Le cyclisme est un sport à part. Il est l’une des rares, sinon la seule discipline individuelle à se pratiquer en équipe. C’est ainsi que le vélo nourrit et vit de ses «gregario» sans que ceux-ci, souvent, ne récoltent le moindre laurier. Quel autre sport permet, encore, à ses pratiquants de partager un entraînement en dehors d’une structure officielle?

L’amitié est plus forte

Arnaud Tissières, Antoine Debons et Valentin Darbellay n’ont pas besoin de porter le même maillot pour s’entraîner ensemble, organiser un stage de préparation ou, même, se partager le volant ou la banquette d’un train pour se rendre à la même course. Parce que pour ces trois-là, l’amitié est plus forte que leur rivalité sportive. Pour autant qu’elle existe, d’ailleurs.

En janvier, je rejoindrai Simon Pellaud en Colombie pour trois semaines en altitude.

Arnaud Tissières, coureur chez Elite Fondations

«Quand on court à l’étranger, il y a souvent une alliance romande entre les coureurs de la région», expliquent-ils. «Il y a un pacte non écrit entre nous qui veut, notamment, qu’on ne chasse pas derrière un copain en échappée sauf si les consignes ou une stratégie d’équipe l’imposent. C’est vrai qu’une telle collaboration, au-delà du maillot, est possible chez les amateurs. Ce serait différent chez les professionnels.»

Fully, le 27 mars 2023
Cyclisme. Arnaud Tissières, cyclistes élites arrivés sur le tard, prendront part au GP Berra. © Sacha Bittel/Le Nouvelliste

Arnaud Tissières, malgré quelques succès, restera chez Elite Fondations en 2024. © Sacha Bittel

Des sorties festives et du camping

En dehors du vélo, ils se voient régulièrement pour des sorties paintball, des repas, au chalet ou «pour faire la fête en fin de saison. Cet été, nous avons aussi été faire du camping.» En janvier, Arnaud Tissières rejoindra Simon Pellaud en Colombie pour trois semaines d’entraînement «en altitude, au soleil et dans une région qu’il connaît comme sa poche».

J’ai appelé Arnaud Tissières quand j’ai vu qu’il avait battu mon temps entre Le Châble et Mauvoisin.

Valentin Darbellay, coureur chez Corratec

«Par rapport au ski, le point commun, c’est que nous sommes continuellement ensemble, à l’entraînement, en course et à l’hôtel», relève Valentin Darbellay, l’ancien skieur. «Par contre, sur les pistes, il y a davantage de concurrence interne. Même si on est proches, ça peut être tendu en certaines circonstances alors qu’à vélo, nous sommes là pour défendre l’intérêt de l’équipe avant tout.»

Deux skieurs qui courent le 100 mètres

Arnaud Tissières et Valentin Darbellay possèdent la particularité d’avoir exercé d’autres sports avant de découvrir le cyclisme: du ski nordique pour l’un, du ski alpin pour l’autre. «Nous nous sommes toutefois connus en pratiquant… l’athlétisme», sourient-ils. «Notre premier souvenir remonte à une finale suisse du 100 mètres.»

Martigny, le 18 avril 2023
Antoine Debons, coureurs cycliste Team Philippe Wagner Cycling. © Sacha Bittel/Le Nouvelliste

Antoine Debons attendait depuis longtemps un contrat chez les professionnels. © Sacha Bittel

Quelques années plus tard, ils se sont retrouvés à l’occasion de la course populaire Le Châble-Mauvoisin. «J’ai vu qu’il avait battu mon temps», acquiesce Valentin Darbellay. «Je lui ai alors proposé d’aller rouler ensemble.»

Antoine Debons, coach puis coéquipier

Antoine Debons, lui, a très vite fait tourner les jambes sur un vélo. Mais il est très proche des skieurs, d’Arnaud Boisset notamment. «C’est ainsi que j’ai connu Valentin. Quant à Arnaud, c’est le vélo qui nous a réunis. C’est donc plus récent.»

Je suis bluffé de les voir progresser aussi vite en venant d’un sport aussi différent.

Antoine Debons, coureur chez Corratec

Depuis deux ans que les ex-skieurs appuient plus sérieusement sur les pédales, les trois Bas-Valaisans roulent régulièrement ensemble dans la région. Mieux que ça, encore. Antoine Debons a… entraîné Valentin Darbellay. En 2024, tous deux porteront le même maillot, celui de l’équipe professionnelle Corratec. «Il venait donc du ski et ne connaissait pas grand-chose au vélo, à la tactique», explique le cadet des deux. «Gentiment, je lui ai préparé des plans d’entraînement.»

Quand Antoine court contre l’équipe de son papa…

Le trio a véritablement pris forme voilà moins de deux ans, dès le moment où les deux cyclosportifs ont rejoint la structure Elite Fondations dirigée, notamment, par Alexandre Debons, le… papa d’Antoine. «C’est vrai que c’est spécial», sourit Antoine Debons, appelé parfois à courir contre l’équipe de son papa. «En même temps, cette proximité facilite parfois les alliances. Je me rappelle qu’aux 4 Jours des As, Valentin m’avait aidé à défendre mon maillot de leader lors de la dernière journée. C’était un moment très fort.»

Fully, le 27 mars 2023
Cyclisme. Valentin Darbellay, cyclistes élites arrivés sur le tard, prendront part au GP Berra. © Sacha Bittel/Le Nouvelliste

«L’hiver, surtout, on s’écrit très régulièrement pour savoir qui roule, quand et où», expliquent-ils.

En course, depuis deux ans, deux des trois cyclistes portent le même maillot. Valentin Darbellay a d’abord fait équipe avec Arnaud Tissières. Ces prochains mois, il prendra part aux mêmes briefings qu’Antoine Debons. Entre eux, quelle que soit la couleur de l’équipement ou le nom du directeur sportif, ils continueront à échanger au sein du peloton et, si les circonstances le permettent, d’unir leurs efforts. «Quand il y a un temps mort, durant une course, il nous arrive d’échanger des blagues», assurent-ils. «Parfois, il y a même des intérêts communs entre nos équipes.»

Il leur reste à porter le même maillot

En cyclisme, un leader, aussi fort soit-il, n’est toutefois rien sans le soutien de ses équipiers. «En 2023, avec Valentin, nous n’avons cessé de travailler l’un pour l’autre», rappelle Arnaud Tissières. «Le hasard a voulu que nous n’ayons pas souvent eu l’occasion d’être véritablement adversaires dans le final.»

Aujourd’hui, Antoine Debons n’a plus besoin de glisser trop de conseils à ses deux collègues. «Non, ils ont appris très vite», applaudit-il. «C’est même bluffant de progresser aussi vite dans un sport aussi différent de celui qu’ils ont longtemps pratiqué.»

Il leur reste, désormais, à se retrouver les trois dans la même équipe.

Cyclisme: Arnaud Tissières monte sur le podium du GP Berra à Saillon derrière un coéquipier

Le coureur d’Elite Fondations termine 2e du GP Berra Immobilier derrière son coéquipier Alexis Cohen. Antoine Salamin gagne en solitaire chez les cadets.