Fusion: le val d’Hérens va-t-il réagir au vote consultatif de Vex, qui affichait son inclination pour une union de la vallée?

Reportage autour d’une journée de votation sur la commune de Vex. La commune de Vex ne veut pas unir son destin à celui de Sion. Les citoyens se sont prononcés ce dimanche sur le principe d'une fusion de commune. 76% d'entre eux privilégient une alliance avec le Val d'Hérens. Sur l’image, le comité de la jeunesse, actif pour une fusion avec les communes du val d’hérens.
© Louis Dasselborne

Le 27 novembre dernier, l’heure était à la fête pour les jeunes Bacounis opposés à la fusion avec Sion. ©Louis Dasselborne

C’était en mai 2021. La dernière fois que l’ACVH, l’Association des communes du val d’Hérens, prenait officiellement position sur la fusion. Elle avançait que non, le sujet n’était pas d’actualité. Les échecs de mise en commun du tourisme, les différences de santé financière entre les cinq communes, l’incapacité à communiquer au sein des autorités semblaient enterrer l’idée d’un val d’Hérens uni. Ou, du moins, la réduire à une utopie logique mais irrationnelle, cohérente mais insensée.

Certains disaient dommage. Certains acceptaient le caractère impossible d’une union peut-être souhaitable mais pas vraiment souhaitée. D’autres, enfin, et particulièrement des jeunes, osaient encore y rêver.

Les récents événements ont renforcé leur intuition. Dans les urnes, en novembre dernier, la population de Vex déclarait, à titre consultatif, qu’elle était encline à fusionner et que son cœur penchait largement pour le val d’Hérens plutôt que la capitale. Ce scrutin, épié dans le reste de la vallée, marquera peut-être le début d’une véritable et concrète réflexion. C’est la question que nous avons voulu poser aux autorités. Y aura-t-il un «après» vote de Vex?

Des différences d’interprétation

«La commune de Vex enverra prochainement un courrier à l’ensemble des exécutifs de la vallée pour les informer de manière officielle du scrutin du mois de novembre dernier», répond d’entrée le président bacouni Danny Défago. Reste à savoir si cette notification restera lettre morte ou si elle déclenchera une étincelle. «Jusqu’à maintenant, une des communes a toujours fait comprendre qu’elle ne voulait pas fusionner.»

La commune de Vex enverra prochainement un courrier à l’ensemble des exécutifs de la vallée pour les informer de manière officielle du scrutin du mois de novembre dernier.

Danny Défago, président de Vex

Cette commune, c’est Hérémence. Son président Grégory Logean, convaincu que la fusion n’est pas un but en soi, relativise d’ailleurs la votation bacounie du 27 novembre dernier. «A la question «voulez-vous une fusion?» les Bacounis n’y ont répondu favorablement qu’avec 30 voix de différence, ce qui signifie qu’ils n’en veulent pas vraiment.»

A la question «voulez-vous une fusion?» les Bacounis n’y ont répondu favorablement qu’avec 30 voix de différence, ce qui signifie qu’ils n’en veulent pas vraiment.

Grégory Logean, président d’Hérémence

Si l’interprétation est la même du côté du président de Mont-Noble, Danny Défago se voit obligé de les contredire. «Une grande partie du «non» à cette première question était la crainte qu’une préférence pour Sion à la deuxième ne déclenche un processus de fusion avec la capitale.»

Un peu las d’un débat qui semble éternel, le chef de l’exécutif de Vex regrette qu’«on compare aujourd’hui à demain sans être capable de se projeter dans dix ou vingt ans. La seule question qu’on doit se poser, c’est quel est le meilleur modèle pour offrir des prestations de qualité à nos habitants?»

