Nicolas Mettan, s’il n’y avait pas eu la lex Weber en 2012 puis la LAT en 2013, à quoi ressemblerait le territoire du Valais aujourd’hui?

Il y a dix ans, même si le Valais a voté très majoritairement non à ces deux lois, il y avait déjà comme un doute sur la viabilité à moyen terme de ces deux modèles basés sur une forte consommation de sol: celui des résidences secondaires et celui de grandes zones à bâtir pour l’habitat individuel. Toutefois, comme décideur politique communal, il aurait fallu un courage et une force incroyable pour dire: on arrête de croître volontairement. Quelque part, le signal ne pouvait venir que de Berne, même si le canton avait déjà montré des signes très clairs face à un modèle en rupture.

«La lex Weber répondait à un vrai problème, mais a débouché sur une solution mal ficelée qui produit une importante jurisprudence.»

Vous voulez parler du moratoire de Jean-Michel Cina qui a concerné à l’époque plusieurs communes touristiques interdites de contingent pour la vente aux étrangers?

Oui. Mais cette décision est peut-être arrivée un peu trop tard par rapport aux démarches en cours sur le plan suisse. La lex Weber répondait à un vrai problème, mais a débouché sur une solution mal ficelée qui produit une importante jurisprudence. A l’époque d’ailleurs, certains pensaient que la problématique allait simplement se reporter sur les communes où le taux de 20% de résidences secondaires n’avait pas été atteint. Mais cela n’a pas été le cas, car, une année plus tard, la Suisse votait la LAT (loi sur l’aménagement du territoire) qui obligeait le Valais à dézoner une partie de sa zone à bâtir.

Avec le Valais qui s’était retrouvé seul canton à dire non à cette LAT, peut-on parler d’une spécificité valaisanne ou d’une erreur valaisanne?

S’il y a une spécificité valaisanne liée à son modèle de développement touristique autour de la résidence secondaire et à la forte proportion de propriétaires par rapport au reste de la Suisse, le Valais a aussi dû reconnaître qu’il avait été certainement trop loin dans ces deux modèles. Le travail des communes mené actuellement dans le cadre de la mise en œuvre de la LAT révisée a, selon moi, renforcé cette prise de conscience. Avec le recul, il faut aussi reconnaître que la lex Weber a rendu cette tâche moins difficile.

De quelle manière?

Souvent les communes qui se sont retrouvées avec le plus de dézonage à réaliser étaient celles concernées aussi par l’interdiction de nouvelles résidences secondaires. Comme ce développement n’était plus possible et qu’il avait souvent lieu dans des secteurs difficiles à équiper et peu propice à l’habitat permanent, les conseils communaux ont souvent choisi de les mettre en zones réservées pour ensuite les dézoner.

«On peut déjà affirmer que l’objectif de réduction de plus de 1000 ha, à l’horizon 2045, des zones à bâtir dévolues à l’habitat demandé par le Plan directeur approuvé par Berne sera respecté.»

Mais transformer une zone de résidence secondaire densément construite en zone agricole n’a pas beaucoup de sens.

C’est juste. C’est pourquoi il existe plusieurs options possibles. Lorsque la zone de résidence secondaire est dispersée, ce qui est le plus souvent le cas, il y a un retour à la zone agricole comme le veut la loi. Il ne peut donc plus y avoir de nouvelles constructions et les transformations sont strictement réglementées. Par contre, dans une zone déjà largement construite, on doit permettre au patrimoine en place de vivre, notamment au niveau des infrastructures, tout en y interdisant toute nouvelle construction de logement. On permet ainsi à la zone de se renouveler, mais pas de se développer. Si on se trouve à proximité d’un domaine skiable, on peut aussi envisager la création d’une zone d’activités touristiques où il est permis d’avoir du développement notamment pour accueillir des nouvelles formes d’hébergement touristique conformes à la législation sur les résidences secondaires.

«Plus de 3000 ha ont été mis en zone réservée, ce qui est beaucoup à l’échelle de notre canton, et même unique sur le plan suisse.»

En matière d’aménagement du territoire, la Confédération a accepté une spécificité valaisanne avec la possibilité d’avoir des zones définies à un horizon de 30 ans (le périmètre d’urbanisation), mais provisoirement bloquées et qui pourraient être à nouveau mise en zone à construire si le besoin peut être démontré. Quels sont aujourd’hui les effets de cette mesure?

