Il est simple, Gabriel Monnet. Sincère. Il est de ceux qui «n’aiment pas se mettre en avant». Comme beaucoup. A la différence près que lui, on le croit. Et même volontiers. L’authenticité d’un regard modeste ne se falsifie pas.

Mais le Chablaisien de 20 ans joue le jeu, sans tricher. Il sait que son prix suscite un intérêt médiatique. Alors il raconte. A la radio ou à la télévision, Gabriel Monnet explique sa surprise lorsqu’il a été désigné lauréat. Retrace les balbutiements de sa passion, à 9 ans, quand il prenait son chat en photo. Puis les oiseaux. Et enfin les humains.

Il est talentueux, Gabriel Monnet. «A 16 ans, c’était déjà un gamin brillant», se souvient Thierry Gauthey, photographe et maître d’apprentissage du Bellerin. «Il a fait une progression fulgurante en termes de qualité d’image, de cadrage et de vision.» En substance, «il voit ce que les autres ne voient pas».

Le lauréat de deux prix photos, on y reviendra, ne s’enfièvre pas pour autant des louanges. «Je suis jeune et je n’ai pas beaucoup d’expérience. Quand je regarde autour de moi, je vois beaucoup d’excellents photographes. Je n’ai pas de raisons de me sentir supérieur aux autres», glisse-t-il.

De Parmelin à Arditi

D’instinct, on pourrait associer l’humilité de Gabriel Monnet à une timidité voilée. On aurait tort. L’homme est audacieux. Ne s’embarrasse pas du pédigrée d’un modèle. Il ose. Insiste, au besoin. «Je lui ai dit de ne jamais hésiter à prendre son téléphone pour appeler les gens. Le pire que l’on risque, c’est un refus. Gabriel qui l’a pris au pied de la lettre, est devenu un jusqu’au-boutiste», sourit Thierry Gauthey.

Ainsi, pour son travail de fin d’études en 2020, le photojournaliste a notamment sollicité le conseiller fédéral Guy Parmelin, le dessinateur Patrick Chappatte ou l’ancien «Monsieur Coronavirus», Daniel Koch.

A «L’illustré», où il a évolué pendant six mois à la fin de ses études, il a également brossé le portrait de Jean-Jacques Annaud, Philippe Geluck ou encore de Pierre Arditi. «Gabriel est à l’aise dans tous environnements. Que ce soit avec un conseiller fédéral, une star de cinéma ou un sportif célèbre», souligne Stéphane Benoît-Godet, rédacteur en chef du magazine édité à Lausanne.

«Il a une maîtrise très forte des lumières quand il réalise des portraits, mais il est aussi capable de faire des sujets très techniques et physiquement éprouvants», ajoute-t-il en référence, notamment, à un cliché du nageur Jérémy Desplanches, saisi sous l’eau.

Récompensé par deux fois

Gabriel Monnet œuvre désormais comme indépendant. Qui arpente de bon cœur un terrain neigeux, mais évite soigneusement la froideur d’un studio immaculé. «Ce que j’aime, c’est l’histoire qui entoure une photo», appuie-t-il. «Courir une heure pour couvrir une finale du 800 mètres, essuyer la pluie et suer sous mon K-way».

Pour finalement capter l’instant. Le bon. Celui qui lui vaudra le Swiss Press Photo dans la catégorie sport. C’était à Tokyo, en 2021, lors des Jeux paralympiques. Gabriel Monnet immortalise Marcel Hug.

Après sa victoire, le Suisse scrute un panneau d’affichage, hors champ, pour découvrir son temps. Sa bouche entrouverte témoigne de l’effort à peine digéré. Des gouttes de pluie perlent sur son casque. Dans sa visière se reflètent les pistes d’athlétisme qu’il vient tout juste de dominer. «J’avais en tête de jouer avec ces reflets, mais jusqu’ici, ça n’avait rien donné. J’ai vu cette possibilité et j’ai pris la photo», explique sobrement Gabriel Monnet.

Ce sacre est le second de file pour le Bellerin. En 2021, il reçoit le prix Sept (attribué par le magazine «sept.info») du photojournalisme. Il est récompensé pour son travail baptisé 92% qui retrace l’histoire d’un grand brûlé qui s’est accroché à la vie grâce à la thérapie cellulaire. «C’est une personne qui parle librement de son vécu. Un lien s’est rapidement créé et il a accepté de se dévoiler devant la caméra», résume Gabriel Monnet.

Fallait-il encore savoir traduire ce vécu. Et cet après. Les images, d’une troublante poésie, sont à l’image du photographe. Sincères.

Swiss Press Photo: Gabriel Monnet entre dans la lumière qu’il maîtrise si bien

Il est le lauréat du Swiss Press Photo dans la catégorie sport. Un prix prestigieux que le photographe chablaisien accueille avec humilité. Rencontre avec un talent brut au regard aiguisé.