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Concours de contes: Sandrine Chioccola-Moret remporte le 3e prix

Le concours d’écriture de Noël lancé par «Le Nouvelliste» a remporté un vif succès. Près de 160 lecteurs y ont participé. La rédaction a choisi comme troisième prix le conte de Sandrine Chioccola-Moret. Il raconte l’histoire d’une vie «mise en boîte».

24 déc. 2020, 10:00
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Les boîtes magiques

Cloîtrée à la maison, elle se décida à trier ses affaires. Ce qu’elle découvrit la laissa sans voix.

Elle choisit d’ouvrir en premier la boîte en bois brut, curieuse de découvrir son contenu. A l’intérieur, elle ne trouva qu’un petit flacon de Shalimar entamé et une feuille manuscrite. Maladroitement elle déboucha le récipient et l’odeur du parfum de sa mère qui s’en échappa l’emporta à toute vitesse.

Elle avait à nouveau 10 ans. Elle chaussa ses lunettes pour déchiffrer le titre du feuillet froissé: Biscuits de Noël de Maman, suivi de la recette avec le petit truc en plus, la «golée» de crème dans la pâte. Les souvenirs affluèrent, on était en décembre, et avec Maman, elles travaillaient en parfaite harmonie: étaler la pâte; découper les formes avec les emporte-pièces en fer: le cœur, l’étoile; la plaque beurrée au four; l’odeur sucrée et chaude qui envahissait la maison. Et puis le dernier bout de pâte, celui qu’elle pouvait façonner de la forme qu’elle voulait. C’était toujours un bonhomme, qu’elle laissait griller juste un peu trop. Regarde comme il est beau mon bonhomme Maman!

Tremblante d’impatience, elle saisit la seconde boîte, la bleue avec des rubans blancs sur le dessus. A l’intérieur, un voile de mariée, mais oui, le sien, celui brodé par sa mère. L’alliance aussi, devenue trop étroite et qu’elle avait dû retirer. Elle laissa les souvenirs affluer. C’était le plus beau jour de sa vie. Elle se revit remonter l’allée de la petite église, intimidée mais fière au bras de son père. On était en décembre et la robe blanche peinait à cacher le ventre arrondi. Mariage d’hiver pour éviter le déshonneur. On l’avait pourtant avertie, mais elle était si amoureuse de Roger, alors… Alors le mariage, alors un bébé pour Noël, elle allait devenir Maman…

La troisième boîte était multicolore. Pleine d’impatience, elle la posa sur ses genoux et défit le lacet qui la tenait fermée. Deux bavoirs étaient posés sur le dessus avec les prénoms: Pauline et Michel. Qui sont Pauline et Michel? Du bout des doigts elle caressa les tissus rêches, les porta à son visage. Ça lui fit comme un frémissement à l’intérieur. C’était elle qui avait brodé ces bavettes, en cadeau pour ses enfants. Dessous, des dessins et des bricolages étaient soigneusement rangés. Elle les déplia soigneusement pour ne pas les abîmer. Ses yeux s’embuèrent devant le dessin d’un sapin sous lequel était inscrit: Joyeux Noël! Je t’aime Maman…

Péniblement elle se leva pour atteindre la dernière boîte, la beige et noire, pleine de pochettes photos Kodak. Sur chacune, la date et le contenu étaient soigneusement notés. Elle s’attarda sur les plus anciennes, qui lui étaient vaguement familières. Les dates défilaient, elle reconnaissait les mêmes visages qui vieillissaient mais des lieux qui ne lui rappelaient rien. En fronçant les sourcils elle essaya de se rappeler. Elle se regarda dans le miroir posé sur sa coiffeuse. Etait-il possible qu’elle soit devenue la vieille femme qui la scrutait d’un regard hagard à travers la glace? Elle saisit une photo, se concentra et l’inspecta avidement. Et ce fut comme si le soleil entrait dans sa chambre! Son esprit embrumé sembla se dégager, comme un ciel après l’orage. Oui, ça y est, ça lui revenait maintenant. Sur cette image, c’était elle bien sûr, accompagnée de Roger, la soixantaine élégante, avec deux enfants souriants sur les genoux. La légende au dos indiquait: Noël 2000, Sandra et Joachim avec Grand-papa et Grand-Maman.

On frappa à la porte. L’infirmière entra et lança joyeusement: «Bonjour Madame Chappuis, toujours plongée dans vos boîtes? Vous savez quel jour on est aujourd’hui? Non? Regardez dehors, il neige! C’est Noël! Votre famille est arrivée!»
Elle se tourna vers la porte et les regarda tous entrer; son cher Roger qui portait un bouquet de roses blanches, ses préférées; Michel muni d’un paquet de boules Lindor, son péché mignon; Pauline qui tenait dans ses mains la vieille boîte en fer ronde avec des anges dessus; et puis les jeunes, Sandra et Joachim, qui entrèrent en dernier et se précipitèrent pour l’embrasser.

Alors ses yeux se remplirent de larmes de joie: ils étaient tous là, sa famille, pour fêter Noël avec elle. Une fois encore, grâce aux boîtes magiques, elle avait retrouvé dans le fond de sa mémoire abîmée le souvenir de ses bien-aimés. Pauline lui tendit la boîte, qu’elle avait ouverte: «Regarde, Maman, on a cuisiné tes fameux biscuits. Joyeux Noël!»

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