«C’est dans notre cerveau et dans lui seul, produit de notre patrimoine génétique et de nos expériences individuelles, qu’il nous faut rechercher les causes de l’extrême variété de nos choix, de nos comportements ainsi que de leurs modifications et adaptations.»

Fondatrice d’Endoxa Neuroscience à Vaumarcus, la Dre en neurosciences Cherine Fahim explique que nos vies ne sont pas gravées dans la pierre du cerveau dans lequel nous sommes nés: «Entre l’ADN reçu de nos parents et les souvenirs transmis par nos grands-parents, nous pouvons changer grâce à nos expériences. C’est l’essence même du libre arbitre.» Une clé essentielle, selon elle, pour que l’école, la famille et la communauté coconstruisent une meilleure manière de vivre ensemble.

Mais comment fonctionne notre cerveau?

Mieux comprendre son cerveau facilite notre apprentissage. Il est composé de plusieurs parties nommées lobes qui ont des fonctions régulatrices différentes. Il se développe de l’arrière vers l’avant, raison pour laquelle le nouveau-né n’a pas encore une vision large. Le cerveau deviendrait mature à l’âge de 25 ans.

Le lobe frontal est le chef d’orchestre, il régule les émotions et le langage, mais aussi la capacité de décider et de planifier.

Amandine Vuille, éducatrice sociale en milieu scolaire

Pour Amandine Vuille, éducatrice sociale en milieu scolaire dans le canton de Neuchâtel et titulaire d’un CAS en neurosciences de l’éducation: «Le lobe frontal est le chef d’orchestre, il régule les émotions et le langage, mais aussi la capacité de décider et de planifier.» Cela étant, on ne peut exiger d’un jeune enfant de gérer sa colère, car son cerveau n’est pas encore mature pour réussir à la réguler tout seul.

«Les tendances réactives du nourrisson à l’expérience, son expressivité émotionnelle et sa réponse aux événements de son environnement peuvent être observées très tôt dans la vie», souligne la Dre Cherine Fahim.

En dehors des lobes (frontal, pariétal, temporal, occipital), notre cerveau compte des milliards de neurones qui se connectent entre eux pour faire circuler l’information, au fur et à mesure de nos expériences. La Dre Cherine Fahim résume que «L’expérience individuelle est ainsi un moteur de la construction et de la reconstruction incessante de notre libre arbitre. Elle détermine l’architecture du cerveau.»

L’expérience individuelle est ainsi un moteur de la construction et de la reconstruction incessante de notre libre arbitre. Elle détermine l’architecture du cerveau.

Dre Cherine Fahim, Docteure en neurosciences chez Endoxa Neuroscience

L’apprentissage de la marche est un bon exemple. L’enfant vacille, cherche l’équilibre et tombe. L’erreur est ainsi utile et nécessaire pour apprendre. Pour la Dre en neurosciences: «L’attention exécutive autorégulatrice des enfants se développe relativement tard et coïncide avec le développement de leurs cortex frontal et préfrontal tout au long des premières années scolaires.»

null Illustration: Le Nouvelliste

Un support ludique pour mieux comprendre

Dans le cadre de l’obtention de son CAS en neurosciences, Amandine Vuille a créé un outil pédagogique pour expliciter le fonctionnement complexe du cerveau aux élèves de 7 à 10 ans. L’enfant utilise tout le temps son cerveau, alors comme pour un pilote de formule 1, raconte Amandine Vuille, il faut lui expliquer le fonctionnement du véhicule pour qu’il soit plus performant sur le circuit. Originalité: elle utilise la métaphore d’une station de ski. «J’étais monitrice de ski à Grimentz-Zinal, c’est ce qui m’a donné l’idée de faire des associations ludiques entre les deux.»

Chaque lobe peut être ouvert dans un support vidéo pour mieux comprendre sa fonction.

Amandine Vuille, éducatrice sociale en milieu scolaire

Ainsi, dans le jeu d’Amandine, le domaine skiable représente le cerveau et ses différentes parties. «Chaque lobe peut être ouvert dans un support vidéo pour mieux comprendre sa fonction.» L’éducatrice a par exemple associé le lobe occipital, lié à la vision, au point de vue panoramique du domaine skiable. Les skieurs qui dévalent les pistes montrent les connexions neuronales, l’information qui passe vite.

Les dameuses préparent le chemin pour une meilleure glisse: «Quand il y a trop de neige, il faut repasser plusieurs fois sur la piste, c’est l’idée de la répétition et des erreurs utiles pour apprendre.» Et quand on croit que le cerveau ne fait plus rien? En réalité, il est toujours actif. Installé sur un télésiège: «C’est notre cerveau en mode par défaut, quand on se remémore des souvenirs par exemple.» Trois abonnements de ski racontent encore les réseaux cérébraux: celui qui perçoit l’info, celui qui exécute et enfin celui qui mentalise.

Amandine Vuille a aussi associé des animaux de la montagne aux différentes fonctions cérébrales: «Par exemple, l’amygdale qui régule nos actions face à la peur est représentée par le chamois qui prendra la fuite rapidement.»

La magie de la plasticité cérébrale

Les connexions de neurones non utilisées s’éliminent, on parle d’élagage synaptique. A l’image du corps physique qui s’entraîne pour rester tonique, un cerveau plus stimulé devient plus musclé. La bonne nouvelle, c’est que l’on peut apprendre à tout âge, car notre cerveau récupère et se restructure au fur et à mesure des nouvelles informations que nous lui donnons à traiter.

Notre tempérament, notre volonté et nos expériences sociales influencent notre cerveau et nos actions

Dre Cherine Fahim, Dre en neurosciences chez Endoxa Neuroscience

La Dre Cherine Fahim donne cette image: «C’est comme une jungle, au début il faut élaguer les branches pour avancer, puis progressivement on marche sur un chemin bien plus aménagé. Cette neuroplasticité participe au libre arbitre.» Ainsi, il est possible d’agir sur ses émotions et d’être résilient après un traumatisme. Si on revient sur la simple colère de l’enfant: «Il suffit de lui apprendre à respirer calmement pour réduire son agitation.»

La Dre Cherine Fahim explique: «Un événement de vie est souvent encodé, stocké et rappelé sur la base de plusieurs représentations cérébrales et somatiques. Entre les neurones, la manière dont les informations intéroceptives sont traitées affecte l’expérience émotionnelle. Nous possédons le libre arbitre pour changer l’interprétation de ce souvenir ou lui trouver un sens qui nous aide à l’accepter et notre réalité peut changer.»

Muscler le cerveau contribuerait au bien-être

«Notre tempérament, notre volonté et nos expériences sociales influencent notre cerveau et nos actions», précise la Dre Cherine Fahim. Le cerveau est malléable et sa compréhension offre ainsi une possibilité d’aller mieux et d’apprendre plus. Les neurosciences nous révèlent encore que «la maîtrise de soi permet d’établir des priorités et de résister aux actions et réponses impulsives.»

L’outil pédagogique neuroéducatif conçu par Amandine Vuille vulgarise à merveille tous ces mécanismes. Elle espère pouvoir diffuser ce support plus largement. Les premiers tests qu’elle a réalisés en classe sont prometteurs: «Les enfants sont réceptifs et comprennent mieux leur cerveau avec ce jeu interactif.»

Comment votre cerveau conditionne-t-il votre capacité d’agir?

Le cerveau joue un rôle crucial dans notre capacité à prendre des décisions et à influencer notre destin. Mieux comprendre son fonctionnement permet de mieux l’utiliser pour agir.