Plus de 3000 ha ont été mis en zone réservée, ce qui est beaucoup à l’échelle de notre canton, et même unique sur le plan suisse. Cela démontre que le travail a été réalisé de manière sérieuse par les communes concernées. Aujourd’hui, ces 3000 ha sont bloqués en attendant de finaliser la révision des plans communaux d’affectation des zones et de voir le développement durant les quinze prochaines années. Cette spécificité acceptée par Berne et votée par les citoyens valaisans est intelligente et fait d’ailleurs aujourd’hui des envieux parmi les autres cantons.

Et combien d’hectares seront dézonés à travers les différents périmètres d’urbanisation réalisés par les communes?

L’analyse de cette première étape de travail n’est pas encore tout à fait terminée et l’on pourra donner des précisions d’ici l’été. Mais on peut déjà affirmer que l’objectif de réduction de plus de 1000 ha, à l’horizon 2045, des zones à bâtir dévolues à l’habitat demandé par le Plan directeur approuvé par Berne sera respecté.

Certains présidents de commune ont affirmé qu’il s’agissait du pire exercice de leur carrière de politicien communal. Avez-vous aussi ressenti cette difficulté comme chef du service du développement territorial?

Comme ancien président de commune, j’ai évidemment conscience de la difficulté de la tâche, notamment celle d’annoncer à des citoyens que leur terrain doit être dézoné. Mais, l’exercice a aussi permis aux communes de se poser des questions sur leur développement à 15 ans, puis 30 ans, alors qu’elles avaient perdu l’habitude de le faire avec un modèle basé sur une croissance derrière laquelle il fallait constamment courir, notamment en termes d’infrastructures. Et il n’y a pas que des communes de montagne qui sont concernées. En plaine, certaines doivent aussi stopper l’extension de leur zone à bâtir pour d’abord densifier leur centre. C’est par exemple le cas de Fully. Aujourd’hui, il y a aussi un regard intercommunal sur le territoire qui a pu se développer, notamment à travers les projets d’agglomération, et c’est une bonne chose.

«Les défis actuels liés à la préservation du paysage et de la biodiversité ou encore à l’adaptation aux changements climatiques viennent confirmer la nécessité d’une approche plus responsable vis-à-vis de la consommation de nos ressources vitales.»

Mais aujourd’hui aucune commune n’a encore terminé ce travail et certaines ont tardé avant de mettre en place un moratoire de certaines zones pour permettre une réflexion sereine sur leur territoire. A-t-on voulu jouer la montre en Valais dans ce domaine?

Non, je ne crois pas, au contraire. Les communes les plus concernées n’ont pas joué la montre et de toute manière notre service n’aurait pas pu absorber tous les dossiers en même temps. Ensuite, celles qui n’ont pas fait le travail se retrouvent aujourd’hui coincées quant à leur développement où tout projet d’envergure est bloqué tant que leur plan d’affectation qui doit correspondre à la LAT révisée n’est pas homologué.

«S’il y a dix ans, le Valais avait déjà conscience que ces modèles de développement ne pouvaient plus exister sur le long terme, La lex Weber et la LAT ont certainement accéléré les changements.»

Prenons la commune de Nendaz qui faisait partie de celles qui n’avaient terminé leur PAZ par rapport à la loi de 1979. Aujourd’hui, après avoir dû l’adapter à la LAT révisée, le plan n’est encore en force en raison de recours qui demandent le dézonage encore de quelques hectares. Tout ça est extrêmement long non?

Si Nendaz a évidemment trop attendu pour appliquer la LAT de 1979, elle a ensuite fait un travail difficile et sérieux de dézonage. Le canton a dû adapter le projet initial de la commune suite à l’entrée en vigueur de la LAT révisée et aujourd’hui son conseil communal veut aller de l’avant pour régler ces recours et pouvoir à nouveau réaliser des projets d’envergure comme par exemple la construction d’un nouveau cycle d’orientation.

La mise en application quasi directe de la lex Weber et l’aspect bloquant de la non-application de la LAT ont-ils été digérés par le Valais?

Ils ont en tout cas participé à l’accélération de ces transformations. S’il y a dix ans, le Valais avait déjà conscience que ces modèles de développement ne pouvaient plus exister sur le long terme, ces deux lois ont certainement accéléré les changements. Les défis actuels liés à la préservation du paysage et de la biodiversité ou encore à l’adaptation aux changements climatiques viennent confirmer la nécessité d’une approche plus responsable vis-à-vis de la consommation de nos ressources vitales.

Résidences secondaires: Lex Weber assouplie – feu vert du Parlement à plus de flexibilité pour les rénovations

Les deux Chambres ont accepté d’assouplir la lex Weber. D’anciens bâtiments pourront être agrandis et rénovés pour créer de nouveaux logements.