La première fois que Julien Wanders s’était présenté au milieu des élites sur la ligne de départ de la course de Noël, c’était en 2019. Alors tout frais recordman d’Europe du 5 km, du 10 km et du semi-marathon – les deux derniers records lui appartiennent encore aujourd’hui – le Genevois avait étincelé sur les pavés sédunois.

Echouant à une seconde du record, il avait tout de même remporté la victoire en solitaire et signé un phénoménal triplé: Corrida Bulloise, course de l’Escalade et course de Noël. Malgré un appétit insatiable pour la victoire, l’étoile de la course à pied helvétique avait ébloui, autant par sa discrétion et son humilité, que par l’aura qu’il dégageait.

«Sans beaucoup parler, il est capable de faire passer beaucoup de choses. C’est vrai qu’il peut avoir des phases moins expressives ou démonstratives, mais il met tellement d’intensité dans tout ce qu’il fait que ça galvanise tous ceux qui l’entourent», souligne le Nendard Thomas Gmür, qui le connaît «depuis près de dix ans.»

Du record européen sur 10 km à la Sainte-Catherine de Saillon

Depuis cette incroyable épopée de 2019, Julien Wanders désormais âgé de 27 ans, s’est quelque peu fait oublier, à mesure que les années passaient et que les pépins physiques s’enchaînaient. Pourtant, presque quatre ans plus tard, au moment de se présenter au départ de la Sainte-Catherine de Saillon, le Kényan blanc rayonnait toujours autant.

course St- Catherine à Saillon le 25.11.2023 © Okan Zagnos Dossard numéro 12, Romain Gabioud se trouvait à quelques centimètres de son modèle Julien Wanders (1), sur la ligne de départ de la Sainte-Catherine à Saillon. © Okan Zagnos

«J’étais installé à côté de lui aux vestiaires et très proche de lui sur la ligne, ça te donne une motivation supplémentaire, c’est certain», apprécie Romain Gabioud, meilleur valaisan sur les pavés saillonains ce samedi-là. Cette motivation a permis au Martignerain de courir les 300 premiers mètres aux côtés du Genevois et de ses amis kényans.

«J’ai profité du fait que les rues sont étroites et qu’ils ne connaissaient pas le parcours. Mais en sachant quel genre de cadence ils sont capables de suivre sur dix kilomètres, je n’ai pas cherché à les tenir. Dès que la montée est arrivée, ils sont partis.»

Le modèle de toute une génération d’athlètes

Reste que Romain Gabioud a pu courir, au moins quelques foulées aux côtés de l’un de ses modèles. Sa photo de profil Whatsapp ainsi que les quelques mots qui l’accompagnent trahissent sa fascination pour Wanders.

C’est une force de la nature. Ses records, personne ne pourra les lui enlever.

«L’esprit est sans limite, l’esprit contrôle le corps, donc le corps est sans limite.» Une citation signée «JW», déjà mise en ligne sur le profil du coureur valaisan depuis fin 2018. «Ça me rappelle que peu importe ton niveau de base, si tu travailles et t’entraîne comme il faut, ton corps est capable de trucs qui tu pensais impossible.» Et Julien Wanders l’a prouvé.

«Il a fait un bien fou à l’athlétisme», insiste Thomas Gmür, qui est, tout comme le Genevois, affilié au Stade Genève. «Il a motivé des athlètes à se donner encore plus en essayant de voir comment il pouvait pousser leur corps jusqu’à la limite, toujours sur le fil du rasoir.»

Sa maison, c’est le Kenya

Un fil sur lequel il s’est beaucoup coupé ces dernières saisons. Changement d’entraîneur, blessures, volonté de performer sur marathon qui ne s’est pas concrétisée; le récent 12e de la course de l’Escalade a vécu dans l’incertitude durant de longs mois.

«Mais c’est une force de la nature. Ses records, personne ne pourra les lui enlever.» Personne en Europe n’y est d’ailleurs parvenu pour le moment. «Avec son retour aux côtés de l’entraîneur de ses débuts, Marco Jäger, il a déjà fait un grand pas vers un retour à son meilleur niveau.»

Il pourrait dormir dans le confort de l’appartement familial à Genève, mais il séjourne plutôt à Annemasse, dans un petit logement avec les Kenyans où ils se retrouvent à deux par lit.

C’est depuis Iten au Kenya (2’400 m), la capitale mondiale des stages de préparation pour les coureurs de haut niveau, qu’Alex Jodidio fait ce constat. Le coureur valaisan, qui réside plusieurs mois par an sur les hauteurs de la Vallée du Rift, s’est engouffré dans la brèche ouverte par Julien Wanders.

«À Iten, il est aussi connu que respecté», reprend Alex Jodidio. C’est un des premiers suisses à s’y être rendu, mais surtout un des premiers «blancs» à s’y être établi.»

Une communauté «presque monacale» l’entoure

Le surnom de Kényan blanc qui accompagne depuis des années le recordman d’Europe du 10 km et du semi-marathon n’est donc de loin pas usurpé. «Ça lui correspond parfaitement, dans tous les sens du terme. Il vit comme eux, il s’entraîne comme eux, il pense comme eux. Toute sa vie est là-bas désormais, il y a construit une maison et va bientôt se marier», souligne Thomas Gmür.

D’ailleurs, lorsque le Genevois rentre en Suisse, ce n’est pas dans sa famille, mais bien avec ses amis kenyans qu’il loge. «Pour l’anecdote, depuis qu’il est revenu pour les courses en ville, il pourrait dormir dans le confort de l’appartement familial à Genève, mais il séjourne plutôt à Annemasse, dans un petit logement avec les Kenyans où ils se retrouvent à deux par lit. C’est un rituel, quelque chose de presque monacal, mais c’est un immense apport pour le groupe, ça crée un mouvement d’engouement, une amitié sincère.»

Sion, le 14 décembre 2019

Course de Noel à Sion.
Julien Wanders

Sacha Bittel/Le Nouvelliste © Le Nouvelliste SA / Sacha Bittel En 2019, lors de sa première course de Noël élite, Julien Wanders avait rapidement pris la mesure de la concurrence. © Sacha Bittel

Un distributeur d’étoiles

Des liens sacrés que Julien Wanders ne partage cependant pas avec tout le monde. «S’il a peu d’amis, mais qu’il les choisit bien, c’est aussi parce qu’il a vécu de mauvaises expériences par le passé», affirme Alex Jodidio. «En revanche, lorsqu’il est à Iten, il ne refusera jamais une personne qui veut venir courir avec son groupe d’entraînement.»

Au stade, il y avait un petit qui le regardait courir avec des grands yeux. Il lui a dit: «vas-y, mets-toi devant et donne nous le rythme.»

Et c’est également le cas lorsque le Genevois et ses amis kényans s’entraînent autour de la piste d’athlétisme de Genève. «Pas plus tard que mercredi soir, on est allé s’entraîner avec lui», sourit Thomas Gmür. «Au stade, il y avait un petit qui le regardait courir avec des grands yeux. Il lui a dit: «vas-y, mets-toi devant et donne nous le rythme.» Ça a duré peu de temps, mais le petit est reparti avec des étoiles dans les yeux.»

Les mêmes étoiles qu’il avait fait scintiller sur les pavés sédunois en 2019 et qu’il fera à nouveau pleuvoir ce samedi à la Planta.

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