Accusez-moi de verser dans la futurologie politique. Critiquez ma démarche qui disqualifie d’emblée des candidatures sérieuses. Regrettez la plume péremptoire. Vous aurez raison. Mais depuis mon poste d’observation, ma tour d’ivoire à l’épreuve des objections, je n’aurai pas tort. Et voilà pourquoi.

Sans transpirer

En novembre prochain, au sortir du second tour, les urnes sacreront les sortants Beat Rieder et Marianne Maret. Ils fouleront le parquet de la Chambre haute sans être essoufflés par la course à la couronne. Malgré la théâtralité de l’affirmation, rappelons d’abord que cette issue a largement les faveurs de la cote. Harpagon lui-même miserait sans doute une pièce.

Précisons ensuite. Pour bousculer l’ordre établi depuis 1873, il faut fédérer. Bien au-delà de sa famille politique. Dans l’histoire récente, seuls le PLR Pierre-Alain Grichting (à 1481 voix en 2015) et le socialiste Mathias Reynard (à 1370 voix en 2019) ont, du bout des doigts, touché la fin du règne. Précipité ou presque l’effondrement d’une citadelle jusqu’ici imprenable. Par deux fois donc, ils l’ont fragilisée. Mais les fondations ne vacillent plus. Pour l’instant.

Beat Rieder et Marianne Maret fouleront le parquet de la Chambre haute sans être essoufflés par la course à la couronne.

Cette année, le Centre aborde la campagne sans transpirer. Le parti le sait, aucun des candidats n’a l’assise électorale des précédents adversaires. Mieux encore, ils clivent.

Qu’importe le classement

Au crépuscule du premier tour, le PLR Philippe Nantermod devrait camper en troisième position, derrière les sortants. Dans les colonnes du «Temps», il appelle d’ailleurs de ses vœux à «ne pas démultiplier les candidatures au second tour» pour ne pas entraver les chances du «premier des minoritaires».

Lui-même, donc. Et le message s’adresse à celui qui devrait être son premier poursuivant, l’UDC Jean-Luc Addor. D’autant que les libéraux et les agrariens se sont d’ores et déjà fait des politesses. En 2015, Franz Ruppen renonçait au second tour des Etats alors qu’il devançait d’une poignée de voix Pierre-Alain Grichting. Bref, doubler les aspirants, c’est diviser les chances.

Doubler les aspirants, c’est diviser les chances.

Si Philippe Nantermod s’engage seul dans la bataille, il picorera tout au plus quelques voix de l’électorat UDC. Ses positions sur la pandémie, la guerre en Ukraine et la crise de Credit Suisse le discréditent aux yeux de la plupart des agrariens.

Si Jean-Luc Addor déjouait les pronostics et reléguait le Chablaisien au second rang «des minoritaires», le même schéma s’applique. Ses opinions, en lien notamment avec les thématiques évoquées, le dépouillent d’un soutien libéral.

Reste, encore, les électeurs de gauche. Par cohérence, ces derniers se distancieront d’une candidature de la droite dure ou économique. Depuis l’éclatement de la majorité absolue au Conseil d’Etat en 2021, la mainmise centriste sur le pouvoir n’est plus un thème suffisamment porteur pour rogner ses valeurs.

Les sympathisants écologistes et socialistes préféreront donc, en majorité, appuyer Marianne Maret, première sénatrice de l’histoire du Valais et politicienne engagée sur les questions sociales et familiales.

Depuis l’éclatement de la majorité absolue au Conseil d’Etat en 2021, la mainmise centriste sur le pouvoir n’est plus un thème suffisamment porteur pour rogner ses valeurs.

Privés d’un soutien massif au-delà de leurs propres rangs, à droite comme à gauche, Philippe Nantermod et Jean-Luc Addor n’ont donc pas un réservoir de voix suffisant pour faire couler le Centre.

Idem dans l’autre camp

De l’autre côté de l’échiquier, la candidature la plus crédible est portée par Céline Dessimoz. Si l’actuelle cheffe de groupe des Verts au Grand Conseil n’a pas, pour l’heure, la notoriété de ses adversaires élus au National, sa carrure politique se développe à mesure des campagnes. Pour, peut-être, se profiler d’ici à 2025 comme une option sérieuse au premier siège écologiste dans un Conseil d’Etat à sept, si la population adopte dans l’intervalle la nouvelle Constitution.

