Surprise, peur, voire morsure: se trouver nez à nez avec un chien de protection lors d’une randonnée peut être un vrai cauchemar si on ne sait pas comment réagir. En 2021, sur les alpages suisses, on comptait 300 patous officiellement reconnus et dix-huit morsures sur des personnes.

Face à ce constat, des conseils ont été émis pour coacher les promeneurs. Panneaux d’informations, carte interactive, formations, vidéos, les moyens prennent diverses formes, mais la règle numéro un, c’est d’anticiper.

Des zones à risques non répertoriées

Afin d’aider les randonneurs à se préparer, le service chargé des chiens de protection des troupeaux, AGRIDEA, a mis en place une carte interactive répertoriant les alpages protégés par des patous. Les zones sous protection sont indiquées au début de la saison d’estivage, pour toute la Suisse.

Problème: cette carte comporte des lacunes. «Les incidents surviennent souvent avec des chiens non officiels qui ne sont pas répertoriés sur la carte interactive», souligne Isabelle Germanier, responsable Romandie pour le Groupe Loup Suisse, l’association qui cherche à sensibiliser les promeneurs à la présence de grands canidés dans les montagnes suisses.

«Les randonneurs préparent leur sortie en se basant sur des zones où ils pensent ne pas en croiser et ils ont ensuite la surprise de se retrouver face à deux ou trois chiens.» Les patous officiellement reconnus par AGRIDEA suivent une formation et passent un examen qui atteste leurs capacités (voir encadré).

Réagir juste pour éviter la morsure

Dans tous les cas, le risque de morsure existe lors de rencontres entre chiens et marcheurs. Selon Isabelle Germanier, la réaction des randonneurs peut changer la donne. «Le danger vient aussi de la personne qui est en face du chien. Si on fait quelque chose de faux, on multiplie les risques d’incidents.»

Le danger vient aussi de la personne qui est en face du chien. Si on fait quelque chose de faux, on multiplie les risques d’incidents.

Isabelle Germanier, responsable Romandie pour le Groupe Loup Suisse

Afin d’aider les randonneurs à mieux comprendre le rôle des chiens de protection et à se comporter de manière sûre, Groupe Loup Suisse a mis en place une formation, avec la collaboration d’éleveurs, de bergers et de comportementalistes canins.

Les chiens de protection ont le rôle de repousser les intrus loin du troupeau. © AGRIDEA

Isabelle Germanier indique, par exemple, qu’il est normal pour un chien de protection de suivre un randonneur jusqu’aux limites de l’alpage. «Son rôle est de repousser la menace, donc il s’arrêtera lorsque celle-ci sera éloignée.»

Parmi les bons gestes à avoir en cas de rencontre, il faut rester calme, ne pas regarder l’animal dans les yeux et ne pas prendre la fuite en courant. L’idéal est de s’éloigner en reculant, rester groupés et de contourner le troupeau. Selon les éleveurs officiant pour AGRIDEA, les chiens de protection sont des animaux sûrs car ils sont testés et reconnus au même titre que les chiens de sauvetage.

Signalement et conséquences d’une morsure

Le risque de morsure fait également peser une certaine pression sur les éleveurs. Le sujet est visiblement sensible et malgré nos nombreuses tentatives, aucun des bergers contactés cette semaine n’a souhaité répondre à nos questions.

D’après Isabelle Germanier, certains renoncent à avoir un chien de protection car les potentiels problèmes avec des randonneurs peuvent être trop compliqués à gérer. «Il faut savoir qu’un patou qui mord peut être retiré au berger. Pour lui, se retrouver sans son chien, ça peut être très compliqué», ajoute Martine Golay Ramel, directrice d’Anniviers Formation qui accueillera le cours du Groupe Loup Suisse le 15 septembre.

Un patou qui mord peut être retiré au berger.

Martine Golay Ramel, directrice d’Anniviers Formation

Une telle mesure ne touche pourtant pas tous les canidés, car une distinction est faite entre les chiens de protection officiels et non officiels (voir encadré). «Une procédure spéciale a été introduite en 2020 afin de prendre en compte le but d’utilisation des chiens de protection. Vu leur statut exceptionnel, ils ont été exclus du champ d’application ordinaire de la loi cantonale sur la protection des animaux (LALPA)», explique Eric Kirchmeier, vétérinaire cantonal.

En clair, le chien reconnu officiellement par AGRIDEA n’est pas soumis à des mesures, comme le port d’une muselière par exemple, qui l’empêcheraient de remplir son rôle. Chaque cas est discuté par les experts d’AGRIDEA pour s’assurer notamment que le patou ne s’éloigne pas de son périmètre.

Vu leur statut exceptionnel, les chiens de protection ont été exclus du champ d’application ordinaire de la loi cantonale sur la protection des animaux.

Eric Kirchmeier, vétérinaire cantonal

Selon cette nouvelle procédure, «c’est la Commission cantonale en matière de chiens de protection qui analyse les faits et circonstances». En examinant le dossier, il est possible d’identifier le chien incriminé. Si la morsure a été causée par un chien non officiel, la procédure ordinaire de la LALPA s’applique: le cas est examiné minutieusement après discussion avec le berger et la personne mordue et, si nécessaire, des mesures de sécurité sont ordonnées.

Parmi les dispositions prévues, le vétérinaire cantonal peut obliger le détenteur du chien à suivre un cours, imposer la tenue en laisse ou le port de la muselière, interdire la détention du chien, séquestrer l’animal, etc. «L’euthanasie n’est ordonnée qu’en dernier recours et reste très rare», souligne Eric Kirchmeier.

Les annonces sont faites au vétérinaire cantonal par les médecins, les vétérinaires ou les polices. François Meyer, collaborateur scientifique pour la protection des troupeaux chez AGRIDEA, ajoute que si la personne mordue s’est soignée par elle-même, les bergers doivent en principe prendre directement contact avec AGRIDEA afin d’annoncer l’incident.

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