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Coronavirus: "tous les héros ne portent pas de masque". Par Philippe Battaglia

09 mai 2020, 08:00
Philippe Battaglia, écrivain, chroniqueur radio.

C’est pas pour me vanter, mais moi, les super-héros, ça me connaît un peu. Quand j’étais môme, la majeure partie de mon argent de poche était dédiée aux magazines hebdomadaires («Strange», «Origins», «X-Men»…) que je trouvais au kiosque de la place Centrale de Monthey. Les quatre fantastiques, les Vengeurs de la côte Ouest, ceux de la côte Est, les Inhumains, Hulk, Thor et compagnie, j’ai tout lu d’eux à l’époque. Et Spiderman, bien sûr, que j’appréciais particulièrement quand il était dessiné par Todd McFarlane dont j’avais plus tard dévoré les aventures de Spawn, contre-héros macabre revenu des Enfers. 

L’adolescent taquin que j’étais avait même écrit un courrier des lecteurs à Marvel pour leur faire remarquer que les araignées tissent leur toile par leur fondement alors que l’Homme Araignée la projette par ses poignets et que j’espérais vivement que cette erreur soit corrigée dans les prochains numéros. La lettre resta sans réponse et les cabrioles de Peter Parker ne gagnèrent pas en glamour.

Mais la Dream Factory n’avait pas, bien entendu, le monopole du justicier en collant. Du côté de chez Detective Comics, ça se la donnait pas mal aussi, Batman et Superman en tête de gondole. Et puis il y avait les indépendants qui se battaient pour faire découvrir leurs gars, comme Image et ses célèbres Tortues Ninja, dont je vous recommande la lecture des bandes dessinées qui sont à mille lieues de la gentillesse tout public des dessins animés. A cela s’ajoute toute la production télévisuelle et le nouvel âge d’or cinématographique actuel, même si y a pas grand-chose de vraiment réussi, faut bien l’avouer.

 

Ce qui fait d’eux des héroïnes et des héros, c’est tout simplement la qualité désastreuse de leurs conditions de travail
Philippe Battaglia, écrivain, chroniqueur radio

 

De ces fréquentations imaginaires, j’en ai retiré quelques enseignements. Le Cape Crusader m’a appris qu’en aucune circonstance il n’est admissible de tuer (ce qui est pas évident quand votre Némésis n’est autre que le Joker), Peter Parker m’a accompagné dans mes crises existentielles adolescentes et le Docteur Fatalis, souverain tyrannique de la Latvérie, m’a montré la folie qui s’empare de celui dont le chagrin d’amour est trop grand. Mon seul regret sera que les Québécois ne traduiront jamais Wolverine par Carcajou.

Pourquoi, me demanderez-vous, cette diatribe sur les super-héros? Tout simplement parce qu’en période de crise, le peuple en a besoin. Et il semble que depuis plusieurs semaines maintenant, son dévolu soit jeté sur quelques professions en particuliers. Le corps médical, les éboueurs, les agriculteurs ou encore le personnel des magasins d’alimentation. Des activités qui, à première vue, n’ont rien d’aussi grandiose que de combattre le crime, la nuit, en portant son slip par-dessus son pantalon ou que de défendre la planète en combinaison atomique contre de méchants envahisseurs extraterrestres. Qu’ont fait ces gens pour mériter ce titre? Ont-ils été mordus par quelque insecte radioactif? Ont-ils été exposés à des rayons gamma? Leur richesse leur permet-elle de parader dans des armures bioniques hors de prix? 

Que nenni, braves gens. Ils sont tout simplement au front, permettant à ceux qui restent tranquillement chez eux d’avoir accès aux soins, à la nourriture et à toutes ces choses qui leur permettent de tenir le coup. Ce qui fait d’eux des héroïnes et des héros, c’est tout simplement la qualité désastreuse de leurs conditions de travail, leurs prises de risque face à ceux qui n’ont toujours pas compris qu’il fallait respecter quelques consignes de base ou le montant, pour certains, franchement déplorable de leur salaire. 

Mais voulons-nous vraiment voir s’améliorer leur confort de travail et de vie, au risque de leur voir perdre leur statut héroïque?

Ben oui. Bordel. 

Philippe Battaglia, écrivain, chroniqueur radio, Monthey
 

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