L'une est devenue ville fantôme, l'autre ville champignon. Pripyat et Slavoutytch racontent toutes les deux l'histoire de l'accident nucléaire de Tchernobyl, bien que leurs destinées soient en tout point opposées. Alors qu'explose le réacteur 4 de la centrale cette funeste nuit du 26 avril, les habitants de Pripyat doivent évacuer la ville dans la précipitation, abandonnant dans la foulée la plupart de leurs biens. Ils ne le savent pas encore, mais c'est toute une vie qu'ils laisseront derrière eux. Tandis que Pripyat retourne inexorablement à la terre, à quelques dizaines de kilomètres de là, Slavoutytch a accueilli depuis la plupart de ces damnés du nucléaire.
La mort de Pripyat
Lorsque l'on évoque le nom de Pripyat, ce sont toujours les mêmes images de lieux abandonnés qui viennent à l'esprit. Autour de la place centrale cernée de gigantesques ensembles bâtis de style soviétique, on peut y apercevoir aujourd'hui les vestiges d'un supermarché devenu au fil du temps un amas de ferraille et de chariots rouillés. Un peu plus loin on trouve les restes d'un magasin de meubles jonchés de débris au milieu d'une cohorte de bâtiments décatis, dont seules les enseignes "restaurant" ou "hôtel" sur les façades permettent d'identifier leur fonction passée.
Au gré des avenues envahies par la végétation apparaissent çà et là un stade de football, une salle de sport, une piscine, un hôpital ou encore une école. Cette dernière offre sans doute l'un des spectacles les plus glaçants. Au milieu des salles de classe délabrées, les pupitres s'entassent, tandis que le sol est recouvert de manuels scolaires et autres cahiers avec des dessins d'enfants. Mais, la ville fantôme de Pripyat ne serait rien sans sa gigantesque roue, symbole d'une insouciance à jamais perdue. Cette attraction phare d'un parc de loisirs n'a jamais servi et pour cause. Son inauguration était prévue le 1er mai, soit un peu moins d'une semaine après l'accident.
Précisons au passage que Pripyat n'est pas la seule ville à avoir été subitement désertée. De très nombreux villages dans un rayon proche de la centrale ont également subi le même sort, offrant toujours ce même spectacle de désolation à la fois fascinant et effrayant.
La naissance de Slavoutytch
Encore à l'état de vaste prairie inhabitée avant le 26 avril 1986, Slavoutytch est devenue en l'espace de quelques années la nouvelle Pripyat. En effet, la ville située à 30 kilomètres de la centrale a été érigée par les autorités soviétiques en un temps record, afin d'y reloger les habitants évacués de la zone d'exclusion de Tchernobyl et les ouvriers travaillant à décontaminer le site de la centrale. Pour faciliter le peuplement de cette cité née de la génération spontanée, de nombreuses familles se sont d'ailleurs vus remettre un logement à titre gracieux.
Aujourd'hui composée de 25 000 habitants, la cité fait la part belle aux piétons, comme l'explique cet article de La Documentation française. De larges boulevards permettent aux voitures d’accéder aux différents quartiers tout en évitant de provoquer une intense circulation au centre-ville. On y trouve tous les services publics nécessaires, des établissements scolaires à l'hôpital, en passant par une piscine couverte et un stade.
Mais, à certains égards cette nouvelle Pripyat semble parfois aussi morte que l'ancienne après le départ précipité de ses habitants. Bien que le niveau de vie y soit relativement élevé en comparaison d'autres villes ukrainiennes, les installations tombent en ruine, faute d'entretien. Certes, la cité accueille de nombreux expatriés engagés à concevoir le nouveau sarcophage qui doit éviter toute fuite radioactive du réacteur endommagé, mais le nombre d'employés sur le site de Tchernobyl a drastiquement chuté depuis plusieurs années. Et puis la guerre du Donbass consécutive à la crise politique traversé par le pays depuis 2014 a mobilisé plusieurs jeunes de la ville sur le front.
Malgré tout, la ville déborde de vie. Même si l'acte de naissance de Slavoutytch est des plus dramatiques, sa jeunesse refuse d'être constamment ramenée à cette funeste origine, d'autant que la plupart de ses membres ne l'ont pas vécu. Le photoreporter genevois Niels Ackermann vient de passer 3 années auprès de ces jeunes. Il en dresse un portrait ébouriffant entre émois amoureux, désillusions, rêves et rites adolescents, comme le laissent entrevoir les quelques images dévoilées sur son site. À noter qu'elles ont été compilées dans un ouvrage, qui vient de paraître et intitulé "L'ange blanc".
One of the pictures of my 3 years long project in Slavutych, Ukraine's youngest city! https://wemakeit.com/projects/chernobyl-s-children-grew-up
Posté par Niels Ackermann sur vendredi 15 mai 2015
WOW! We reached the 6'000.- goal... in less than 3 days! You are incredible. Thank to all of you for your precious...
Posté par Niels Ackermann sur dimanche 17 mai 2015
10 days left to support a different story of Chernobyl! Come make the book with us. https://t.co/oWvJJIDhSe pic.twitter.com/eAhx01Q4XQ
— Niels Ackermann (@nielsack) 18 juin 2015
Another take on #Chernobyl tragedy. Discover Slavutych: Ukraine’s youngest city https://t.co/oWvJJIDhSe pic.twitter.com/9KChcXuffN
— Niels Ackermann (@nielsack) 15 mai 2015
Retrouvez le 2e volet de notre série ce jeudi 21 avril. Il sera consacré à l'incroyable capacité d'adaptation de la faune et de la flore dans la zone contaminée autour de la centrale.