Entre responsabilités et appel à se mobiliser

A Evolène et à Saint-Martin, le résultat de la commune de Vex a été accueilli avec enthousiasme. «Je suis depuis interpellée par des Evolénardes et des Evolénards qui me demandent quelle suite va être donnée», raconte Virginie Gaspoz, présidente d’Evolène. «Et je suis convaincue qu’il est de notre responsabilité désormais de se mettre autour d’une table et d’ouvrir la discussion.» Plutôt que dans le cadre d’un Conseil communal en particulier, le sujet devrait être traité collectivement dans le cadre de l’ACVH ou de la Conférence des présidents du district, en réfléchissant comment intégrer la population.

Je suis convaincue qu’il est de notre responsabilité désormais de se mettre autour d’une table et d’ouvrir la discussion.

Virginie Gaspoz, présidente d’Evolène

Son homologue de Saint-Martin, Alain Alter, qui affiche depuis des années son envie d’une fusion de l’ensemble de la vallée, place de son côté beaucoup d’espoir dans la jeunesse. «Il faut qu’elle se mobilise afin de profiter de ce trend positif pour qu’on puisse aller de l’avant.»

Un alignement des planètes?

Un trend positif, voire un véritable alignement des planètes. La semaine dernière, la vallée découvrait que le processus de fusion engagé entre les communes de Mont-Noble et de Sion était retardé dans le calendrier. La votation populaire, qui devait intervenir cette année, est repoussée à 2025 au plus tôt à cause d’un flou juridique.

Une bonne nouvelle pour le Mouvement citoyen de Mont-Noble, un groupement désireux d’évaluer toutes les variantes de fusion avant de se lancer tête baissée dans un mariage avec la capitale. Une bénédiction pour les défenseurs d’un val d’Hérens uni qui se voient offrir, au travers de cette pause forcée, un délai qui pourrait se muer en opportunité.

A Vex aussi, on s’organise. Cinquante jeunes se sont réunis en association pour inciter au débat et être un interlocuteur de poids dans les discussions.

Reste – toujours – l’inconnue d’Hérémence. Car, si certains voient des signes partout, d’autres jouent aux aveugles. «Aujourd’hui, bien que nous n’ayons pas de sondage pour l’appuyer, je pense que la population d’Hérémence veut privilégier les collaborations intercommunales», souligne Grégory Logean, avant de laisser sous-entendre que la situation pourrait peut-être changer dans dix ou quinze ans.

D’ici là, le train de Mont-Noble aura peut-être passé. Vous l’aurez compris, le compte à rebours est lancé.

Démographie: que faire pour garder ses habitants?

Rentrée scolaire 2017 pour les enfants de la commune de Saint-Martin dans leur nouvelle école au sein de la maison des générations.

Louis Dasselborne/Le Nouvelliste

En 2017, les élèves de Saint-Martin faisaient leur première rentrée dans la Maison des générations. ©Louis Dasselborne

C’est une courbe qui peut occasionner des insomnies à certains présidents ou présidentes. «C’est vrai que notre démographie m’a déjà empêché de dormir, mais plus maintenant», sourit Alain Alter, président de Saint-Martin. Entre 2010 et 2018, Saint-Martin était la commune du canton qui perdait la plus grande proportion de ses habitants. Mais la courbe est aujourd’hui en légère hausse.

C’est vrai que notre démographie m’a déjà empêché de dormir, mais plus maintenant.

Alain Alter, président de Saint-Martin

Une progression qui n’annule en rien les difficultés pour les régions de montagne de garder ses habitants et de les renouveler. Et pour cela dans la vallée, il y a deux modèles.

Des aides par milliers

A Saint-Martin et à Hérémence, on mise sur les aides. Dans la première citée, le soutien à l’achat de terrains constructibles propriété de la commune, à moitié prix pour les jeunes familles désireuses de s’installer sur le territoire dans la durée, viennent s’ajouter à une baisse des impôts et au paiement, par la commune, des primes maladie pour les enfants de 0 à 18 ans.