Cet automne, elle pourrait talonner l’UDC au soir du premier du tour. Sans pour autant matérialiser ses ambitions. On l’a dit, le contexte est défavorable. Pour la droite, oui, mais aussi et surtout pour la gauche.

Dans un scénario fantaisiste où la Sédunoise serait la seule à s’aligner face au Centre au second tour, elle devrait composer sans le soutien du PLR et de l’UDC. Ces fractions, à quelques exceptions près, sont en opposition systématique avec la ligne partisane des Verts. Impossible de s’imposer, donc.

Cet automne, les Verts pourraient talonner l’UDC au soir du premier tour. Sans pour autant matérialiser leurs ambitions.

Si Céline Dessimoz est à peine distancée après la course d’octobre et signe pour le sprint de novembre, elle prendra, a priori, le départ aux côtés de Philippe Nantermod. Un mauvais calcul. Sa candidature profiterait indirectement au PLR. La verte pourrait en effet grignoter quelques voix à Marianne Maret et ainsi «affaiblir» la sortante dans un hypothétique duel face à Philippe Nantermod.

Au PS et chez les Vert’libéraux, Aferdita Bogiqi, Philippe Jansen et Jeannette Salzmann ne disposent pas d’une envergure suffisante pour influencer le scrutin. Même constat pour la socialiste du Haut Claudia Alpiger adoubée par les siens vendredi soir.

Un seul scénario capable de tout bouleverser

Quitte à scénariser cette élection, à s’autoriser une lecture omnisciente de ses issues, tirons le trait jusqu’au bout. Un alignement de planètes – et un seul – pourrait troubler l’ordre en place.

Détaillons. Et oublions les Etats l’espace de quelques lignes. Au National, sinon son sortant, le PLR se présente avec un répertoire relativement faible. Autrement dit, derrière le champion, la voie est dégagée. Si un candidat haut-valaisan s’adjuge le second rang, Nicole Luggen et Niklaus Heinzmann y aspirent, la dynamique est entièrement bouleversée.

Philippe Nantermod, d’ordinaire boudé côté germanophone, deviendrait alors l’homme providentiel du Haut.

Philippe Nantermod, d’ordinaire boudé côté germanophone, deviendrait alors l’homme providentiel du Haut. Le calcul est simple. Clanique. S’il accède à la Chambre des cantons, le Valais supérieur s’octroie un représentant de plus au National. Ainsi, grâce au vient-ensuite, le Haut se réapproprie indirectement le siège perdu par le Viégeois Thomas Egger au profit de Christophe Clivaz en 2019.

Voilà pour la stratégie. Excellente sur le papier, défaillante dans l’exécution. En effet, pour pallier son retard de l’autre côté de la frontière linguistique, le PLR a longtemps voulu aborder les fédérales avec des personnalités haut-valaisannes marquantes. Pierre-Alain Grichting, bien sûr, mais aussi Mathias Bellwald, actuel président de Brigue-Glis. Les deux hommes ont décliné. La tactique a chancelé. Elle faillira en octobre prochain.

La bataille avant la guerre, la vraie

Cet automne, à n’en pas douter, les sept candidats en croisade contre le Centre se battront sans compter. Contrairement aux partis qui, de leur côté, ne devraient pas débourser des montants record dans l’effort de guerre. Le ratio coût-bénéfice est nul ou presque.

La stratégie est excellente sur le papier, défaillante dans l’exécution.

D’autant que les fractions politiques le savent, c’est une question de patience. Le combat, le vrai, est arrêté pour 2027. Beat Rieder et Marianne Maret tireront leur révérence, ouvrant alors un jeu verrouillé depuis 150 ans. Le butin est colossal.

Mais pour l’heure, on feint l’ignorance. Ingénus, on observe les candidats se briser contre la citadelle centriste. Et l’on ne peut s’empêcher de murmurer, «à cœurs vaillants, rien de possible».

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