Olivier Turin, quand 70% des habitants de sa propre commune s’opposent à votre vision d’avenir pour Collombey-Muraz, est-on encore motivé à en être le président?

Dimanche dans la journée, j’ai eu cette réflexion. J’ai même dit en conférence de presse que ce vote était un vote défiance vis-à-vis des autorités. J’étais dans l’émotionnel. Aujourd’hui, après une semaine et de nombreuses discussions, je ne le pense plus. C’est un vote d’opposition contre un projet, mais pas contre celles et ceux qui l’ont porté.

Selon vos propos, vous avez quand même été traité de traître durant la campagne?

Oui, à une seule reprise et de manière indirecte. Je n’aurais pas dû le dire en conférence de presse dimanche, car ça donnait l’impression que c’était tous les jours. Mais, s’il n’y a pas eu d’acte agressif durant cette campagne, j’ai tout de même pu constater que l’aspect émotionnel pouvait représenter un frein à une démarche démocratique.

«S’il n’y a pas eu d’acte agressif durant cette campagne, j’ai tout de même pu constater que l’aspect émotionnel pouvait représenter un frein à une démarche démocratique.»

Tout de même cinq ans de travaux, de débats pour arriver à pareil désaveu, ça interpelle…

Evidemment que ça interpelle. Je pense que l’on n’a pas voulu voir une réalité: l’attachement même des nouveaux habitants à Collombey-Muraz, une commune où aujourd’hui, il n’y a pas de problème majeur à résoudre et donc pour eux, pas d’urgence à fusionner avec Monthey.

«On n’a pas voulu voir une réalité: l’attachement même des nouveaux habitants à Collombey-Muraz.»

Qu’est-ce qu’il aurait fallu faire pour le voir plus tôt?

Peut-être commencer par un sondage et une consultation plus approfondie de la population. On a fait des sondages, mais ils sont restés partiels. Dans l’idéal, cette démarche aurait dû être lancée à la suite de demandes citoyennes et être accompagnée d’un comité citoyen en faveur du oui dès le début du processus.

Pourtant, ce comité citoyen a fait un énorme travail dans les dernières semaines, avec même du porte-à-porte.

Oui, et à les entendre, on ne s’imaginait pas un résultat aussi large en faveur du non.

«Pour une génération, on ne peut plus parler de fusion entre Monthey et Collombey-Muraz, sauf si la situation économique se détériore suffisamment pour que cela devienne une nécessité.» Photo Héloïse Maret

Est-ce que ce score aussi large doit être considéré comme une défiance envers la ville?

Pas une défiance, mais une volonté de ne pas devenir urbain, alors que dans les faits, on l’est pourtant déjà. Même si nous avons près de 10 000 habitants, Collombey-Muraz reste une réunion de villages. La fusion n’aurait rien changé à cela. Mais la population n’était pas prête à rejoindre la grande voisine urbaine.

«Ma plus grande déception? Ne pas pouvoir créer une vraie capitale forte pour le Chablais.»

Elle n’était pas prête non plus à vouloir créer une vraie capitale forte pour le Chablais.

Non, et c’est peut-être au final ce qui me déçoit le plus. Cette région a besoin d’un pôle fort pour son développement, mais aussi pour combattre cette image d’être la région la plus éloignée des deux capitales, Sion et Lausanne. C’était selon moi l’argument le plus fort en faveur de la fusion. Aujourd’hui, il faudra apprendre à développer un pôle fort avec deux entités, car avec ce résultat, pour une génération, on ne peut plus parler de fusion entre Monthey et Collombey-Muraz, sauf si la situation économique se détériore suffisamment pour que cela devienne une nécessité.

Vous avez pris le lis sur le projet lorsque vous avez remplacé Yannick Buttet à la tête de la commune. Si celui-ci était toujours en place et que les affaires n’avaient pas eu lieu, le vote aurait-il été différent?

Compte tenu du score, je ne le pense pas. Le non aurait peut-être été moins élevé, mais toujours majoritaire.

«Si j’étais montheysan aujourd’hui, je me dirais que les habitants de Collombey-Muraz ne sont pas très ouverts. C’est légitime de le penser. Mais, je le redis, ce vote n’est pas un vote contre Monthey, mais pour le maintien de Collombey-Muraz.»

Vous pouvez comprendre que les Montheysans qui, eux, ont dit oui à 60% au mariage soient fâchés.

Oui, je les comprends. J’en ai d’ailleurs rencontrés dimanche au couvert des Mangettes après les résultats. Si j’étais montheysan aujourd’hui, je me dirais que les habitants de Collombey-Muraz ne sont pas très ouverts. C’est légitime de le penser. Mais, je le redis, ce vote n’est pas un vote contre Monthey, mais pour le maintien de Collombey-Muraz.

