Avec Roger Dubosson, pas de préambule ou autres formules de politesse. L’homme vous accueille avec un sourire franc et le tutoiement est direct. Après trente-six ans à la tête de la Fromagerie de Verbier, il vient de prendre sa retraite. «Je dois dire que ça fait un peu drôle, ça fait comme un vide. Mais j’aime bien Verbier, j’ai beaucoup de contacts, et je ne m’ennuie pas. Et avec mon frère Calixte, nous avons une scierie à Troistorrents et nous y allons le jeudi.»

La fromagerie, établissement très réputé à Verbier, il l’a connue dès les années 80, lorsqu’il officiait comme inspecteur des laiteries. «Il y avait un fromager de Neuchâtel. Il est parti et on m’a proposé de reprendre la fromagerie. Comme j’étais toujours sur les routes avec ce travail d’inspecteur, où je n’étais pas toujours bien reçu, je me suis arrêté ici en octobre 1986.»

Et l’aventure s’est poursuivie jusqu’à la fin de l’année dernière. Jour après jour, toujours avec la même passion. Roger Dubosson n’a pas compté les heures passées dans sa laiterie. «Les dix premières années, je faisais du non-stop. Du 15 novembre au 30 septembre, je n’avais pas un jour de congé.»

La situation a changé avec l’agrandissement de l’établissement, dans les années 90, et le renfort engagé. «De 1800 pièces nous sommes passés à 5600. Et actuellement, il y a trois fromagers, un apprenti et une personne qui s’occupe de la cave. Ces deux dernières années, j’ai travaillé à mi-temps.»

Un chef très impliqué

Le fromage, on dirait que Roger est tombé dedans tout petit, dans son lieu d’origine, à Troistorrents. «Nous étions sept enfants. J’ai toujours été dans les alpages, de 6 à 17 ans. Et je suis devenu apprenti fromager.»

J’ai toujours aimé le contact. Il faut aussi savoir donner aux gens, pas toujours les faire payer, j’ai consacré du temps aux visites et j’en ai toujours été récompensé.

Roger Dubosson, fromager à la retraite

En trente-six années passées à la tête de la Fromagerie de Verbier, il ne s’est jamais lassé. «C’est un boulot pénible, où il y a beaucoup d’investissement, sept jours sur sept, mais l’avantage, c’est que tu n’as pas de patron, tu fais ce que tu veux. J’ai longtemps habité au-dessus de la fromagerie, alors je n’oubliais jamais le travail, mais j’ai toujours eu de l’énergie parce que j’aime ce métier.»

Souvenir. Dans les années 90, un papa qui transmet à ses enfants la passion du fromage. © DR

A la fromagerie, le chef, c’était Roger, comme peut en attester Marc, l’un de ses cinq enfants, le seul à avoir suivi la voie du père. Marc gère le magasin et s’occupe des autres produits que le fromage à raclette, comme les yogourts. Roger était donc le boss, mais il se donnait à fond. «Il a beaucoup de rigueur dans le travail et c’est un énorme bosseur, il ne s’est jamais pris pour le chef, il s’est toujours mis au niveau de tout le monde.»

A la fromagerie et au magasin, Roger Dubosson a eu le temps de nouer de nombreux liens amicaux. «J’ai toujours aimé le contact. Il faut aussi savoir donner aux gens, pas toujours les faire payer, j’ai consacré du temps aux visites et j’en ai toujours été récompensé. Les gens aiment venir visiter les fromageries traditionnelles.»

Un couac à Rapperswil

Roger Dubosson ne transige jamais sur la qualité d’un fromage. «Il faut donner de la qualité aux gens… Avec le lait cru, il faut vraiment faire attention à l’hygiène et c’est plus difficile dans les grandes fromageries.»

Il a un caractère bien trempé! Il dit droit en bas ce qu’il pense, pas besoin de passer par quatre chemins.

Eddy Baillifard, Monsieur Raclette du Valais et ami de Roger Dubosson

En 2014, la laiterie a eu la (bonne) surprise de remporter un prix important, le Swiss Cheese Award pour le Raclette AOP du Valais, un lait cru qui a séduit le jury. «J’ai appris le jour même que nous devions aller en toute urgence à la patinoire de Rapperswil pour faire une raclette avec d’autres fromagers. Quand on a voulu allumer les fours, l’électricité de la patinoire a sauté. Nous n’avons pas pu faire de raclette», se souvient, amusé, Roger.

Cette consécration accentuera encore la notoriété de la fromagerie, qui reçoit des visiteurs de Zurich ou Saint-Gall ou des commandes venant du Tessin.

Grand fan du FC Sion, Roger Dubosson ne manque jamais une finale et est très fier des coupes remportées par son club fétiche. © DR

Désormais, c’est le fils d’Eddy Baillifard, Jonathan, qui va reprendre la Fromagerie de Verbier, avec Marc Dubosson pour ce qui concerne le magasin. Un Eddy Baillifard, roi de la raclette, jamais à court d’anecdotes pour évoquer son ami Roger: «Il a un caractère bien trempé! Il dit droit en bas ce qu’il pense, pas besoin de passer par quatre chemins. Il est très sérieux au travail, strict sur la qualité du lait et c’est grâce à ça que ses fromages atteignent des lettres de noblesse.»

Roger est aussi un amoureux du football, fan absolu du FC Sion – «On a vu toutes les finales avec mon frère Calixte» – et il joue aussi au ballon. Au sein des vétérans, on le surnomme, selon une source qui tient à garder l’anonymat, «Bernina la tricoteuse», en référence à son art du dribble. «C’est un bon copain, fédérateur et communicateur. Et il aime chanter», raconte encore Eddy Baillifard. «On l’entend chanter à tue-tête dans la fromagerie.»

Mon parcours
1957 Je suis né le 11 janvier. J’ai passé mon enfance à Troistorrents.
1974 J’effectue mon apprentissage de fromager dans le canton de Fribourg.
1980-1986 Je travaille comme inspecteur des laiteries.
1982 J’obtiens la maîtrise fédérale de fromager au Crêt (Fribourg).
1986 Je reprends les rênes de la fromagerie de Verbier.
2021 Je prends ma retraite le 31 décembre.

Verbier: le projet Esserts-Savoleyres peut reprendre après 10 ans de procédures

A la suite d'une décision du Tribunal fédéral, le projet de liaison Esserts-Savoleyres, bloqué pendant plus de dix ans, redevient d’actualité.