Un lettreux. Héritage de son parcours académique à l’Université de Lausanne, ce substantif qu’il s’auto-attribue va comme un gant à Michel Rey-Bellet. «En somme, je n’ai jamais quitté les lettres», sourit l’Agaunois, évoquant le Scrabble et le théâtre, deux hobbys qui rythment ses loisirs.

Il a fait ses premiers pas sur les planches avec les scouts, dans des mini-pièces présentées ponctuellement par ce groupe dont il est demeuré membre jusqu’en 1983. «Grillon bruyant» – le totem que lui a valu sa voix qui porte – y a découvert les émotions ressenties sous les feux de la rampe aux côtés de Claudine qui, plus tard, deviendra sa femme.

Membre fondateur et président

L’expérience les a séduits au point qu’en 1984, ils ont réuni une quinzaine d’intéressés pour relancer une troupe de théâtre au pied de la falaise. «Il n’y en avait plus depuis une vingtaine d’années et pas mal de gens rêvaient d’en faire», se souvient-il. Ainsi sont nés les Tréteaux du Parvis.

Michel est un pilier des Tréteaux du Parvis.

Sandrine Pochon, présidente de la troupe de théâtre agaunoise et amie de Michel Rey-Bellet

«Michel en est un pilier, parce qu’il est membre fondateur et qu’il l’a présidée mais aussi parce qu’il est généreux de son temps pour la troupe», souligne, admirative, l’actuelle présidente, Sandrine Pochon. «Il a fait et fait encore un boulot de dingue et je pense qu’au sein des Tréteaux, il est celui qui a joué dans le plus de projets, dans des rôles très différents.»

null Michel Rey-Bellet est un acteur polyvalent. En 2010 dans «Les pas perdus», il s’inspire de sa maman âgée pour incarner une vieille dame. © DR

En quatre décennies, les Tréteaux ont vu défiler nombre de comédiens, dont certains ont fait carrière: «C’est génial de les voir évoluer vers le professionnalisme même si, pour nous, c’est une perte», soupire Michel Rey-Bellet, évoquant des problèmes de relève, surtout masculine.

Les registres explorés sont multiples, du classique au policier en passant par la comédie. «On a aussi fait dans l’intimiste, notamment avec Anouilh. Et une fois, on a monté «Bataille navale» de J.-M. Ribes, avec, pour scène, le grand bassin de la piscine municipale, et les spectateurs autour. Je n’ai pas joué, je ne sais pas nager», rigole-t-il, mutin.

«Affreux Saint-Mauriard»

Michel Rey-Bellet ne se prive pas de manier l’humour, même si son parcours professionnel l’a contraint à une certaine rigueur. Professeur en secondaire I et II puis directeur de collège et enfin conseiller en personnel à l’ORP, cet Agaunois pure souche n’a jamais quitté sa bourgade natale, hormis durant ses années universitaires.

«Comme mes enfants, je suis un affreux Saint-Mauriard. Une journée sans voir notre Cervin (ndlr: la Cime de l’Est), on est perdus!»

Il apprécie l’ambiance conviviale qui règne dans ce «grand bled où quand tu sors, tu ne sais jamais à quelle heure tu vas rentrer» et la mentalité qui «n’est ni celle de Monthey ni de Martigny. Ici, les gens sont ouverts et très dynamiques côté activités et sociétés locales.»

Carnavaleux passionné en son temps, il n’aurait raté pour rien au monde les festivités de précarême avec ses contemporains ou les Tréteaux.

Avec son lot d’anecdotes à la clé, comme ce groupe des médecins de Mol’hier imaginé par la troupe: «On exhibait un faux cadavre qu’on avait éviscéré et en dessous, on avait placé une marmite remplie de tripes. On les servait dans des assiettes puis on s’est mis à les jeter sur le public. C’était dégueu, d’autant plus qu’on les avait cuisinées en sauce tomate!»

null A carnaval, Michel Rey-Bellet et les Tréteaux du Parvis ont à plusieurs reprises imaginé des chars ou des animations pour le cortège. Ici, les médecins de Mol’Hier et leur faux cadavre. © DR

Les tournois de Scrabble en vacances

Son autre marotte, il y a goûté quand son chemin a croisé celui de Jacques Berlie lorsqu’il enseignait au cycle d’orientation de Vouvry. «Pointure du Scrabble, il m’a dit que ça devrait convenir à un lettreux comme moi. C’était un piège pour m’attirer car les matheux y sont plus forts», s’amuse celui qui s’est pourtant pris au jeu et a fondé Agaune-Scrabble.

Cette passion qu’il partage avec son épouse les a fait voyager de la France au Québec en passant par la Belgique. «On couplait nos vacances d’été avec les championnats du monde», raconte-t-il. Il se souvient avoir commencé la compétition lors des premiers qui furent organisés en Suisse à Montreux, en 1981. «L’ambiance était extraordinaire», se remémore-t-il, précisant qu’il apprécie ce sport cérébral davantage pour les amitiés qu’il suscite que par réel esprit de compétition. «Je n’ai jamais été doué pour apprendre des listes de mots…»

Les Tréteaux, «notre quatrième enfant»

Lettreux un jour, lettreux toujours. L’amour des mots n’a jamais quitté le désormais retraité, qui prend toujours plaisir à participer à des tournois. Tout comme il retrouve volontiers les planches, où ce grand timide parvient à se transcender. «Le théâtre te permet d’entrer dans la peau de quelqu’un d’autre et c’est d’autant plus jouissif si ton personnage est à l’opposé de ce que tu es.»

Le théâtre te permet d’entrer dans la peau de quelqu’un d’autre et c’est d’autant plus jouissif si ton personnage est l’opposé de ce que tu es.

Michel Rey-Bellet, membre fondateur des Tréteaux du Parvis

Ce virus de la scène, de l’ambiance qui l’entoure, il l’a transmis à ses proches, même si ses filles et sa femme préfèrent assurer la logistique en coulisses que briller sous les projecteurs. C’est ensemble qu’ils fêteront dès le 2 mars l’anniversaire de cette troupe qui, pour Michel et Claudine est un peu comme «notre quatrième enfant».

«Les Tréteaux, ce n’est pas seulement une société dans laquelle on fait du théâtre», abonde Sandrine Pochon. «C’est comme une famille.»

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