«Il fut un temps, on voyait les paysans chasser les campeurs à l’aide de leur fourche!»

A écouter le «sauveteur» des lieux, André Anzévui, plus connu sous le nom de Dédé, nous raconter ses souvenirs, le camping d’Arolla n’a pas toujours été un lieu tranquille et organisé comme il l’est aujourd’hui.

Situé à 1950 mètres d’altitude, le camping est le plus haut d’Europe. J'y ai passé une nuit. Contrairement aux soirées caniculaires précédentes, la nôtre a été humide.

Les quatre campeurs d’un soir. De gauche à droite, Loïc, Carmen, Idan et Ruben. Photo: Loïc Marchand

La rencontre avec Dédé

A notre départ de Neuchâtel, le suspense règne: va-t-on se prendre un orage ou pas? Durant le trajet, Carmen, Idan, Ruben, mes compagnons, et moi observons les nuages noirs à l’horizon, suspendus au-dessus du Valais. Après une heure de route depuis Sion, il est 19h30 à notre arrivée. Le sol est détrempé. Le gros est passé. Ouf.

La Borgne d’Arolla gronde, gonflée par la pluie des dernières heures. Sans réservation, on trouve un coin libre, posté sur l’une des «terrasses» du camping. La réception est fermée. Qu’importe: on peut s’annoncer le lendemain.

Le camping était autrefois un simple champ laissé à l’abandon et squatté par les alpinistes de passage.

André Anzévui, alias «Dédé», observateur du camping depuis ses débuts

La pluie recommence. On remet le montage de nos tentes à plus tard. Direction le restaurant en contrebas: l’Aiguille de la Tza.

On y a rendez-vous avec Dédé. Une légende locale. Le premier et l’unique homme à avoir descendu le versant nord du Cervin à ski (lire l’encadré). Il est 21h lorsqu’un homme franchit le seuil. Une tronche taillée par le froid et les heures passées «là-haut». Pas de doutes, c’est lui. Il nous salue. On l’invite à nous rejoindre autour d’une assiette valaisanne.

Le panneau nous indiquant être au bon endroit. Sur la droite, la rivière, la Borgne d’Arolla, longe le camping. Photo: Loïc Marchand

Un champ en pente et inutilisé

Cyril Debeauvais, le cogérant du camping avec sa compagne, Ambre Georgieff, nous a prévenus peu avant par téléphone: Dédé «a un peu forcé sur l’apéro». A peine assis, Dédé se commande «un ballon d’blanc». «Tu ne vas pas aider les clichés sur les Valaisans», lui fait-on remarquer.

Il rigole, de son rire lent, saccadé et sincère.

Dédé n’a aucune responsabilité dans le camping. Mais ce guide de montagne le connaît depuis ses débuts. Ouvert en 1969, c’était autrefois «un simple champ laissé à l’abandon et squatté par les alpinistes de passage», explique-t-il. «Simone et Francis Follonier ont été les premiers à ordonner cet espace et à unir les paysans du coin autour du projet.»

150 à 200

Le nombre de personnes pouvant être accueillies au camping d’Arolla

Longtemps, les installations du camping étaient minimes. En l’occurrence, une cabane réunissait une cuvette et une douche («froide, très froide», d’après Dédé, un nouveau ballon à la main) reliée à la rivière.

Les «terrasses» ont été réalisées dans les années 1980 par le couple de propriétaire actuel, Marie-Pierre et Joseph Métrailler. S’en sont suivis les sanitaires, avec des douches (munies d’eau chaude) et la réception. Puis, dernièrement, des «Cocoons», sortes de tentes de luxe. A l’heure actuelle, le camping peut accueillir, entre les tentes et les vans, de 150 à 200 personnes.

Une image du camping dans les années 1980. Photo: archives camping Arolla

Camping de haute montagne, pas de plage

On prend congé de Dédé. Il est 22h30. De retour à notre emplacement, on monte nos tentes, au grand désarroi de nos voisins anglophones. «Come on guys! Do you know the laws?!»

Nos excuses sont veines. «Ah, les joies du camping», se dit-on.

Il ne faut pas oublier que cet espace est situé en haute montagne. Par définition, cette zone est instable, incertaine et imprévisible.

Cyril Debeauvais, cogérant du camping d’Arolla

La pluie ne cesse pas durant la nuit. Elle varie. A notre lever, nos tentes nous permettent de profiter du bruit des gouttes s’écrasant sur leurs toiles. Si on est équipés, d’autres ne le sont pas toujours.

«Certains débarquent avec un T-shirt, un short et des schlaps», sourit Cyril Debeauvais, que l’on retrouve pour le café. «A la limite, ils ont pris un pull avec eux, au cas où. Il ne faut pas oublier que cet espace est situé en haute montagne. Par définition, cette zone est instable, incertaine et imprévisible.»

Presque emporté

Il y a trois ans, le camping a failli être emporté par une lave torrentielle. «J’ai voulu aller couper le courant», explique Cyril Debeauvais. «Lorsque je suis arrivé sur place, la cabane abritant le tableau électrique n’était plus là.» Quelques mètres plus loin, une grosse pierre était apparue. «J’ai vite fiché le camp.»

«Dès qu’on a été averti, j’ai voulu appeler Dédé», lance Ambre Georgieff. «Le temps de sortir mon téléphone de ma poche, il était déjà devant moi, en train de klaxonner dans son pick-up.» 15 minutes plus tard, le camping était évacué, avant même l’arrivée des secours.

La pierre amenée par la lave torrentielle, en 2019. Photo: Loïc Marchand

Dédé nous parle de «son» camping (vidéo: Loïc Marchand)

Une nuit au camping: à 1950 m, Arolla est le plus haut d’Europe

Situé à 1950 mètres d’altitude, le camping d’Arolla est le plus haut d’Europe. On y a passé une nuit et rencontré une légende locale autour d’une boisson traditionnelle.