Même modèle à Hérémence, qui dépassait la barre des 1500 âmes pour la première fois l’année dernière. En plus de la fiscalité la plus basse du canton et des aides sur les factures d’électricité qui ont été indexées de 50% dès 2023, la commune double la subvention cantonale aux logements de montagne pouvant s’élever jusqu’à 50 000 francs pour des constructions ou des rénovations au cœur des vieux villages. «Notre priorité n’est pas de faire venir des gens à tout prix mais de faire en sorte que les jeunes restent afin de maintenir une pyramide des âges diversifiée», souligne Grégory Logean, président d’Hérémence.

Notre priorité n’est pas de faire venir des gens à tout prix mais de faire en sorte que les jeunes restent.

Grégory Logean, président d’Hérémence

Depuis dix ans, la commune hérensarde a ainsi vu la construction de 120 logements en résidence principale.

Des infrastructures de qualité

D’autres communes misent sur la qualité des infrastructures. «Il n’y a pas que la fiscalité qui compte mais les services: crèche, écoles, magasin», marque Bernard Bruttin. Taquin, il ajoute qu’«il y a d’ailleurs une famille d’Hérémence qui est venue s’installer». Dans la commune aux trois villages, Nax, Vernamiège et Mase, particulièrement appréciée des jeunes retraités romands, la démographie est en hausse constante.

Il n’y a pas que la fiscalité qui compte mais aussi les services.

Bernard Bruttin, président de Mont-Noble

En face, Vex a connu un développement sans pareil. Historiquement la moins peuplée de la vallée, la commune est aujourd’hui la seule avec plus de 1800 habitants. Une évolution qu’elle doit à sa proximité géographique avec la capitale. «Si le nombre d’habitants est aujourd’hui stable, probablement en lien avec les zones bloquées, notre population avait doublé en quarante ans», explique le président Danny Défago. A l’image de ses voisines, Vex ne cherche pas à attirer du monde mais à offrir tous les services à sa population.

«Un seul immeuble depuis la lex Weber»

S’il n’est pas alarmant, le constat est inquiétant du côté d’Evolène avec un vieillissement de la population et une démographie en légère baisse. «D’où la nécessité d’investir dans des structures d’accueil de la petite enfance ou un centre médical (ndlr: tous les deux en projet) afin d’éviter que des gens ne renoncent à s’installer à Evolène par manque de places en crèche ou de médecins», résume la présidente Virginie Gaspoz.

Il est nécessaire d’investir dans des structures d’accueil de la petite enfance ou un centre médical afin d’éviter que des gens ne renoncent à s’installer à Evolène par manque de places en crèche ou de médecins.

Virginie Gaspoz, présidente d’Evolène

D’autant que la commune connaît une autre problématique avec un nombre très limité de logements vacants. Un seul immeuble proposant de l’habitat collectif a été construit depuis la lex Weber. «Notre parc immobilier est âgé, pas toujours au goût du jour, avec peu d’objets pour les familles ou alors les propriétaires préfèrent louer leurs biens à la semaine en période touristique», poursuit la présidente. Si la commune peut jouir d’un fort attachement de sa population à son territoire et à ses sociétés locales, l’absences de logements sur le marché est un vrai risque pour l’avenir.

A moins que la solution ne vienne d’ailleurs. Que des changements sociétaux, la normalisation du télétravail par exemple, ne relance l’attractivité du vivre en montagne.

Tourisme: le val d’Hérens a-t-il un grand projet commun pour demain?

Euseigne le, 5 janv. 2023 : Pyramides d’Euseigne.©Sacha Bittel

N’ayons pas peur des mots. La mise en commun du tourisme, sur l’ensemble du val d’Hérens, est une histoire d’échecs. Et d’échecs au pluriel. Depuis le refus du parc naturel régional en 2011, et même avant, toutes les tentatives de réunion au sein d’une même structure ont échoué.

Si Hérens Tourisme a capoté à cinq, elle vit aujourd’hui à trois, avec les communes d’Hérémence, d’Evolène et de Saint-Martin. «Quand Hérens Tourisme a explosé, les trois communes restantes étaient convaincues qu’il ne fallait pas abandonner la marque Val d’Hérens pour autant et qu’une coordination dans la promotion de la destination faisait sens», explique Florian Pannatier, coordinateur d’Hérens Tourisme. Dès cet hiver, les trois offices du tourisme ont d’ailleurs communiqué sous la marque Val d’Hérens dans toutes les campagnes de promotion réalisées hors canton.

