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Coronavirus: "Mad Max Fully Road". Par Philippe Battaglia

«Le Nouvelliste» inaugure un nouveau rendez-vous hebdomadaire. Une douzaine de personnalités issues de générations, de milieux socio-professionnels différents livrent leurs pensées sur l’impact social de l’expérience collective que nous vivons tous, et sur le temps d’après, quand la vie reprendra, sans doute différemment d’avant.

20 avr. 2020, 18:30
Philippe Battaglia, auteur, chroniqueur radio, Monthey

Asseyez-vous, les enfants, je vais vous dire comment ça s’est passé. Je ne vais pas omettre un seul détail, vous allez en avoir pour votre argent.
Très vite, la population s’est scindée en deux groupes. Ceux qui vivaient dans les hauteurs, qui avaient du terrain et une rivière à proximité. Ouais, les paysans, on les appelait avant tout ça. Ceux de la ville se moquaient d’eux dans l’ancien temps, pas érudits, pas cultivés, qu’ils disaient. Pas cultivés. L’ironie. Quand les citadins sont montés pour mendier quelques patates, ils se sont fait recevoir, tu peux me croire. Une main sur le fusil et l’autre sur la bible, qu’ils les attendaient, les paysans.

En plaine, immédiatement, c’est parti en sucette. La question des nouilles instantanées et du papier toilette ne s’est très vite plus posée. L’humanité, habillée de cuir et de métal tels des gladiateurs modernes, s’est divisée en gang arpentant les routes désertes en jeep ou en Subaru à la recherche des seules dernières richesses du territoire: l’abricotine et le lard sec.

Les Couchepinistes tenaient la majorité du canton mais octroyaient avec parcimonie quelques ressources aux Chablaisiens occupés à défendre la frontière du Rhône face à l’immigration vaudoise. Les Haut-Valaisans, eux, ne donnaient plus de signe de vie depuis le début du confinement. Les rares éclaireurs à s’être aventurés sur leur domaine pour former quelques obscures alliances avaient servi à agrémenter de gigantesques plats de rœsti. 

 

En plaine, immédiatement, c’est parti en sucette. La question des nouilles instantanées et du papier toilette ne s’est très vite plus posée.
Philippe Battaglia, auteur, chroniqueur radio

 

Dans la capitale, une nouvelle religion émergea autour de Tcheu Constantin. Le stade de Tourbillon fut transformé en arène dans laquelle les plus courageux – ou les plus désespérés – se battaient dans des pugilats à mort pour quelques gouttes du précieux breuvage. Deux hommes entrent, un homme boit! scandait la foule, ivre de vin frelaté et de sang.

Fatigué par les incessantes demandes de subvention envoyées par le nouveau Tcheu, le Conseil fédéral prit la décision de bombarder les différents barrages valaisans et noya le canton sous des milliers de litres d’eau. Les survivants, refusant de se soumettre, développèrent des palmes et des branchies et se lancèrent à la conquête de la Suisse romande et prenant possession du Léman et remontant ses affluents. 
Alors oui, on n’est qu’en avril 2020, oui, on a déjà eu les avis des experts, des scientifiques, des médecins, des politiciens et de Josiane des ressources humaines et oui, c’est vrai, y a pas grand-chose qui va dans ce sens. Mais si nous, les cinéphiles, les adorateurs de la série Z, les fanatiques du nanar, on peut pas rêver, je me demande à quoi ça sert de se battre.

Allez, les enfants, c’est fini. Les dents, pipi et au lit.

Philippe Battaglia, auteur, chroniqueur radio, Monthey

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