«C’était un lieu de rencontres, de spectacles, de musiques, mais aussi d’infidélités conjugales aux yeux de certains. Les Treize Etoiles ont toujours été entourées de mystères, comme tous les lieux nocturnes.» Odette La Du Paul sait de quoi elle parle. La Chablaisienne a vécu en effet plus d’une quinzaine d’années entre ces murs montheysans.

Dans un livre publié par les Editions Terres d’Encre de Saint-Augustin en 2022, elle décrit les coulisses de ce bâtiment qui, selon elle, «vend de la joie, du merveilleux et de l’exotisme». Une description qui contraste fortement avec l’immeuble tombé aujourd’hui en décrépitude et l’ambiance des dernières années où l’on proposait aux clients «des séances de massage».

De restaurant à cabaret

Avec «Confidences des étoiles», Odette La Du Paul veut donc «rendre ses lettres de noblesse» à ce lieu et à son histoire. Ou plutôt ses histoires, puisque les Treize Etoiles semblent avoir eu, sous sa plume, plusieurs vies. Dans son ouvrage, elle raconte ainsi son enfance et part en quête des circonstances mystérieuses de la mort de sa mère, disparue à cette même époque.

Avec ses belles nappes et son argenterie, le lieu dégageait une certaine classe pour l’époque.

Odette La Du Paul, fille du fondateur du Treize Etoiles

Nous voici en 1955 lorsque le lieu, construit par son père Marius Buttet, ouvre ses portes. Les Treize Etoiles sont alors un restaurant. «Avec ses belles nappes et son argenterie, le lieu dégageait une certaine classe pour l’époque», décrit-elle. Cuisine traditionnelle, minigolf à proximité, grand parking: l’établissement accueille également des mariages et événements pour une centaine de personnes.

Aux Treize Etoiles, un imprésario était chargé de trouver les groupes et artistes. © DR

Artiste dans l’âme, Marius Buttet mêle très rapidement quelques notes de musique à ses menus. Le fondateur reçoit régulièrement en ses murs des groupes et orchestres de réputation internationale. Aux Treize Etoiles, on chante, on danse, puis la musique prend une telle ampleur qu’elle repousse rapidement les chaises du restaurant.

Striptease validé par l’évêque

Peu après son ouverture, le lieu change alors d’affectation: le restaurant devient un dancing-cabaret où performent artistes multiples et musiciens de qualité. D’étonnants spectacles y sont présentés avec des numéros de contorsionnistes ou de magiciens. Des animaux sauvages, tels que léopards ou serpents, sont aussi utilisés avec des danseuses entraîneuses qui y réalisent un striptease intégral.

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Des spectacles avec des animaux sauvages ont fait les beaux jours de l’établissement. © DR

«Dans ce canton catholique très conservateur, ces animations créent une polémique et il faut, à mon père, de multiples démarches, allant jusqu’à l’évêque, pour obtenir une autorisation en bonne et due forme.»

Le guépard promené en laisse

Dans cet univers, la vie de la petite Odette ne ressemble alors à aucune autre de ses copines. Mais elle ne s’en plaint pas. «Grâce aux entraîneuses, mon enfance a été d’une grande richesse. Je me souviens de leurs plumes, leurs costumes orientaux, des multiples langues que j’entendais», se souvient-elle en ajoutant une anecdote folle sur Pacha, le guépard, qui «dormait dans la cave» et qu’elle «promenait en laisse dans le quartier».

De nombreuses animations avaient lieu toute l’année. © DR

A cette époque, les Treize Etoiles, jouissant d’une excellente réputation, refusent parfois du monde à l’entrée. «Des clients rentraient en douce par les fenêtres des toilettes.» Des événements régionaux y sont célébrés, comme le concours de Miss Valais, et au sous-sol, le bowling accueille des compétitions suisses.

On vient de loin pour apprécier aussi son bar à scotch, un service plutôt rare dans la région à cette époque. «Il y avait des casiers numérotés pour les bouteilles des habitués. Mon père savait fidéliser sa clientèle. Il était en avance sur son temps», estime l’écrivaine d’Ollon.

La presse de l’époque ne tarissait pas d’éloges sur les animations du lieu.

Adolescente, Odette La Du Paul quittera ce quotidien peu banal qu’elle qualifiera tout de même «de bordel, même si les entraîneuses ont un imprésario». Fermé et racheté depuis mars 2020, le bâtiment est désormais «appelé à disparaître pour laisser place à un nouveau projet», selon son propriétaire actuel.

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