Quand Hérens Tourisme a explosé, les trois communes restantes étaient convaincues qu’il ne fallait pas abandonner la marque Val d’Hérens pour autant et qu’une coordination dans la promotion de la destination faisait sens.

Florian Pannatier, coordinateur d’Hérens Tourisme

Satisfaisante à trois

Cette structure à trois satisfait donc l’ensemble des partenaires. «Avoir une promotion commune nous apporte beaucoup et on en est fiers», résume la présidente d’Evolène, Virginie Gaspoz. Même son de cloche du côté de Saint-Martin et d’Alain Alter qui se réjouit, notamment, de l’organisation de la finale nationale des reines de cette année, organisation partagée entre les trois communes.

Grégory Logean, lui, estime toutefois que Vex devrait réintégrer la structure. «Le modèle à trois fonctionne bien et chacun peut mettre en avant ses spécificités, mais Vex, qui plus est depuis l’affirmation de l’attachement à la vallée de la part de sa population, devrait nous y rejoindre», souligne le président d’Hérémence. «Mais c’est à elle de faire le pas.»

Un pas que la commune de Vex voudrait faire, mais de manière saisonnière. «Je reste convaincu qu’on pourrait se mettre ensemble pour le tourisme d’été mais que le cône de Thyon, en faisant partie des 4 Vallées, doit se différencier dans sa promotion du tourisme hivernal», appuie Danny Défago, président de Vex.

Je reste convaincu qu’on pourrait se mettre ensemble pour le tourisme d’été.

Danny Défago, président de Vex

Entre fatalisme et foi

Ressasser les écueils ne nous aide pas à déterminer l’éventuel grand projet commun à la vallée. Si tant est que celui-là soit possible. «Les multiples échecs touristiques et l’incapacité à trouver un dénominateur commun en ont refroidi plus d’un, dont moi», lâche le président de Mont-Noble Bernard Bruttin.

Les multiples échecs touristiques et l’incapacité à trouver un dénominateur commun en ont refroidi plus d’un, dont moi.

Bernard Bruttin, président de Mont-Noble

Florian Pannatier, lui, est moins fataliste. «C’est vrai qu’il est compliqué de trouver un projet fédérateur qui corresponde à tous et qui concerne l’ensemble de la vallée», consent le coordinateur d’Hérens Tourisme, avant d’oser une plaisanterie. «A l’image d’un parc naturel par exemple.»

Avec autant de spécificités qu’il y a de communes, la question des remontées mécaniques à Evolène, les 4 Vallées pour Vex, la gestion de nouveaux lits hôteliers à Hérémence, un tourisme plus doux sur la rive droite, les disparités sont nombreuses. «Mais le touriste, quand il est à La Luette, il n’a aucune idée qu’il est sur territoire de Saint-Martin, qu’il vient de traverser Hérémence et que s’il continue son chemin, il arrive à Evolène.»

La mobilité en chantier

Parce qu’elles font fi des frontières communales, ce sont peut-être dans les routes que réside le projet fédérateur de l’ensemble de la vallée. «L’amélioration de la desserte depuis Sion, mais surtout la création de lignes transversales permettant de relier tous les secteurs pourraient servir autant aux hôtes qu’à la population locale tout en étant vitales pour continuer d’attirer une population citadine qui dispose de moins en moins d’une voiture», conclut Florian Pannatier.

1 semaine dans le val d’Hérens: pour ou contre la fusion des communes? Notre micro-trottoir vidéo

Pour ce deuxième épisode vidéo, nous avons interrogé des Bacounis, Hérémensards et Evolénards sur le futur de la vallée, à travers les éventuelles fusions de communes, et sur l’avenir du tourisme.