’idées.

C’est un projet risqué avec des charges incompressibles. Mais pour un projet aussi innovant, le risque en vaut la chandelle.

Des chiffres?

Nous ne communiquons pas ces chiffres.

Vous ne donnez pas les charges d’exploitation, néanmoins on sait déjà que vous payez un droit de superficie annuel donc un loyer pour la parcelle de l’ordre de 160 000 à 200 000 francs à la bourgeoisie de Sion. C’est beaucoup pour faire tourner un centre de loisirs?

Bien sûr, c’est un projet risqué avec des charges incompressibles. Mais pour un projet aussi innovant, le risque en vaut la chandelle. Aujourd’hui, on voit que le produit plaît et que, financièrement, ça fonctionne. Pour nous, c’est donc plus qu’une réussite. Dans ce contexte, on peut se permettre de l’installer aux Iles et de payer un loyer à ce tarif à la bourgeoisie.

Mais est-ce qu’Alaïa Bay est rentable aujourd’hui malgré toutes ces charges?

Oui, c’est rentable. Malgré le Covid, malgré l’été dernier qui était misérable, malgré les fermetures pour cause de réparation. On a ouvert un peu au pire moment et malgré tout, cela fonctionne. Autant dire que c’est très rassurant pour la suite.

Plus de 100 francs par session de surf, ça peut paraître cher, mais finalement, ça ne l’est pas quand on y regarde de plus près.

La session de surf coûte plus de 100 francs. N’est-ce pas trop cher? Au final, n’a-t-on pas affaire à un sport de luxe pour un marché de niche?

Ça a été un long débat avant l’ouverture. On a fait des études et on a constaté que pour un surfeur, sans mer à disposition, le coût, une fois le voyage et tous les frais inhérents à cette activité comptabilisés, atteint les 20 francs par vague. Nous, on est entre 4 et 5 francs la vague. Sans compter que prendre plus de 20 vagues en une heure équivaut à une semaine de surf en mer. Ça peut paraître cher, mais finalement ça ne l’est pas quand on y regarde de plus près.

Photo: Sacha Bittel

Trois fermetures pour travaux dans le bassin en un an. Que s’est-il passé?

La première fermeture était prévue pour la maintenance de la machine. Nous nous sommes par la suite rendu compte que l’entreprise étrangère qui a fait la couche de protection du bassin avait mal fait le travail. On a donc dû mandater une entreprise suisse pour reprendre ce job dans les deux parties du bassin.

Faut-il s’attendre à des travaux chaque année?

Théoriquement, si elle est bien posée, cette couche ne devrait plus du tout bouger. Il faut relever aussi que nous sommes le quatrième centre de ce type au monde. Il y a donc une part d’expérimentation. Sur une aventure pareille, on peut s’estimer heureux, car la machine fonctionne bien et la qualité des vagues est au rendez-vous. D’autres ont eu bien pire.

L’été dernier, il y avait beaucoup de monde, de quoi engendrer des problèmes de mobilité et d’accès au site. Avez-vous été dépassés par votre succès?

On s’attendait à ce succès. Avec 400 places, le parking planifié était dimensionné en ce sens. Mais administrativement, tout a pris beaucoup plus de temps que prévu. Les 400 places n’ont pas pu être faites. On a donc dû improviser et trouver des solutions provisoires. Théoriquement, quand le parking sera fini, il n’y aura plus de problème.

La ville de Sion avait conditionné l’autorisation pour le centre de loisirs à la construction d’un parking qui n’est toujours pas là. Il y a quelques jours, la municipalité vous a accordé un début anticipé des travaux pour ce même parking, avant même le retour de préavis de tous les services du canton. Est-ce que vous bénéficiez d’un traitement de faveur de la ville?

