Cinquante et un loups formellement identifiés. Huit meutes recensées. Depuis son retour, le grand prédateur n’a jamais été aussi présent sur le territoire valaisan, selon les dernières données du Service cantonal de la chasse.

Risque «trop faible pour être calculé»…

Face à cette situation inédite, la question de savoir dans quelle mesure l’animal est une menace pour l’être humain apparaît aussi sensible que cruciale dans l’optique d’une régulation éclairée et d’une cohabitation à long terme. Alors, entre la peur insondable et instinctive du grand méchant loup et la croyance naïve ou militante d’un supposé risque zéro face à un grand prédateur, que dit la science des attaques du canidé sur l’homme?

Dans l’Union européenne et en Amérique du Nord, où des centaines de millions d’habitants partagent le territoire avec au moins 75 000 loups, le danger n’est pas nul, même s’il est bien trop faible pour être calculé, répond en substance l’Institut norvégien de recherche sur la nature, qui a publié en 2021 une analyse recensant les cas avérés d’attaques en dix-huit ans (personne renversée, griffée, mordue ou tuée par un loup) à l’échelle internationale.

Une étude qui fait référence en la matière.

…mais «pas nul»

Entre 2002 et 2020, en faisant le tri parmi une foule de rumeurs et de fausses informations, la recherche fait état de près de 500 personnes victimes d’attaques de loup dans le monde.

Si on s’intéresse uniquement à l’Amérique du Nord et à l’ensemble du continent européen (Turquie et Russie exceptée, mais y ajoutant Israël), où les données et les sources sont les plus fiables, le compte chute à 99 attaques dont deux fatales outre-Atlantique. Sur ce panel, l’Ukraine était le pays le plus touché par la problématique, avec pas moins de 58 incidents avérés, selon les vérifications effectuées par les scientifiques.

Si on limite la focale à l’Union européenne, au Canada et aux USA, ce nombre tombe à douze attaques (dont deux létales en Amérique du Nord) en dix-huit ans, dont une seule recensée dans un pays voisin de la Suisse, survenue en juin 2020 en Italie avec un loup au comportement atypique (voir encadré).

C'est le nombre d'attaques de loups sur l'homme qui ont été recensées dans l'UE et en Amérique du Nord entre 2002 et 2020 par les chercheurs de l'Institut norvégien de recherche sur la nature. Deux ont été mortelles en Alaska et au Canada.

La rage facteur numéro un

L’étude n’en reste pas à ces chiffres bruts, elle met également en lumière les circonstances de ces contacts violents. Plusieurs facteurs ont ainsi été identifiés comme facilitant ces attaques. Le premier d’entre eux, c’est la rage.

Les chercheurs relèvent en effet que 75% des 99 incidents survenus en Occident sont le fait de loups enragés. «Une maladie qui est considérée comme éradiquée en Europe occidentale et centrale, comme en Amérique du Nord», rappelle Fauna Valais, société valaisanne de biologie, dans son bulletin de septembre dernier consacré à cette même étude norvégienne. «Le risque d’attaque par des loups contaminés par cette maladie est par conséquent nul de nos jours dans ces régions.»

Raphaël Arlettaz, professeur en biologie de la conservation à l’Université de Berne rappelle que cette maladie reste sous surveillance. «Si la rage devait réapparaître sous nos latitudes, le problème pourrait ressurgir chez nous. Toutefois, sur les 75 cas dus à la rage, aucun ne s’est avéré fatal, ce qui relativise même le risque inhérent à la rage.»

Ne pas nourrir le loup

Sur le reste des cas recensés, un certain nombre d’attaques sont dites provoquées et induites par un comportement défensif de l’animal acculé face à une tentative visant à le tuer ou à l’effrayer pour l’éloigner d’un troupeau. Le solde des incidents en Occident est associé à des loups au comportement intrépide ou peu farouche qui présentent une certaine habitude de l’être humain.

Parmi tous les facteurs susceptibles de faciliter une attaque de loup, c’est certainement celui qui nécessite la plus grande attention dans le contexte valaisan et suisse. «Lorsque les loups s’habituent à l’homme, par exemple lorsqu’ils sont nourris, cela peut conduire à des situations dangereuses», explique Ralph Manz, spécialiste de l’espèce au sein de la fondation Kora pour l’écologie des carnivores et la gestion de la faune sauvage. «Il existe des exemples de renards nourris qui ont commencé à mordre lorsqu’on leur a refusé de la nourriture. C’est pourquoi il est très important de ne pas nourrir les loups.»

Les attaques de loups non enragés et non provoqués sont extrêmement rares et ont toujours un contexte.

Ralph Manz, spécialiste de l’espèce au sein de la fondation Kora pour l’écologie des carnivores et la gestion de la faune sauvage

Il insiste: «Les attaques de loups non enragés et non provoqués sont extrêmement rares et ont toujours un contexte.»

L’habituation à l’homme dans le viseur

À partir de quel degré d’accoutumance et de proximité avec les humains un loup «peu farouche» ou «intrépide» peut-il s’avérer dangereux? Il s’agirait de mieux étudier le comportement de ces animaux pour tenter de définir cette limite, relève Fauna Valais.

Mais d’abord, qu’est-ce qu’un comportement atypique chez le loup? Lorsque le grand prédateur tolère la présence de l’homme à une certaine distance sans s’intéresser à lui, il n’y a aucun problème, indique Ralph Manz. «Le comportement des loups devient en revanche problématique lorsque certains se mettent à rôder régulièrement aux alentours des zones habitées et à axer leur comportement sur l’homme ou les chiens domestiques. Au lieu de s’en éloigner, ils peuvent même s’en approcher de plus en plus, et il est parfois difficile de les effaroucher.»

La protection, un risque?

Pour certains, le statut de protection stricte du grand prédateur favoriserait le comportement «intrépide» de certains individus. «Nous n’avons pas constaté cela en Suisse ni dans les pays voisins», assure le spécialiste de l’espèce de la fondation Kora. «Les comportements atypiques et intrépides ne sont pas en premier lieu une question de protection, mais sont bien plus liés à l’individu, à son âge et à d’autres facteurs comme la saison ou la présence de proies».

Pour conclure, Ralph Manz rappelle qu’il est important de signaler chaque observation au garde-faune ou sur le site Internet de la fondation Kora. «Cela permet de mieux comprendre pourquoi les loups se trouvent à un certain endroit et les comportements observés. L’animal a toujours une raison de se trouver à un endroit, qu’il s’agisse de chercher de la nourriture ou de se rendre le plus rapidement possible d’un point A à un point B.»

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