courrier des lecteurs

Droit de recours: Faut-il tuer le gendarme?

25 nov. 2008

Il n'existe que trente organisations habilitées par le Conseil fédéral à recourir contre les décisions qui concernent la protection de la nature et de l'environnement. On sait peu que, parmi elles, figurent le Club Alpin, les Fédérations suisses de chasse, de pêche ou du tourisme pédestre ou la Fédération populaire des Amis de la nature, qui toutes appartiennent au patrimoine helvétique au même titre qu' Heidi et Guillaume Tell. L' initiative tend à limiter leur droit de recours aux seuls projets sur lesquels le peuple n'a jamais dit son mot. En cas d'acceptation, ce droit ne concernerait plus guère que la construction d'une guérite dans le vignoble d'Ausserberg. Or, le droit contesté est reconnu par tous les Etats qui se préoccupent de la dégradation du milieu vital. Les organisations visées y jouent le rôle de gendarmes de l'environnement, car elles sont les seules à disposer d'instruments propres à garantir le respect de la loi. La suppression pratique de ce droit collectif serait une nouvelle singularité suisse et reviendrait à livrer sans contrôle le patrimoine du pays à de douteuses convoitises nationales ou étrangères. Les faits ne justifient pas la restriction proposée. Au cours de deux décennies passées au sein de la cour du Tribunal fédéral qui s'occupe de ces problèmes, nous n'avons constaté qu'un seul cas d'utilisation abusive du droit de recours des organisations. Mauvaise loi que celle qui naît de la colère ! Ce n'est pas parce que l'une ou l'autre organisations auraient méconnu, à Zurich, leurs devoirs de modération, qu'il faut aussitôt tuer le gendarme de l'environnement. Les textes actuels donnent à l'administration assez de moyens pour évincer une organisation qui ne se conformerait pas à ses obligations légales.
par Claude Rouiller, ancien président du Tribunal fédéral