Pas du tout. Cela fait trois ans que nous avons trouvé le terrain pour le parking. Mais le dossier peine à avancer. Il y a eu plusieurs variantes, des modifications nécessaires avec la nouvelle voie de bus (ndlr: ligne Sion-Aproz) et avec l’arrivée de l’Ecoschool (ndlr: une école privée) à proximité. Tous ces éléments ont ralenti le projet. Le fait que le parking soit situé au bord d’une route de contournement cantonale a encore compliqué le processus. Au final, beaucoup d’intervenants ont dû donner leur avis sur le projet.

Tout ce qu’on veut, c’est mettre à disposition un parking aux visiteurs d’Alaïa et aux personnes se rendant aux Iles. Tout était planifié pour que ces places soient prêtes à l’ouverture. Vu le temps que cela prend, je ne pense pas qu’on puisse parler de traitement de faveur.

Avec la bourgeoisie de Sion, nous avons parlé de rendre payant ce parking et tout le domaine des Iles.

Le dossier de mise à l’enquête prévoit la possibilité de rendre ce parking payant. Est-ce qu’il va le devenir?

Oui. C’était prévu depuis deux ou trois ans. Avec la bourgeoisie de Sion, nous avons parlé de rendre payant ce parking et tout le domaine des Iles pour réduire le stationnement sauvage de véhicules qui n’ont rien à voir, ni avec les Iles, ni avec Alaïa.

Jusqu’ici, le stationnement a toujours été gratuit aux Iles. Vous n’avez pas l’impression de porter le chapeau à la place de la bourgeoisie de Sion, qui profite de la construction de votre parking pour rendre payant tout le site en se cachant derrière votre décision?

Peut-être qu’on arrive au bon moment pour eux. Je ne sais pas s’ils avaient un planning avant l’arrivée d’Alaïa pour rendre le stationnement sur le site payant ou non. La bourgeoisie a peut-être vu notre venue comme une opportunité. Le parking existait depuis longtemps, mais en mauvais état. Nous avons fait un investissement pour le transformer et louer la parcelle (ndlr: frais de construction et droit de superficie annuel de plus de 150 000 francs). Dès ce moment-là, je trouve normal de le rendre payant et ce n’est pas une exception en Valais.

C’est sûr qu’on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. On peut se demander si un tennis, un terrain de foot ou une patinoire seraient plus d’intérêt général sur une même zone.

Certains s’offusquent qu’un centre de loisirs de surf comme Alaïa Bay ait pu être construit sur une zone d’intérêt général. Que leur répondez-vous?

Alaïa est d’intérêt général. Nous comptons quasiment 200 000 visiteurs annuels, surfeurs et non surfeurs. Au moins, on amène quelque chose de différent. Un centre ouvert au public, qui attire du monde. C’est sûr qu’on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Moi, j’aime le surf, comme nos clients. D’autres aiment d’autres sports. On peut se demander si un tennis, un terrain de foot ou une patinoire seraient plus d’intérêt général sur une même zone.

Surfer dans les Alpes. Ne sommes-nous pas au même niveau d’aberration que faire du ski à Dubaï?

C’est le raccourci facile, mais ça n’a rien à voir. A Dubaï, ils doivent maintenir des températures négatives sur une surface énorme toute l’année. A Alaïa, on a une piscine de 8000 m2 avec la même eau qui tourne en circuit fermé. Pour produire les vagues, notre consommation électrique est équivalente à celle d’un télésiège six places. Nous avons aussi installé des panneaux photovoltaïques pour alimenter le centre. Sans compter le point le plus important pour nous, à savoir nos clients qui font une heure de route, au lieu de dix heures d’avion, pour pratiquer le surf. La comparaison avec Dubaï ne tient pas. On essaie de minimiser au maximum l’impact, même si chaque nouveau projet en a un.

En même temps, vous avez invité beaucoup de stars de la discipline des quatre coins du monde pour promouvoir Alaïa Bay. L’impact environnemental de ces voyages a-t-il été mesuré et pris en compte?

On pourrait tout calculer mais ce n’est pas notre objectif. C’est sûr que nous ne sommes pas parfaits. Mais si on fait une simple comparaison, sur les 50 000 clients individuels, nous avons eu une centaine de stars maximum en provenance de l’étranger. On parle de ces stars mais pas des 49 900 Suisses qui auraient dû partir à l’étranger surfer et qui sont restés ici.