Le risque de voir ressurgir des tensions entre les deux communes est-il grand?

Je ne sais pas s’il est grand, mais il est évident qu’il existe. C’est beaucoup trop tôt pour se remettre autour d’une table afin de déterminer les projets sur lesquels on peut travailler ensemble. Mais il ne faut pas non plus que cela arrive dans trop longtemps. Sinon, les blocages peuvent être importants.

Dans le Chablais, c’est le deuxième non à la fusion après celui des communes de Saint-Maurice et Collonges. Vous parlez d’un projet bloqué pour une génération entre Monthey et Collombey-Muraz. Il n’y aura donc plus de fusion pendant vingt-cinq ans dans le Chablais?

Je ne l’espère pas. Il y a par exemple un réel sens à créer la commune du Haut-Lac entre Vouvry, Port-Valais, Vionnaz et Saint-Gingolph. Ils ont d’ailleurs lancé une étude à cet effet. Et quand vous discutez avec les présidents de la vallée d’Illiez, ils ont conscience qu’à terme, ils devront se mettre ensemble, même si chez eux, les écueils paraissent encore plus grands qu’à Collombey-Muraz.

Quels enseignements pourraient-ils tirer de l’échec du dimanche de votations?

Qu’il faut d’abord consulter et sonder largement la population avant de débuter la démarche. Si le non avoisine les 70%, je pense que c’est peine perdue. Le travail pour convaincre sera trop important. Par contre, si le oui se rapproche des 50% avant que le projet ne démarre vraiment, il faut y aller. En octobre, je savais qu’il y avait plus de 70% des habitants de ma commune qui étaient opposés à la fusion, mais je pensais que le travail d’information qui allait être effectué changerait la donne. Je me suis manifestement trompé.

«Au sein du conseil, il y a eu des tensions autour de la manière de communiquer sur le sujet, mais pas dans les relations entre nous.» Photo Héloïse Maret

Aujourd’hui, peu importe la région du Valais, lorsque l’on discute avec des élus ou des secrétaires communaux, la très grande majorité est convaincue qu’il faut agrandir la taille de la plupart des communes pour pouvoir offrir un service de qualité aux citoyens. Mais ce seul argument ne suffit pas à les convaincre.

Vous avez raison. Dans le projet de fusion Monthey-Collombey-Muraz, il n’y avait ni de gros problèmes à résoudre, ni de grands projets directement dépendants de la fusion. Il y avait cette vision de pôle fort pour l’ensemble du Chablais qui n’a malheureusement pas convaincu la grande majorité des habitants de Collombey-Muraz.

En octobre, je savais qu’il y avait plus de 70% des habitants de ma commune qui étaient opposés à la fusion, mais je pensais que le travail d’information qui allait être effectué changerait la donne. Je me suis manifestement trompé.

Au sein de votre conseil, vous étiez divisé avec quatre pour et trois contre. Cela a-t-il débouché sur des tensions entre vous comme on a pu l’entendre?

Il y a eu des tensions autour de la manière de communiquer sur le sujet, mais pas dans les relations entre nous. Je trouve que les opposants au projet ont respecté dans l’ensemble le vote démocratique du conseil. En petit comité, ils donnaient bien évidemment leur avis sur le sujet, mais n’ont pas fait réellement campagne.

Même Jean-Luc Planchamp, le patron de La Treille à Muraz qui était un peu le stamm des opposants.

Oui, même lui. On sait comme il est et il rencontre beaucoup de monde en étant patron d’un établissement public. Mais je n’ai rien d’important à lui reprocher.

Dimanche soir, après les résultats, vous avez d’ailleurs fini votre journée à La Treille…

Oui, après avoir été voir aussi les partisans du projet. J’ai aussi compris ce soir-là que ce n’était pas un vote de défiance envers les autorités.

Vous allez donc vous représenter à la présidence de Collombey-Muraz alors que vous vouliez que votre commune fusionne…

Si je dois vous répondre aujourd’hui, je dis oui. Mais c’est encore trop tôt pour une réponse définitive.

Mais vous risquez de vous retrouver face à un adversaire anti-fusion qui va capitaliser sur la victoire de dimanche dernier.

Certainement. Et ce serait normal que les partis qui se sont opposés à la fusion capitalisent là-dessus aux prochaines élections. Mais aujourd’hui, ma motivation pour développer Collombey-Muraz est grande et la population qui a participé dimanche à 60% a fixé un cadre clair pour le faire. Je suis prêt à m’y adapter et à le démontrer durant les deux ans et demi de législature restante.

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