La surveillance électronique des personnes menaçantes améliorera-t-elle la protection des victimes? C’est la conviction des autorités fédérales, qui ont adopté une nouvelle disposition de loi dans ce sens. Avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, 340 spécialistes réunis hier à Berne ont aussi mis en garde contre de trop grandes attentes. Ils demandent d’outres outils, comme un bouton d’alerte à actionner en cas de danger, sur le modèle espagnol.

Durant les dix premiers mois de l’année, la Suisse a enregistré vingt-cinq féminicides, indique le site internet www.stopfemizid.ch. C’est autant que la moyenne annuelle des statistiques du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG). «Cette année, le nombre sera plus élevé», a confirmé hier la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, en charge du Département fédéral de justice et police. La libérale-radicale st-galloise avait été la première, en Suisse, à faire adopter une loi contre la violence domestique, il y a vingt ans, a rappelé en lui rendant hommage, la conseillère d’Etat Jacqueline Fehr (PS, ZH).

Feuille de route

Même si la protection des victimes a fait des progrès, notamment avec le paquet de nouvelles mesures légales mises en œuvre le 1er juillet 2020, «nous n’avons pas le temps de nous reposer», a poursuivi Karin Keller-Sutter. Outre la révision du nouveau droit pénal en matière sexuelle, en cours, une feuille de route a été adoptée fin avril avec les cantons pour élaborer des mesures dans dix domaines différents, dont celui des nouvelles technologies au service des victimes.

De nouvelles technologies, il en a été beaucoup question lors de ce huitième congrès national du BFEG huer à Berne. Car la possibilité d’ordonner, sur le plan de la justice civile également, le port d’un bracelet (souvent à la cheville) électronique pour surveiller les allées et venues d’un auteur potentiel de violence entrera en vigueur le 1er janvier 2022.

Pour la justice civile, il faut adapter les procédures.

Brigitte Stöckli, responsable du domaine «Surveillance électronique» du canton de Bâle-Campagne

Il est déjà possible d’ordonner le port d’un bracelet électronique, et même obligatoire de le proposer pour certaines sanctions, dans le domaine pénal, au titre de mesure de substitution. «Pour la justice civile, il faut adapter les procédures, explique Brigitte Stöckli, du domaine «Surveillance électronique» du canton de Bâle-Campagne, par exemple pour savoir qui alerter en cas de non-respect du cadre imposé à la personne à surveiller. «Mais nous serons prêts pour le 1er janvier», a renchéri le responsable du canton de Zurich.

Pour un suivi «actif»

Contrairement à d’autres pays, et surtout à l’Espagne qui s’appuie sur la surveillance électronique depuis 2009 et qui a déjà suivi ainsi environ 9000 cas (état à fin 2020) dans le domaine de la violence domestique, la Confédération a opté pour une surveillance dite «passive» (lire ci-dessous): les données de localisation ne sont pas suivies en direct par la police qui serait ainsi prête à intervenir, mais en différé. Elles servent avant tout de moyen de preuve en cas d’infraction. Ce qui fait dire à Reinhard Brunner, chef de la prévention de la police cantonale zurichoise, que «cette nouveauté comble une lacune, certes, mais en suscitant de trop grandes attentes.»

Brigitte Stöckli également espère aussi que les cantons iront plus loin et débloqueront des moyens pour une surveillance «active», soit en direct, des mouvements des personnes sous surveillance. Des réflexions sont en cours au sein de l’association «Monitoring électronique» créée par la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), qui prévoit, à terme, des solutions unifiées et la création d’une centrale nationale.

Bouton d’appel

Avant cela, la mise en place d’un bouton d’appel d’urgence pour les personnes en danger – par exemple parce qu’elles subissent des menaces ou sont harcelées – pourrait aussi être décidée. Le canton de Zurich mène un projet pilote, tout comme celui de Neuchâtel.

Selon une étude réalisée sur mandat de l’Office fédéral de la justice et publiée en février dernier, l’appel parvient directement à la centrale d’alerte de la police et indique le lieu où se trouve la personne réclamant de l’aide. «Un plan d’intervention individuel a été préparé pour chacune d’entre elles», précise l’étude. Aucune alarme n’avait encore été actionnée au moment de la publication.

Là aussi, les spécialistes mettent en garde contre de trop grandes attentes, soulignant notamment la question de la distance entre personne appelant et police. Un autre projet vise à mettre en place une centrale d’appel téléphonique pour tout le pays. La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS), entre autres, s’est engagée à développer ce projet.

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