Alors que la campagne pour le second tube routier du Gothard bat son plein, c’est un nouveau projet de tunnel ferroviaire de 22 kilomètres sous les Alpes qui pourrait sortir de terre en 2025. L’objectif? Relier Oberwald dans la vallée de Conches à Meiringen dans l’Oberland bernois, avec comme pièce maîtresse un tunnel sous le col du Grimsel. «Et nous ne sommes pas des rêveurs, ce tunnel est plein de sens», garantit la conseillère d’Etat bernoise socialiste Barbara Egger-Jenzer. Réunis en conférence de presse hier à Berne, les acteurs avaient conscience de s’attaquer à un projet qui ne date pas d’hier puisque les premières demandes de concessions datent du XIXe siècle. Et les tentatives se sont succédé jusque dans les années 70.

Un train et… une ligne à haute tension

Mais l’entrée en scène d’un nouveau protagoniste, l’entreprise chargée du transport d’électricité Swissgrid, pourrait bien changer la donne. «La ligne électrique du Grimsel entre Mettlen et Ulrichen fait partie des 13 projets qui doivent être renforcés d’ici à 2025. Il s’agit notamment d’élever la capacité électrique de 220 kV à 389 kV (ndlr: comme la ligne entre Chamoson et Chippis)», indique Yves Zumwald, directeur général de Swissgrid.

Et dans ce contexte, l’entreprise a étudié la possibilité de faire d’une pierre deux coups en faisant passer la ligne à courant fort dans le tunnel ferroviaire. Les résultats sont prometteurs. «Cela nous permettrait de démonter 22 kilomètres de ligne et 121 pylônes dont 34 sur le seul territoire protégé du Grimsel, et les émissions d’ondes magnétiques seront éliminées dans cette zone», poursuit Yves Zumwald. La zone étant particulièrement exposée aux dangers naturels, cette solution mixte constitue un avantage supplémentaire.

850 kilomètres de voies connectées

Du point de vue de la mobilité, cette ligne permettrait de connecter en 38 minutes deux régions totalement coupées l’une de l’autre lors de la fermeture hivernale du col. Par ailleurs, les villages de Guttannen et Handegg et les installations électriques de l’entreprise KWO resteront accessibles toute l’année par le train grâce à deux arrêts qui seront prévus.

Une communauté d’intérêts rassemblant des représentants des deux régions sous le nom de «Grimselbahn» a mandaté depuis 2013 les différentes études de faisabilité.

«Il ressort aussi que cette ligne permettra de connecter les deux systèmes ferroviaires de la crête nord des Alpes, les Matterhorn Gotthard Bahn et Zentralbahn et que nous pouvons tabler sur 400 000 passagers par an, soit un résultat élevé par rapport au potentiel maximum», se félicite Peter Teuscher, président de Grimselbahn AG. En clair, les lignes à voie étroite allant de Montreux à Lucerne et celles allant du Gornergrat à Saint-Moritz seront connectées, soit 850 kilomètres de voies.

Forte plus-value touristique

Autant d’éléments qui font dire au conseiller d’Etat valaisan Jean-Michel Cina que cette ligne représente une «réelle plus-value touristique au regard des importants flux touristiques provenant du continent asiatique et du phénomène de voyages en groupe en découlant».

Les études menées par l’Université de Saint-Gall estiment que cette ligne générera une valeur ajoutée d’environ cinq millions de francs et 35 emplois à plein temps.

Pas de subventionnement croisé

Et même si l’enveloppe est moins élevée que de réaliser un tunnel ferroviaire et une galerie pour l’enfouissement des lignes électriques séparément, il faudra tout de même tabler sur une facture de 580 millions de francs. «Mais chaque structure sera financée de manière autonome, il n’y aura pas de subventionnement croisé», certifie encore Yves Zumwald. Mais avant les prochaines étapes (voir encadré), différentes études pour un coût approximatif de six millions de francs devront encore être menées en vue de déposer une demande de concession en 2018.

Si la roche ne devrait pas poser de problème, c’est bien la proximité entre le rail et la ligne électrique qui devra encore être étudiée. «Car c’est du jamais vu sur une aussi longue distance», indique Yves Zumwald. Swissgrid participera aux coûts à hauteur de 3 millions de francs, les cantons du Valais, d’Uri, des Grisons et du Tessin ont promis 1,5 million et le canton de Berne 0,9 million.

Il y a encore du chemin à parcourir, mais les différents protagonistes sont confiants. «C’est un projet phare empreint d’un caractère novateur», conclut Jean-Michel Cina. Et si cette ligne d’un nouveau genre voit le jour en 2025, gageons qu’elle ne manquera pas de faire ressortir d’autres projets des tiroirs. N’y a-t-il pas, au cœur du tunnel de la Furka, une galerie inexploitée qui file vers le Val Bedretto tessinois, sous le Nufenen?

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