La Suisse va renforcer son arsenal de mesures pour lutter contre la menace terroriste. Le National est entré en matière jeudi par 107 voix contre 84 sur le projet du Conseil fédéral pour les mesures policières de lutte contre le terrorisme.
Mesures policières préventives
Ce deuxième volet du projet gouvernemental prévoit le durcissement des mesures policières préventives. Ces dernières seront utilisées à titre subsidiaire, de manière complémentaire à d’autres et de façon proportionnée, a précisé Jacqueline de Quattro ( PLR/VD) au nom de la commission.
Certaines règles pourraient ne pas plaire à tout le monde et être contraires à certaines libertés, mais il faut prendre des mesures face à la menace terroriste, a dit Mauro Tuena (UDC/ZH) également au nom de la commission. Pour l’instant, la Suisse a été épargnée grâce à l’excellent travail de la police, mais il faut lui donner des instruments préventifs supplémentaires, sans attendre, a ajouté le Zurichois.
Soupçon généralisé
La gauche et les Vert’libéraux ne voulaient pas entrer en matière, estimant que le dossier devait être renvoyé au Conseil fédéral qui devait en examiner la constitutionnalité. Cette loi pourrait contrevenir aux droits humains, selon la commissaire européenne des droits de l’homme, ont rappelé plusieurs députés.
Les attaques terroristes ont créé des fissures dans ce sentiment de sécurité, mais ces mesures ne règlent pas le problème et vont étendre sur la population un soupçon généralisé, a plaidé Mme Christ. Ce projet, «c’est juste de l’esbroufe sécuritaire», a renchéri Léonore Porchet (Verts/VD).
Cette nouvelle loi porte atteinte aux droits humains, a abondé Franziska Roth (PS/SO). Ces mesures vont frapper des personnes qui n’ont rien fait, c’est la porte ouverte à l’arbitraire.
Endiguer la menace terroriste
Pour la droite en revanche, ces mesures doivent permettre d’endiguer la menace terroriste qui «augmente partout dans le monde depuis des années», a dit Alois Gmür (PDC/SZ). La Suisse est en retard dans ce domaine et doit mettre en place les mesures qui s’imposent, a abondé Rocco Cattaneo (PLR/TI).
Ces mesures viennent combler des lacunes que la pratique a mises en lumière. Elles doivent permettre d’empêcher qu’un nombre toujours plus grand de personnes ne se tourne vers la violence, a estimé Jean-Luc Addor (UDC/VS).
Répression insuffisante
La menace terroriste en Europe demeure importante, a souligné la ministre de la justice Karin Keller-Sutter. La Suisse a adopté une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme.
Des mesures sociales, thérapeutiques et préventives sont déjà mises en place pour arrêter la radicalisation. Si elles échouent, la police peut agir avec ces nouvelles mesures, a précisé la conseillère fédérale. Les mesures préventives existent déjà, notamment dans la lutte contre le hooliganisme ou les violences domestiques. Les règles proposées sont conformes au droit international, a ajouté Mme Keller-Sutter.
Le nouvel arsenal cible les individus représentant une menace mais ne pouvant faire l’objet d’une procédure pénale. Il sera possible d’obliger quelqu’un à se présenter à un poste de police à des horaires déterminés, de lui interdire de quitter la Suisse, de le confiner dans un périmètre déterminé ou de ne pas lui permettre de se rendre dans certains endroits.
Dès 12 ans?
Les mesures seraient limitées à six mois reconductibles une fois. Elles seraient décidées et autorisées par l’Office fédéral de la police (fedpol) et pourraient être combattues devant le Tribunal administratif fédéral.
Le gouvernement veut les appliquer à des personnes dès l’âge de 12 ans. «C’est une triste réalité que des enfants sont utilisés par des groupes terroristes», a déclaré Jean-Luc Addor (UDC/VS). Ces mesures viennent d’observations et de réalités concrètes, a souligné Alois Gmür (PDC/SZ).
Les députés doivent encore voter vendredi sur cet âge minimal. La gauche veut relever cet âge à au moins 14 ans, et à 18 ans pour l’assignation à résidence. Un enfant qui risque de se radicaliser a besoin de toute autre chose que de stigmatisation, a plaidé Léonore Porchet (Verts/VD).