On risque de se prendre les pieds dedans en allant se baigner, et on trouve souvent cela dégoûtant. C’est la raison pour laquelle on faucarde les algues sur les plages et dans les ports, mais pas ailleurs. Cette activité est strictement encadrée, tant ces macrophytes sont précieux pour la biodiversité.

Utiles pour filtrer l’eau et offrir des refuges aux poissons, ces plantes aquatiques produisent également de l’oxygène par photosynthèse. Désormais, elles pourraient même nous permettre de nous chauffer ou de faire avancer nos camions.

«La grande surprise, ça a été de constater qu’on peut en faire de l’hydrogène», explique Jean-François Rubin, directeur de la Maison de la rivière, à Tolochenaz (VD). Un gaz renouvelable qui peut être converti en électricité ou en chaleur, transporté et même stocké.

Si on veut réussir une transition énergétique, il faut essayer tout ce qui est possible.

NICOLAS ZWAHLEN, RESPONSABLE DU SERVICE des réseaux thermiques CHEZ VITEOS

Vu leur caractère indispensable, pas question de faire une razzia dans le lac et de ramasser tous ces végétaux. L’objectif, c’est de récupérer ceux qui doivent de toute façon être fauchés, et de compléter cette matière première en en faisant pousser sur des radeaux immergés dans l’eau. Un premier prototype installé au large de Morges (VD) doit permettre de vérifier si ça fonctionne (lire ci-dessous).

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Une plateforme, immergée au large du port de Morges, permet de tester la culture de macrophytes sur un radeau. Photo: DR

Pour l’heure, ce projet baptisé Deep Blue Hydrogen et initié par Alexandre Closset, directeur de la société Ellee Motion SA, se situe dans sa phase préindustrielle. D’ici à deux ans, on saura si le jeu en vaut la chandelle. «Soit on abandonne tout, soit on construit une usine pour une production à large échelle», indique Jean-François Rubin. L’une des grandes questions, c’est de savoir si tout cela sera rentable.

Un premier test avec des algues de Prangins

La technologie qui permet de transformer ces algues en vecteur énergétique existe déjà. C’est la start-up Clean Carbon Conversion qui l’a imaginée. Cette société basée à Pfäffikon (SZ) a développé un procédé d’hydrolyse à ultra-haute température capable de gazéifier toutes les molécules organiques, quelle que soit leur provenance. Celui-ci ne dégage aucune émission et ne laisse aucun résidu toxique.

Pour l’heure, c’est donc en Suisse alémanique que les premiers essais sont menés. En novembre 2022, Ellee Motion SA a récolté, acheminé et fait sécher cinq tonnes de macrophytes issues du port de Prangins. Il en a résulté un gaz de synthèse constitué de 30% d’hydrogène, comme pour le bois.

Une usine projetée dans le canton de Neuchâtel

A terme, et si tout se concrétise, l’ambition est de réaliser une infrastructure similaire à Cottendart, sur la commune de Colombier (NE), afin d’éviter de longs et polluants transports jusqu’en Suisse alémanique. Et c’est Viteos, le principal fournisseur d’énergie du canton de Neuchâtel, qui serait prêt à la bâtir.

«Nous devons remplacer une usine de traitement de déchets qui alimente un réseau de chauffage à distance, indique Nicolas Zwahlen, responsable du Service des réseaux thermiques. L’idée, ce serait de mettre en place une telle machine, dans laquelle on pourrait réaliser l’hydrolyse à haute température du bois et des algues.»

Pour Viteos, l’intérêt est multiple. Le procédé permettrait non seulement de produire de la chaleur, mais également l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’installation elle-même. «C’est un circuit fermé et on aurait même de l’électricité excédentaire», note Nicolas Zwahlen.

On espère avoir, finalement, un bilan CO2 négatif. Ça serait la cerise sur le gâteau!

Jean-François Rubin, directeur de la Maison de la rivière

Au bout de la chaîne, il resterait en outre du biochar, des petits granulés noirâtres issus du processus d’hydrolyse. Cette sorte de charbon, qui permet de stocker le dioxyde de carbone dans le sol, peut être utilisée comme engrais naturel en agriculture. De quoi faire rêver Jean-François Rubin: «On espère avoir, finalement, un bilan CO2 négatif. Ça serait la cerise sur le gâteau!»

Pour Nicolas Zwahlen, il y a effectivement toutes les raisons d’y croire. «Si on veut réussir une transition énergétique, il faut essayer tout ce qui est possible. Il n’y a pas une seule technologie qui va nous sauver, il faut miser sur l’addition de plusieurs ressources. On ne prétend pas que les algues vont tout résoudre, mais cela fait partie de l’équation.»

L’hydrogène, ça sert à quoi?
En Suisse, l’hydrogène est principalement utilisé dans le secteur industriel. Cinquante camions électriques à hydrogène sillonnent aujourd’hui notre pays et 1600 autres sont attendus d’ici à 2025. Selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie, la demande pour ce gaz renouvelable devrait considérablement augmenter ces prochaines années, principalement dans les domaines de la mobilité, de l’industrie et de la production d’électricité.

Romande Energie va créer une centrale d’hydrogène vert à Aigle

Romande Energie va installer une centrale de production d’hydrogène vert à Aigle d’ici à 2025. L’électrolyse de l’eau sera réalisée grâce à l’énergie solaire.