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Coronavirus: «Il faut maintenir un effort maximal et ne pas s’attendre à revivre normalement dès le 26 avril»

Le directeur de l’Hôpital du Valais, Eric Bonvin, évoque les décisions du jour du Conseil fédéral, revient sur la fameuse pénurie de masques en début de pandémie et décrit la situation paradoxale d’un Hôpital qui a dû faire une prédemande de chômage partiel.

08 avr. 2020, 21:33
Eric Bonvin, directeur général de l'Hôpital du Valais : "Aujourd'hui, l'Hôpital du Valais fonctionne très clairement à deux vitesses."

Eric Bonvin, combien de patients liés au coronavirus sont actuellement hospitalisés à l’Hôpital du Valais? 

Nous avons aujourd’hui 120 patients hospitalisés chez nous dont 23 aux soins intensifs. Sur les 300 patients valaisans atteints par le coronavirus hospitalisés depuis le début de la pandémie, 10 ont pu quitter les soins intensifs et 130 sont sortis suffisamment rétablis pour rentrer chez eux. 

«Selon le Conseil fédéral, les mesures d’assouplissement s’étaleront sur plusieurs semaines, ce qui peut se traduire en mois.»

Le Conseil fédéral a prolongé les mesures jusqu’au 26 avril et a dit qu’à partir de cette date, on pourrait envisager la réouverture progressive de certains domaines, tout en maintenant les restrictions d’hygiène. Qu’en pensez-vous? C’est trop tôt?

Le Conseil fédéral a aussi dit qu’il fallait être très prudent et que les mesures d’assouplissement allaient s’étaler sur plusieurs semaines, ce qui peut se traduire en mois. La préparation de cet assouplissement devra être minutieuse et associée à des mesures de protection. Il s’agira aussi de suivre de près l’évolution de la situation et d’ajuster le dispositif le cas échéant. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut surtout maintenir notre effort maximal jusqu’au 26 avril, sans s’attendre à revivre normalement d’un claquement de doigts passé cette date.

Certains hôpitaux en Suisse demandent le chômage partiel pour une partie de leur personnel qui n’a plus rien à faire. Est-ce aussi le cas pour l’Hôpital du Valais?

Oui, cela semble paradoxal, mais nous avons une partie de l’Hôpital en suractivité pour combattre les effets de la pandémie et l’autre en arrêt quasi complet pour respecter les consignes et restrictions mises en place. Nous estimons ainsi à 40% la baisse globale de notre activité et c’est en l’occurrence la raison pour laquelle la possibilité du chômage partiel a été envisagée et a fait l’objet d’une prédemande auprès du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Nous n’avons pas encore obtenu de réponse, mais des discussions sont en cours au niveau national avec H+, organisation faîtière des hôpitaux. Sinon, nous devrons engager des discussions avec les autorités cantonales pour une compensation de cette baisse d’activité.

«Le dispositif modèle de Singapour vit actuellement un relâchement dans son maintien et voit le nombre de cas et de morts de nouveau augmenter. Cela nous indique ce qui pourrait se produire chez nous si nous relâchions notre dispositif.»

Cela signifie-t-il que l’on a mis en place des moyens disproportionnés pour lutter contre la pandémie?

Non, cela est lié à la situation particulière que génère cette pandémie. Il a fallu nous préparer au pire et ce à quoi nous assistons dans nos pays voisins nous montre bien que le pire est de l’ordre du possible avec le Covid-19. Si, pour l’instant, le pire ne se produit pas chez nous, c’est peut-être parce que nous avons justement pris ces mesures et il ne faudrait pas maintenant scier la branche sur laquelle nous sommes assis en affaiblissant ce dispositif. Le dispositif modèle de Singapour vit actuellement un relâchement dans son maintien et voit le nombre de cas et de morts de nouveau augmenter. Cela nous indique ce qui pourrait se produire aussi chez nous si nous relâchions notre dispositif.

Aujourd’hui, on reconnaît qu’il y a eu au début de la pandémie une pénurie de masques? Comment cela est-il possible pour un pays comme la Suisse et cette situation est-elle la seule explication?

Ce constat devra évidemment faire l’objet d’une analyse approfondie une fois la crise passée.  Remarquons cependant à ce stade que comme pour chaque crise majeure, ce sont des événements qui pouvaient nous sembler jusque-là improbables qui nous précipitent dans l’incertain. Alors que toute notre société pensait pouvoir compter sur une capacité industrielle de production rapide et illimitée de masques, en la délocalisant pour la plus grande partie vers la ville de Wuhan en Chine, ce fut la première ville à être confinée et donc mise à l’arrêt, paralysant ainsi toute la production de ces masques. Il aura fallu que cette ville reprenne peu à peu son activité pour que la production de masques reprenne, mais sera-ce assez pour répondre à la demande qui ne cesse de croître? En Suisse, si nous devions prévoir un masque par jour et par personne, cela nécessiterait de pouvoir disposer de plus de 3 milliards d’unités pour faire face à cette pandémie.

«A Pâques, les rassemblements familiaux de personnes qui ne vivent pas sous le même toit le reste du temps sont à éviter, d’autant plus si certains membres figurent parmi les groupes à risque.»

Comme aujourd’hui cette pénurie semble derrière nous, verra-t-on dans un mois une grande partie de la population suisse avec un masque?

Nous ne pouvons pas dire qu’elle soit définitivement derrière nous. S’agissant du port du masque, les recommandations vont peut-être encore évoluer. Mais on aurait tort de penser que cela va résoudre tous les problèmes. Le respect des règles de distanciation sociale et l’hygiène des mains restent, et de loin, les remparts les plus efficaces contre la propagation du virus. Sans ces règles de base, le masque n’apporte pas de sécurité supplémentaire. Il peut même créer un faux sentiment de sécurité et inciter les gens à moins respecter les règles principales, notamment en propageant et en inhalant le virus par le simple fait de manipuler leur masque avec leurs mains.

Deux questions comportementales pour terminer. Une lectrice nous explique que son mari, qui fait partie des catégories à risque, fait tous les jours 5 kilomètres seul en voiture pour s’occuper de son jardin où il est tout seul. Or les consignes disent que les personnes à risque ne devraient pas quitter leur domicile. Qu’en pensez-vous? 

Si ces consignes sont strictement respectées, il ne risque certes pas de contamination, mais les événements imprévus pouvant survenir durant ce déplacement ne sont pas à sous-estimer et il faut les mettre en balance dans la pesée des risques. 

Plusieurs lecteurs nous demandent comment se comporter pour le fameux dîner de Pâques. Faut-il inviter à la maison ses enfants et leurs conjoints ou alors faut-il annuler ce type de démarche?

La règle limitant à un maximum de cinq personnes les réunions et au respect d’une distance de 2 mètres entre elles reste valable pour les rencontres familiales si celles-ci ne vivent pas habituellement sous le même toi. Il vaut mieux dès lors éviter cela, d’autant plus si certains membres de la famille figurent parmi les groupes à risque.

Vous pouvez vos questions à Eric Bonvin en envoyant un mail à vincent.fragniere@lenouvelliste.ch. Des réponses à vos questions se trouvent aussi sur le site www.hopitalvs.ch/coronavirus

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