Deux décennies de procédures, trente-deux ans d’études et quatre ans de construction mais, au final, la ligne aérienne à très haute tension Chamoson-Chippis est en service depuis le 30 septembre. Pour le patron de Swissgrid, quel est le sentiment qui domine avec ce tronçon enfin activé?

Je suis très fier de mes équipes qui ont pu construire cette ligne sans accident malgré la pandémie et les autres difficultés de ces dernières années. Ils peuvent aussi en être fiers. Je suis très content que cette ligne soit en fonction en septembre 2022 et pas 2023 dans le contexte énergétique actuel. Même si ce n’est qu’une étape du réseau stratégique que Swissgrid met en place au service de la population et de l’économie suisse.

Quand vous voyez la ligne sur le coteau aujourd’hui, que pensez-vous de son impact visuel?

On peut en discuter longuement. Trouver cela beau ou non. A mon avis, le nœud de la discussion n’est pas là. A un moment donné, on doit avant tout parler de l’utilité d’une infrastructure. C’est difficile de faire du Valais un des plus gros producteurs d’électricité de Suisse sans bâtir l’infrastructure permettant de transporter cette production. L’un ne va pas sans l’autre.

Les câbles conducteurs sont encore bien visibles en fonction de la luminosité, mais dans douze ou dix-huit mois, ils le seront beaucoup moins.

Comment ça?

Depuis les années 90, l’infrastructure à très haute tension n’a pas été adaptée en Valais. Pourtant dans l’intervalle, deux centrales importantes de production ont été mises en fonction: Cleuson Dixence et Nant de Drance.

Adapter la ligne pour en faire une autoroute électrique capable de transporter toute cette production vers les lieux de consommation du pays est une nécessité. Et on ne peut pas aller vers encore plus de production hydraulique ou solaire demain, sans se donner les moyens de la raccorder au réseau.

Mais cette ligne THT est plus ou moins visible que ce que vous imaginiez au moment du projet?

Sur le gros du tracé, si je compare à certains croquis réalisés ces dernières années par des opposants sur l’impact visuel du projet, je trouve quand même qu’on ne voit pas beaucoup cette ligne sur le coteau. Bien sûr, puisqu’ils sont neufs, les câbles conducteurs sont encore bien visibles en fonction de la luminosité, mais dans douze ou dix-huit mois, ils le seront beaucoup moins. Une fois patinés, ils vont moins briller au soleil.

Concernant les pylônes, peints en vert, ils ne sont pas si visibles que cela, même s’ils sont hauts.

Je ne crois pas que l’on va enterrer l’entier du réseau à très haute tension demain.

Est-ce que cette ligne Chamoson-Chippis est la dernière nouvelle construction THT aérienne que l’on verra en Suisse?

Il faut être réaliste. Le réseau à très haute tension suisse est constitué à 98,5% de lignes aériennes. Au niveau européen cette proportion est similaire. Personnellement, je ne crois pas que l’on va enterrer l’entier du réseau à très haute tension demain. Pour la simple et bonne raison qu’on voit actuellement avec les discussions sur les tarifs de l’énergie quelles sont les limites d’acceptation de la population suisse quant à des surcoûts.

Il faut toutefois préciser que c’est la Confédération, et non pas Swissgrid, qui décide de la technologie utilisée pour un projet donné, en mettant dans la balance différents éléments.

Selon l’heure de la journée et le lieu où l’on se trouve, la lumière fait plus ou moins briller les câbles de la nouvelle ligne THT Chamoson-Chippis sur le coteau valaisan. Photo: Sacha Bittel

Lesquels?

Pour chaque projet en Suisse, Swissgrid propose plusieurs variantes de réalisation. Aérienne, enterrée partiellement ou totalement. Quand c’est possible au niveau du timing, on essaie aussi de coupler les lignes à d’autres infrastructures. C’est ce qu’on va faire pour la ligne du Gothard, en profitant de la construction du deuxième tube. Ces différentes variantes sont ensuite évaluées par la Confédération en pondérant les aspects techniques, environnementaux, financiers et d’aménagement du territoire. Dans ce cadre, l’aspect visuel est un élément pris en compte, parmi beaucoup d’autres.

Si la ligne Chamoson-Chippis était projetée aujourd’hui la feriez-vous autrement?

Encore une fois, c’est le Conseil fédéral qui décide de la technologie pour chaque projet. De notre côté, si on repartait à zéro, on étudierait, comme toujours, plusieurs variantes. Mais dans le cas de cette ligne, on oublie souvent que pour l’enterrer, il faudrait créer un couloir de la largeur de l’autoroute en plaine du Rhône. La vraie différence avec ce qui a été fait par le passé tient à l’existence aujourd’hui d’une stratégie de réseau, qui permet d’accélérer un peu la procédure en regroupant les possibilités de recours. On serait plus vite à l’objectif.

Grâce à cette nouvelle ligne, on va décharger la plaine de l’impact visuel de ces installations, sans compter l’amélioration en termes de rayonnement magnétique.

Dans cinquante ans cette même ligne sera enterrée?

