Il y a un an, Credit Suisse sombrait et disparaissait, sa reprise dans l’urgence par UBS, dictée sous l’égide de la Confédération, étant annoncée au soir du 19 mars. Défié sur les marchés et dans le rouge depuis plusieurs années, le dernier exercice bénéficiaire remontant à 2020, la deuxième banque suisse paie très cher l’accumulation des revers, ceux-ci s’étant même accélérés avant une semaine fatale de mars.

En cette 3e semaine de mars, l’action Credit Suisse, à la peine depuis plusieurs mois, est encore mise à mal par les déboires de plusieurs banques régionales américaines, dont la faillite de la Silicon Valley Bank, dans le contexte du resserrement monétaire opéré par la Réserve fédérale américaine. Investisseurs, régulateurs et autorités, redoutent une contagion à l’ensemble du système bancaire, Credit Suisse figurant au rang des 30 établissements systémiques de la planète.

Alignant les plus bas historiques, le titre Credit Suisse voit la défiance des marchés se renforcer le 15 mars, celui-ci perdant jusqu’à 30% de sa valeur. Dans ce contexte particulièrement tendu, Ammar al-Khudairy, président de la Banque nationale saoudienne, premier actionnaire du 2e institut helvétique, met alors le feu aux poudres en expliquant qu’il est hors de question pour l’établissement d’augmenter sa participation dans celui de la Paradeplatz.

Credit Suisse chancèle et l’annonce le lendemain d’un prêt d’un maximum de 50 milliards de francs de la Banque nationale suisse (BNS) ne suffit pas à restaurer la confiance. Dès lors, les experts échafaudent les scénarios pour la banque, celui d’une reprise par un concurrent, en particulier UBS, leur semblant plus probable que la mise en oeuvre d’une 8e restructuration depuis 2011.

Faillite écartée

Celui d’une faillite ordonnée au sens de la législation des établissements systémiques «trop grands pour faire faillite» est écarté. Affichant une dotation en capitaux conforme aux exigences et d’énormes liquidités, Credit Suisse ne se trouve techniquement pas dans une telle situation. Désormais, le temps presse, tout comme les appels aux autorités helvétiques à régler le problème avant l’ouverture des marchés lundi. Ayant l’oreille des milieux financiers, le Financial Time annonce des pourparlers avec UBS.

Dimanche sur le coup des 19h30, le sort de Credit Suisse est scellé: à l’issue d’intenses discussions menées sous l’égide du Conseil fédéral, avec la BNS, l’Autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) et les dirigeants des deux banques, UBS reprend son dauphin. Le numéro un offrira une action propre en échange de 22,48 titres Credit Suisse, soit 76 centimes, valorisant l’établissement aux deux clefs à quelque trois milliards de francs.

Requise par le Département fédéral des finances (DFF), la BNS et la Finma, «l’acquisition est attrayante pour les actionnaires d’UBS mais, soyons clairs, il s’agit d’un sauvetage d’urgence pour Credit Suisse», résume devant la presse le président d’UBS, Colm Kelleher. Au bénéfice du droit d’urgence décrété par le gouvernement, elle pourra être réalisée sans l’accord des actionnaires, ni celui de la Commission de la concurrence (Comco).

La Confédération accorde une garantie de 9 milliards de francs à UBS afin de réduire les risques encourus du fait de l’acquisition d’actifs pouvant potentiellement entraîner des pertes. La BNS peut allouer des liquidités jusqu’à 100 milliards de francs au total aux deux banques au moyen d’un prêt couvert par un privilège en cas de faillite.

«Dimanche de la honte»

Certaines mesures, dont le relèvement à 100 milliards de francs des liquidités réservées à Credit Suisse, avaient déjà été décidées sans être communiquées, afin de ne pas affoler encore plus les marchés, explique la ministre des finances Karin Keller-Sutter.

Si le président de la Confédération, Alain Berset, juge que le rachat de Credit Suisse par UBS représente la meilleure solution pour rétablir la confiance et «éviter une crise financière de grande ampleur», la presse décrit, elle, un «dimanche de la honte» pour la Suisse et un jour noir pour sa place financière. Les éditoriaux mettent en exergue la lenteur et les difficultés à prendre conscience des erreurs, tergiversations, demi-mensonges et maladresses ayant eu raison d’un établissement aux racines de la naissance de la Suisse moderne.

Président de Credit Suisse depuis janvier 2022, Axel Lehmann reconnaît l’accumulation des problèmes au sein de la banque, celle-ci se voyant rattrapée par les charges du passé et des risques qui se sont matérialisés. L’expert en matière de risques avait repris avec effet immédiat la présidence de la banque, suite à la démission du Portugais António Horta-Osório, lequel a contrevenu aux règles de quarantaines mises en place par la Suisse pour lutter contre le coronavirus.

Banques: la BNS renforce les exigences en matière de réserves minimales

L’obligation en matière de réserves minimales pour les banques résidentes passe de 2,5% à 4% des engagements déterminants, a annoncé lundi la Banque nationale suisse.