Il est tôt. Du moins sur l’échelle temporelle de l’apéritif. A Sierre, l’étroite route qui mène à la cave des Bernunes est encore déserte. Mais la bâtisse, elle, transpire la vie. A l’étage, on décèle d’une oreille les fourmillements propres aux préparatifs. Le tintement des verres se mêle aux pas pressés. D’inaudibles discussions tapissent les airs. Bref, ça bouge.

Un choix de carrière logique

On pousse la porte pour rejoindre Nicolas Zufferey, le maître des lieux. Il est rapidement rejoint par ses deux enfants, Luca et Lucie. A 24 et 26 ans, ces jeunes viticulteurs incarnent le futur de la cave. «C’est très motivant pour moi de savoir qu’ils pourront reprendre l’exploitation», glisse l’encaveur de 57 ans. Si la relève est assurée, le spectre d’un pas de retrait ne pointe pas à l’horizon. «On ne te laissera jamais partir à la retraite, on te trouvera toujours du boulot», sourit sa fille.

Pour Luca et Lucie, le chemin était tracé. Sans être imposé. «Mes enfants ont toujours eu le choix», souligne Nicolas Zufferey. Cette voie, ils l’ont donc empruntée naturellement. «Nous n’avons jamais envisagé un autre job», disent-ils. «Travailler avec mon père, c’est accepter toutes ses facettes. Et ça crée un lien fort», ajoute encore le cadet.

Luca et Lucie trinquent avec leur père, Nicolas. © Sacha Bittel

Une trentaine d’années séparent l’encaveur de ses enfants. Et cet écart se mesure parfois aux sensibilités. «La nouvelle génération cherche essentiellement la qualité et elle est très attachée aux problématiques environnementales. A mon époque, on en parlait moins», relève Nicolas Zufferey.

Luca, «très inquiet» par le dérèglement climatique, acquiesce du regard. Lucie, elle, préfère le fatalisme à l’anxiété. «Nous ne pouvons rien faire face à notre dépendance au climat», souffle-t-elle. «Mais nous essayons quand même d’agir à notre échelle en limitant les pesticides et en encourageant la consommation locale.» C’est aussi faire le choix de refuser le gigantisme. «Notre priorité, ce n’est pas de grandir, c’est de garder la qualité de notre vin», appuie-t-elle.

Perpétuer la tradition

A une petite trentaine de kilomètres de là, à Vétroz, Romain Papilloud et son fils Vincent s’apprêtent à passer à table. A notre arrivée, ils troquent toutefois leur assiette contre un verre de fendant.

Arborant un large sourire, les deux encaveurs retracent volontiers l’histoire de l’exploitation familiale créée en 1927. «Je représente la quatrième génération», lance Vincent Papilloud, 33 ans.

Avec son père, ils cultivent le souvenir du passé pour façonner leur approche du présent. «Nous avons une vision assez traditionaliste. Un bon raisin fait du bon vin», reprend le trentenaire. «Nous sommes mêmes parfois revenus en arrière sur les processus de vinification», note Romain Papilloud. «Les anciens ne faisaient pas tout faux», ajoute-t-il dans un sourire.

Romain Papilloud et son fils Vincent à l’heure de l’apéro. © Sacha Bittel

L’encaveur fêtera ses 65 ans en décembre. Pour lui, c’est «un gros soulagement» de passer le flambeau dans le cadre familial. S’il gardera un pied dans la porte, il évitera soigneusement les terrains trop sinueux. «Mon père allait encore à la vigne à 90 ans, mais ce ne sera pas mon cas», rigole-t-il. «Tu as assez donné», acquiesce son fils.

Au tour de la jeunesse, donc. Comment apposer sa patte sans froisser les traditions? «J’ai un peu de pression car j’ai un grand respect pour le travail qui a été fait jusqu’ici», souligne Vincent Papilloud. «Je vais essayer de rajeunir la clientèle», explique-t-il. «Je veux diversifier un peu notre offre. J’ai, par exemple, vinifié un vin orange.» La couleur est donnée.

Trois générations au service de la cave

La dernière escale sera chamosarde. Pierre-Maurice Carruzzo nous accueille entre ses murs. A ses côtés, sa petite-fille, Loulanne (18 ans) et son fils, Sébastien (42 ans). En fédérant trois générations, la cave s’assure une relève pérenne.

Si la cadette de l’exploitation vient tout juste de terminer son CFC de viticultrice, elle baigne depuis toute petite dans le vin. Littéralement. «Nous avons une photo qui date de 2003, année de sa naissance. Elle est dans une caisse de pinot noir», se remémore Pierre-Maurice Carruzzo. «Je suis un peu l’Obélix de la viticulture», sourit Loulanne.

Passant de 1,5 à 8 hectares aujourd’hui, l’exploitation s’est développée autour de la famille. «J’ai toujours vu ma grand-maman, mon tonton ou ma tata à la vigne», reprend la jeune diplômée. À côté d’elle, son oncle esquisse un sourire. C’est lui qui, le premier, rependra les rênes de la cave. «Nous avons de la chance d’avoir une première génération qui a très bien travaillé.»

Sur un plan physique, oui, mais aussi dans l’intelligence de certains choix. Sans être la seule, la cave est en effet l’une des premières en Valais à s’être essayée à des cépages moins connus sous nos latitudes. «En 1997, on a planté de la mondeuse. On propose également du mourvèdre ou du malbec», reprend-il. Du raisin qui résiste bien aux fortes chaleurs. «Avec le changement climatique, il faut s’adapter. Le pinot noir, c’est bientôt terminé.»

L’histoire de la cave, elle, semble en revanche à l’épreuve du temps.

Vins valaisans: la dôle s’invite dans les wagons CFF

Lancée par Swiss Wine Valais, une nouvelle campagne met la dôle en lumière. Dès le 6 juillet, le plus ancien assemblage valaisan aura une place de choix sur la carte des wagons-restaurants CFF.