Je ne sais pas si elle sera enterrée dans cinquante ans. Je ne vais pas faire de conjectures. Par contre, ce qui est certain, c’est que l’infrastructure que nous avons construite va permettre de démanteler d’ici à 2027 90 kilomètres d’anciennes lignes et 320 pylônes entre Martigny et Chippis. Grâce à cette nouvelle ligne, on va décharger la plaine de l’impact visuel de ces installations, sans compter l’amélioration en termes de rayonnement magnétique. Car la plupart de ces anciennes lignes sont construites à proximité des habitations.

D’ici à 2027. Pourquoi vous ne pouvez pas aller plus vite?

Parce que démonter une ligne, c’est comme en construire une. Et vous avez relevé en préambule que la construction de la nouvelle THT a duré quatre ans.

L’ancienne ligne 220 000 volts en plaine est la plus imposante des installations à démonter. C’est une priorité?

Oui. On va commencer son démontage l’année prochaine. Le planning détaillé sera communiqué entre la fin 2022 et le début 2023.

Combien a coûté au final ce tronçon Chamoson-Chippis à Swissgrid?

Nous sommes en train de faire les décomptes finaux. En tenant compte de la construction mais aussi des mesures de compensation comme les démontages d’autres lignes à venir, les coûts s’élèvent à 140 millions de francs.

C’est beaucoup plus que le budget initial?

Le budget initial était de 100 millions de francs. Au moment de la reprise du projet par Swissgrid en 2013, il était évalué à 120 millions.

Combien de courant transporte aujourd’hui cette ligne? Est-ce qu’elle peut tourner à plein régime tant que d’autres éléments du réseau en Valais comme la ligne Chippis-Bickingen ou Chippis-Mörel ne sont pas terminés?

Une ligne ne tourne pas à plein régime, car on doit assurer en tout temps la perte d’un autre élément sur le réseau. Il faut pouvoir dévier le courant d’une ligne à une autre pour des questions de sécurité. Elle n’est ainsi quasiment jamais utilisée à 100% mais plutôt à 50% de la charge. L’autoroute électrique est opérationnelle aujourd’hui jusqu’à Chippis, mais elle ne va pas encore jusqu’à Berne et Mörel.

On attend de savoir si les autorités valaisannes veulent aller de l’avant avec leur projet de déplacement de cinq pylônes.

L’éventuel déplacement de cinq pylônes (quatre sur la commune de Grône et un à Chalais) devait attendre l’activation de la ligne. C’est chose faite. Où en est-on?

Ce projet de déplacement est cantonal. Nous avons eu des discussions sur plusieurs variantes. Désormais, on attend de savoir si les autorités valaisannes veulent aller de l’avant. Le canton doit également régler la question du financement.

Franchement, ce déplacement ne se fera jamais?

Je ne suis pas collaborateur de l’Etat du Valais, ce n’est donc pas à moi de répondre.

Au moment de cette photo en mars 2022, le pylône le plus proche de l’école de Grône est debout mais il ne porte pas encore les câbles conducteurs définitifs. Pour mesurer le rayonnement magnétique de l’installation et le respect des normes un magnétomètre a été installé par la commune en collaboration avec la HES-SO Valais. Photo: Sacha Bittel / Archives

A l’école de Grône, un magnétomètre mesure le champ magnétique de la ligne THT. Au plus fort, il a enregistré 0,12 microtesla, alors que la norme suisse pour les zones sensibles est de 1 microtesla. Avec ces données, vous enverriez vos enfants à l’école sans problème?

Le principal pour moi, c’est qu’il y ait des normes et qu’elles soient respectées. C’est le cas à Grône, où la station de mesure indique des valeurs dix fois inférieures à la norme suisse pour les zones sensibles, qui est elle-même 100 fois plus sévère que la norme européenne. Pour l’ancienne ligne Chamoson-Chippis, qui traverse des zones d’habitation et qui va être démontée, la valeur limite légale était de 100 microteslas. (ndlr: l’ORNI, qui fixe la valeur de 1 microtesla pour les lieux à usages sensibles comme les habitations et les écoles, est entrée en vigueur en 2000).

J’ai un petit regret dans le cas de Grône. Je me dis que si le problème posé par certains pylônes était venu plus tôt sur la table, on aurait certainement trouvé des solutions. Comme cela a été fait à Bramois.

Ces dernières années, les opposants ont mis des bâtons dans les roues de Swissgrid, quel est votre sentiment à leur sujet?

Je respecte les opinions des opposants. Le rôle de Swissgrid est aussi de dialoguer avec eux. Mais j’ai un petit regret dans le cas de Grône. Je me dis que si le problème posé par certains pylônes était venu plus tôt sur la table, on aurait certainement trouvé des solutions. Comme cela a été fait à Bramois.

Comment expliquer que la commune de Grône ne se soit pas opposée avant 2015 au tracé à proximité de l’école? En ne formulant pas d’objection quand elle pouvait légalement le faire, elle a dû se contenter d’une opposition de principe.