Si on ne fait rien, on laisse partir les gens surfer à l’étranger. Est-ce que c’est durable? Non. Donc on devrait aussi arrêter les vacances.

Dans votre communication, vous semblez vouloir donner une aura durable à Alaïa Bay. Mais, concrètement, un tel centre de loisirs n’a rien de durable?

Si on ne fait rien, on laisse partir les gens surfer à l’étranger. Est-ce que c’est durable? Non. Donc on devrait aussi arrêter les vacances. C’est facile de pointer du doigt une nouveauté comme Alaïa Bay en disant que rien de ce que l’on fait n’est durable. Si on se pose ces questions, il faut tout remettre en cause. On n’aurait plus qu’à rester chez soi, cultiver son propre potager et ne plus jamais sortir car notre façon de vivre n’a rien de durable.

Il y a quelques mois, Alaïa Bay a mis à l’enquête un projet de pompe à chaleur air eau. Avez-vous décidé de chauffer l’eau contrairement à la promesse faite au lancement du projet?

L’idée est de tempérer l’eau pour ne pas qu’elle gèle en hiver et pour qu’elle conserve une température de dix degrés au moins. On veut pouvoir proposer notre activité durant les quatre saisons.

Tempérer donc chauffer?

En discussion avec la ville de Sion et la bourgeoisie, le but est de créer un échangeur de chaleur pour chauffer le bassin et le quartier des Iles. Si une énergie renouvelable nous permet de chauffer l’eau et le quartier, c’est tout bénéfice pour tout le monde.

Photo: Sacha Bittel

Avant Alaïa Bay, il y avait Alaïa Chalet à Lens, puis Alaïa Wakesurf au Bouveret, Alaïa Lodge à Crans-Montana, où vous avez aussi une participation dans le snowpark. Vous organisez aussi des Alaïa Camps. Où va s’arrêter Alaïa Group dans son développement en Valais?

Pour nous, l’infrastructure est maintenant là. Nous voulons nous concentrer ces cinq prochaines années sur le développement de la culture des sports de glisse en Valais autour de celle-ci.

Le magazine «Bilan» estime la fortune de votre père Stéphane entre 2 et 3 milliards. Tous ces projets auraient-ils été possibles sans l’influence et la fortune de votre famille?

Possible, oui. C’est sûr que ça aide à accélérer le processus et facilite le développement du projet. Après, ça ne suffit pas, il faut avoir des idées pour que le business marche. Je pense qu’Alaïa Bay a aussi été boosté par le fait qu’il se situe en Valais. Un projet de ce type prendrait beaucoup plus de temps à se développer à Genève, Bâle ou Lausanne. Ici, on peut discuter avec les gens et les portes sont ouvertes. Notre canton est ouvert aux idées novatrices.

On a eu beaucoup de demandes à l’étranger pour reproduire ce concept. Plusieurs grandes villes en Europe sont intéressées.

Quel est le rôle exact d’Adam Bonvin dans la structure Alaïa Group?

Je suis le CEO et fondateur. Je fais tout et rien à la fois. J’aime expliquer que je suis un peu le chef d’orchestre. Je fais en sorte que tous mes musiciens jouent ensemble. Mais j’apporte aussi les idées, je crée les concepts et les expériences. Je dois à la fois être dans l’activité au jour le jour pour que les équipes tournent, et avoir assez de recul pour amener de la nouveauté, innover et promouvoir le produit.

Une nouvelle société, Alaïa International, vient d’être créée. Il se murmure que vous allez franchiser le concept Alaïa Bay et l’implanter dans différentes villes d’Europe. Est-ce le cas?

Vu l’engouement autour du projet, on a eu beaucoup de demandes à l’étranger pour reproduire ce concept. Plusieurs grandes villes en Europe sont intéressées.

Lesquelles?

Ce sont des villes connues, de grandes villes, mais rien n’est encore officiel pour le moment.

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