courrier des lecteurs

Théodule et la Coupe du monde de ski

19 oct. 2023

Les Suisses aiment leurs glaciers et sont un peu comme les proches au chevet du malade qui vit une lente agonie. Alors, quand on voit les pelleteuses qui attaquent le glacier du Théodule pour préparer la course de la Gran Becca, il y a de quoi être choqué.

J’ai aussi été choqué par les propos lénifiants du conseiller d’Etat Favre et du champion olympique Défago, le 18 octobre sur la RTS. Le premier veut nous faire croire que c’est une pratique courante pour la préparation des pistes sur glacier. Certes, il faut combler les crevasses pour garantir la sécurité. Personne ne le nie. Ce qu’il oublie de dire, c’est que le ski sur glacier se pratique en hiver et dans les premiers mois d’été lorsque la neige recouvre encore la glace, pas en automne lorsqu’il n’y a presque plus de neige sur les glaciers, même à ces hautes altitudes.

Quant au second, depuis quand l’architecte se désolidarise-t-il de l’œuvre finale? Programmer une telle course dans ce lieu au début novembre est un contresens. D’abord, depuis 1970, la durée d’enneigement décline d’un jour par an dans les Alpes suisses. Ensuite, Zermatt se situe dans la région la plus sèche de Suisse. Il y a 2 à 3 fois moins de précipitations qu’à des stations de même altitude au nord des Alpes. Il est illusoire de penser que la nouvelle neige puisse être suffisante en novembre.

Enfin, il faut plus de neige pour pouvoir skier sur les cailloux de Zermatt que sur les pâturages du Moléson. Ou alors, il faut faire de gros travaux d’aménagement… Certes, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, mais n’y a-t-il aucune limite? On nous dit qu’une telle course à ce moment de l’année doit faire vendre des skis et remplir les hôtels de Zermatt.

Ouf, je suis rassuré: les «maquereaux des cimes blanches» (Chappaz, 1976) n’ont pas disparu.

par Emmanuel Reynard, Savièse