La dégustation à l’aveugle par équipes, c’est comme le football, le scrabble ou la pêche au gros, il faut s’entraîner pour progresser. Doubles champions suisses en titre de la discipline et qualifiés pour les Mondiaux, où ils ont terminé 9es l’automne dernier, les Genevois Damien Mermoud, Pierre-Emmanuel Fehr, Dorian Pajic et Tristan Frésard l’ont bien compris, ils se retrouvent tous les lundis soir chez le premier, vigneron à Lully, pour une séance de travail. Au programme: la dégustation de douze bouteilles mystères, dûment chemisées.

Même rituel à chaque fois

Pour chaque flacon servi, le rituel est le même. Les quatre amis hument le vin pour se faire une première idée puis font tourner leur verre pour oxygéner le liquide et amplifier son empreinte olfactive; ils prennent ensuite une petite quantité en bouche pour définir son profil avec précision. Après un temps de réflexion silencieuse, ils prennent successivement la parole en essayant de dégager un consensus. Leur défi: définir le cépage, le pays d’origine, l’appellation et le millésime. La bouteille est dévoilée dès que l’équipe s’est mise d’accord sur un profil précis. Le tout en dix minutes, chronomètre en main.

Ce lundi soir-là, pour la reprise de l’entraînement après plusieurs semaines de pause, les quatre dégustateurs sont un peu rouillés: ils ont reconnu quatre cépages sur douze, un pourcentage en dessous de leurs standards habituels. Avec, dans le lot des échecs évitables, cette petite arvine des Fils de Charles Favre prise pour un chardonnay du Nouveau monde. Ou encore ce vermentino de Sardaigne confondue avec un grüner veltliner autrichien.

On est continuellement en train de dégrossir certaines caractéristiques des cépages.

Pierre-Emmanuel Fehr, médiateur chroniqueur vins

«On est continuellement en train de dégrossir certaines caractéristiques des cépages pour limiter ce type d’hésitations coupables», souligne Pierre-Emmanuel Fehr, médiateur et chroniqueur vins. «On essaie de fixer les différences, parfois minimes, entre certaines variétés cultivées dans des régions qu’on n’a pas forcément l’habitude de déguster.»

Difficulté supplémentaire, les vins servis au championnat de Suisse et au championnat du monde sont souvent de qualité moyenne, très loin des étiquettes prestigieuses qui font rêver les amateurs. «On choisit le même type de références pour l’entraînement», enchaîne Damien Mermoud. «Ce sont des crus souvent assez peu intéressants. Sur douze bouteilles, il y en a toujours au moins deux qui ont une déviation. Ce n’est pas une partie de plaisir.»

L’attrait du jeu

Alors pourquoi s’infliger cela? «L’attrait du jeu est déterminant», juge Pierre-Emmanuel Fehr. «On aime le challenge qu’impose la dégustation à l’aveugle. Et puis c’est une façon de progresser dans la compréhension du vin. On le fait aussi parce que c’est en équipe. On est devenu très proches. Si l’un d’entre nous devait décider d’arrêter, on arrêtera tous.»

Cette force collective est un facteur déterminant de la réussite des champions en titre, comme la complémentarité qui existe entre eux. Damien et Dorian, tous deux œnologues, ont une approche très pointue du vin et de ses éventuels défauts qu’ils traquent en cave; Pierre-Emmanuel et Tristan, qui travaille comme enseignant, sont des hédonistes pour qui le vin représente la passion numéro 1.

Le 25 juin prochain, les quatre Genevois tenteront de conserver leur titre national à Vevey et s’offrir ainsi une nouvelle participation aux championnats du monde mi-octobre en Provence. Avec l’ambition de faire mieux que leur 9e rang en 2022? Pierre-Emmanuel Fehr temporise: «On va déjà essayer de ne pas se prendre une gamelle lors du championnat suisse.»

On craque pour… un cornalin valaisan de référence

Maurice Zufferey produit un cornalin élevé 15 mois en fûts de chêne.