courrier des lecteurs

Non à l'initiative, oui à l'Etat de droit

16 févr. 2016

Le 28 février, nous voterons sur l’initiative de mise en œuvre « pour le renvoi effectif des criminels étrangers ». Ce texte a réussi le tour de force de fédérer l’ensemble des acteurs de la société contre lui : gouvernement, partis politiques, organisations économiques, patronat, syndicats, cantons, ONG, Eglises, professeurs, procureurs cantonaux…
Notre devoir démocratique recommanderait de comprendre pourquoi autant d’acteurs aux intérêts si divergents s’unissent contre ce texte. Creusons un peu derrière ce slogan et comprenons la portée des conséquences d’une mise en œuvre de ce texte.
En l’acceptant, nous nierions le rôle du juge dans la procédure judiciaire. Nous retirerions ce qui fait le caractère humain de la justice dans une démocratie. Respecter la séparation des pouvoirs, avoir une justice indépendante, ne sont pas des paroles en l’air : c’est le socle démocratique de notre société sur lequel s’articule la souveraineté du peuple.
Dans ce texte, on méprise le principe de proportionnalité inscrit dans la Constitution, accepté en votation populaire en 1999. Il n’y a aucune différence dans la sanction entre un crime grave et un délit mineur. L’expulsion automatique sera la règle, et tant pis pour les principes d’Etat de droit.
Si l’initiative ne convainc pas la majorité du peuple, la solution législative préparée par le Parlement (suite à l’initiative « pour le renvoi des étrangers criminels » acceptée en 2010) s’appliquera. Celle-ci consiste en une révision durcissant le Code Pénal et est l’expression classique du compromis parlementaire permettant de mettre en œuvre la volonté populaire tout en gardant la sécurité et la stabilité du système, conformément à notre tradition helvétique.
Cette initiative est malsaine : elle viole notre modèle de démocratie libérale, nos principes de proportionnalité et notre Etat de droit. Au nom de nos valeurs suisses, votons NON à l’initiative de mise en œuvre.

par Thomas Birbaum, 1868 Collombey