Je ne sais pas, pourtant le projet était connu. Si ces points étaient arrivés au moment de la mise à l’enquête en 2002, il aurait été plus facile de déplacer ces quatre pylônes. Je ne pense pas que cela aurait posé de problème à ce moment de la procédure.

Aujourd’hui la ligne est activée mais des procédures sont encore ouvertes sur les montants des indemnisations, et sur la sécurisation des pylônes contre les dangers naturels. Combien de temps cela prendra-t-il?

Ce n’est plus de notre ressort pour une partie des indemnisations. Nous avons signé des conventions avec la plupart des propriétaires, mais pour les autres, qui se sont opposés à ces montants, cela dépend désormais de la commission fédérale d’estimation. Les travaux de sécurisation de pylônes sont quant à eux en cours.

Que ces procédures soient encore ouvertes alors que la ligne est en fonction, est-ce que ce n’est pas un symbole de la toute-puissance de Swissgrid?

C’est faux. Il y a des règles et des lois et nous les appliquons strictement. C’est valable aussi pour les propriétaires qui ont des droits et qui peuvent les faire valoir. Il faut avoir en tête que le réseau THT est une infrastructure critique d’intérêt national régie par des lois fédérales. Swissgrid suit l’ensemble de ces dispositions légales. Mais je peux peut-être comprendre ce sentiment d’injustice face à une loi fédérale que les cantons doivent respecter.

Swissgrid n’est pas une société qui fait du business. C’est une société régulée.

Les indemnisations sont combattues par certains propriétaires, car jugées trop faibles. Et dans le même temps Swissgrid annonce en 2021 un résultat net de plus de 106 millions de francs, vous comprenez que la population trouve ça choquant?

Swissgrid n’est pas une société qui fait du business. C’est une société régulée. Le régulateur fixe le revenu autorisé pour Swissgrid. Le but de la société n’est pas de faire des bénéfices. Elle a pour mandat de la Confédération de mettre à disposition et de gérer le réseau THT.

Swissgrid est la société nationale du réseau de transport de courant. Elle est responsable du réseau électrique suisse à très haute tension. A quoi lui sert cet argent?

L’argent que l’on fait nous permet d’investir dans les nouveaux projets. Sans cet argent on ne ferait qu’emprunter et la société n’aurait pas de stabilité financière.

Photo Sacha Bittel

Si je vous dis qu’au terme de toute cette lutte, Swissgrid laisse un sentiment d’un grand méchant loup en Valais, tout puissant, déterminé et peu conciliant, est-ce que vous êtes conscient de cette image?

Non, je ne partage pas votre vision. Je ne crois pas que nous soyons un grand méchant loup car nous nous sommes toujours efforcés de maintenir le dialogue. Il y a quelques jours j’étais moi-même sur le stand de notre société à la Foire du Valais. Et je crois qu’aujourd’hui les gens s’inquiètent avant tout de l’approvisionnement du pays ces prochaines années.

Bien sûr que l’image compte. Peut-être que nous devons faire plus d’efforts pour donner à comprendre le rôle du réseau de Swissgrid et son fonctionnement.

L’image de Swissgrid auprès de la population compte pour vous ou elle importe peu?

Bien sûr que l’image compte. Peut-être que nous devons faire plus d’efforts pour donner à comprendre le rôle du réseau de Swissgrid et son fonctionnement. On a tendance à oublier pourquoi nous avons besoin de toute cette infrastructure électrique. Une pénurie d’énergie constitue l’un des risques majeurs pour la Suisse, car elle aurait le plus fort des impacts sur l’économie et le bien-être de chacun.

Selon nos informations, la coordination entre les travaux nécessaires du téléphérique Chalais-Vercorin en cours et l’activité de la ligne Chamoson-Chippis est chaotique. Est-ce que les intérêts de l’énergie l’emportent sur le transport régional de voyageurs?

Non. Mais une ligne THT ne se déclenche pas comme ça. On ne peut pas simplement tourner un bouton pour l’éteindre un matin lorsqu’on en a envie. Dans ce cas, nous n’avons pas trouvé la fenêtre pour ces travaux quand ils l’ont voulu. A l’avenir, je pense que les travaux de maintenance courante du téléphérique doivent être mieux coordonnés avec nous, si possible bien à l’avance.

Le réseau stratégique, planifié en 2015, prévoit différents scénarios. Notamment celui d’une explosion de la production solaire en Suisse.

Avec la crise énergétique, les agrandissements de barrages et la construction de centrales solaires sur les alpages sont à l’agenda. Il faudra construire d’autres lignes THT en Valais pour ce courant supplémentaire?

Le réseau stratégique, planifié en 2015, prévoit différents scénarios. Notamment celui d’une explosion de la production solaire en Suisse. Ce réseau est prévu pour absorber la plupart des scénarios et donc exploiter ces centrales.

Chippis: l’assemblée primaire refuse le budget 2023

Faute d’information quant à la subvention cantonale pour la rénovation de l’ancien centre scolaire de Chippis, l’assemblée primaire a refusé le budget 2023 de la commune. Une nouvelle séance sera convoquée.