Le discours est connu. Il est martelé par le conseiller d’Etat Christophe Darbellay. L’aéroport de Sion, qui pourrait passer en mains cantonales d’ici à 2023, générerait annuellement 80 millions de francs de retombées économiques directes et indirectes. Problème, ce calcul repose sur des données obsolètes.

Ce constat déplaît. Ou dérange. Dans le dossier de l’aéroport (une structure financée par de l’argent public), les acteurs concernés prônent l’opacité. Tout est nébuleux. La direction du site rechigne à communiquer des chiffres précis sur son activité. Elle refuse d’emblée, puis se mure dans le silence. A force, elle cède, mais ne commente pas ses propres données renvoyant la balle à la ville. Cette dernière, pourtant responsable du site, refuse de s’exprimer. Sa crainte? Compromettre la cantonalisation d’une structure qui lui coûte 1 022 000 francs par année. Et qui, sous son égide, n’a aucune chance de prospérer.

La municipalité passe alors le témoin au gouvernement. Au bout de la chaîne, c’est donc Christophe Darbellay qui prend le relais. Mais le ministre de l’économie ne répond qu’à la moitié de nos interrogations. Il détaille volontiers le potentiel de développement du site, mais écarte soigneusement nos questions liées à l’impact économique. Et voilà pourquoi.

Tiré d’un travail de diplôme de 2005

Dans la presse et face au Parlement le 8 juin dernier, Christophe Darbellay évoquait des retombées économiques directes et indirectes de l’aéroport de l’ordre de 80 millions de francs par année. Mais ce résultat, tiré d’un travail de diplôme d’un étudiant de la HES en 2005, est contestable. A plusieurs titres.

Pour son calcul, l’auteur se base sur des données datant de 1999 à 2003. Autrement dit, ses recherches reposent sur une période où l’aérodrome vivait encore des activités militaires. Ces derniers ont quitté la base aérienne en 2018, réduisant considérablement l’attractivité du site. Contacté, l’ancien étudiant s’étonne d’ailleurs que son travail s’invite dans le discours politique. «Sans l’armée, cette étude ne vaut rien», appuie-t-il.

Sans l’armée, cette étude ne vaut rien.

Un ancien étudiant auteur d’une étude sur l’impact économique de l’aéroport de Sion

Les touristes moins nombreux

Au-delà du départ des forces militaires, plusieurs données mobilisées pour le calcul de l’impact économique ne coïncident plus. Ainsi, à l’époque, 25 000 touristes transitaient par l’aéroport chaque année, selon la direction. Aujourd’hui, selon cette même direction, ils sont 11 832 (sur un total de 25 969 passagers comprenant les hélicoptères, les vols d’entraînement, le secours, etc.).

Autre point d’accroche de l’étude, la durée des nuitées, évaluée à sept en moyenne. «Une estimation sujette à caution», note un rapport de l’Université de Lausanne de 2018. Ce chiffre, qui est une composante du résultat de 80 millions de francs de retombées, est basé «sur un questionnaire envoyé aux offices du tourisme alors que l’Observatoire valaisan du tourisme indique une durée moyenne d’un séjour de l’ordre de 2,6 nuits en 2012 (ndlr: 2,3 en 2019).»

Si, à la lueur de ces éléments, il est prudent d’affirmer que l’impact économique de l’aéroport de Sion est largement inférieur à 80 millions, il reste impossible à l’évaluer précisément. «Il faudrait refaire une étude postérieure au départ de l’armée», précise l’ancien étudiant, aujourd’hui employé dans le secteur touristique.

Le canton mise sur 150 000 passagers

Plus loquace sur le potentiel de développement du site, Christophe Darbellay détaille sa vision. «L’objectif à quinze ans ambitionne 150 000 passagers, ce qui correspond environ à ce que faisait l’aérodrome de Belp/Bern.»

En mai dernier, dans le «Blick», l’expert en aviation Hansjörg Egger qualifiait pourtant ce plan de «vœu pieux». En substance, il estime que la structure sédunoise n’a pas le potentiel de se muer «en grand pôle commercial» et que l’offre des aéroports nationaux (Genève, Zurich, Bâle) est trop attractive pour laisser une part de marché suffisante.

Nous visons en complément le développement de lignes et de charters qui bénéficieraient plus largement au tourisme.

Christophe Darbellay, conseiller d’Etat chargé de l’économie et de la formation

De son côté, Christophe Darbellay rappelle que «les vols business se développent fortement et profitent avant tout aux grandes stations valaisannes». Il précise: «Nous visons en complément le développement de lignes et de charters qui bénéficieraient plus largement au tourisme, à des stations moins prestigieuses et à la population.» Il ajoute au passage que le canton soutient l’innovation sur le site, notamment à travers la start-up H55 qui, avec 70 ingénieurs, «construit l‘avion électrique du futur».

A Sion, jusqu’ici, aucun tour-opérateur étranger n’a réussi à s’installer durablement. Pour atteindre les 150 000 passagers, il faudrait multiplier par dix la manne touristique actuelle (11 832). La marge de progression est donc colossale. Trop?

En 2023, à l’heure des débats sur la cantonalisation de l’aéroport, les députés trancheront.

Aéroport de Sion: «Ça se passe super bien avec les militaires», selon l’ARAS

Le mur antibruit a été prolongé. Les exercices «touch and go» ne sont plus effectués par des F/A-18 mais par des avions moins bruyants. Les riverains de l’aéroport de Sion ont obtenu des améliorations.