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Exposition à Sierre: les lettres de Rainer Maria Rilke en temps de pandémie

Onze missives rédigées par le poète Rainer Maria Rilke lors de l'épidémie de la fièvre aphteuse il y a cent ans sont exposées à Sierre.

17 déc. 2020, 14:35
L'exposition retrace l’expérience vécue par Rilke lors d’une épidémie il y a cent ans.

En 1920, alors que la fièvre aphteuse isole encore plus Rainer Maria Rilke reclus dans un château zurichois, celui-ci y voit une chance de retrouver l'inspiration. Cent ans plus tard, le musée dédié au poète expose en Valais ses lettres écrites durant cette période.

Choisies parcimonieusement par la Fondation Rilke située à Sierre, ces onze missives donnent à voir des bribes du quotidien de l'artiste alors qu'il vit à Berg am Irchel et que la fièvre aphteuse fait rage. Traduites pour la première fois en français, elles ont aussi été intégrées à un ouvrage collectif intitulé «Comment faire?», qui s'interroge sur la pandémie provoquée par le coronavirus, publié aux Editions du Seuil.

 

Traduites en français, les lettres sont intégrées à l’ouvrage «Comment faire?». © KEYSTONE

 

«Les gens ont besoin de donner forme à ce que nous vivons en ce moment. Pouvoir lire de quelle manière un poète parle d'une expérience similaire aide à donner un sens à la sienne», explique à Keystone-ATS la curatrice et directrice de la Fondation Rilke Brigitte Duvillard. C'est pour cette raison qu'elle les a soumises à la maison d'édition française après les avoir traduites.

«Jardinage intérieur»

D'autant que Rainer Maria Rilke apprécie particulièrement la solitude accrue qui résulte des mesures sanitaires prises à l'époque. «Jamais prisonnier n’était plus reconnaissant de sa réclusion», écrit-il par exemple. Il espère même en profiter pour terminer ses élégies entamées à Duino en 1912. «J’ai du silence et du travail», résume-t-il.

Le poète rigole aussi de cette «barbe sauvage qui lui tombe du menton et des joues», voyant cette «fourrure d’hiver hérissée» comme un rempart supplémentaire favorisant une «réclusion telle, exagérée si l’on veut, pour quelque temps. Je dois être sûr que pendant un certain temps rien, sauf ce qui provient de la nature ou serait le résultat d’incommensurables mouvements au dedans, n’y pénètre, que rien ne soit ajouté.»

S'il ne met pas encore ces mots-là noir sur blanc, il parlera plus tard de «jardinage intérieur», explique Brigitte Duvillard. Pour le poète autrichien, «nous sommes entourés d'invisible et le maintien d'une vie intérieure est capital», explique la curatrice.

Vitrine visible tout l'hiver

«Etonnamment, Rilke n'aborde pas la grippe espagnole dans ses missives alors qu'elle sévit à la même période», raconte la directrice. Sans doute parce qu'elle n'a pas eu d'impact direct sur son quotidien, contrairement à la fièvre aphteuse. «En se rendant à Zurich, le poète a passé des postes de contrôle, et ses sorties seront ensuite limitées au parc du château», souligne-t-elle.

Hautement contagieuse, la fièvre aphteuse est l'une des plus graves maladies virales qui touchent les animaux de rente. Si elle n'est pas dangereuse pour l'être humain, ce dernier participe à sa propagation. En 1920, des sentinelles postées à l'entrée de communes désinfectent chaussures et vêtements des passants. Ceux-ci doivent aussi donner le but de leur voyage, «sous peine d'être impitoyablement refoulés», lit-on dans la légende d'une photo présentée à Sierre.

L'exposition est visible depuis avril à Sierre. «Nous avons décidé de prolonger sa tenue tout l'hiver à la demande des visiteurs», en pointant du doigt la vitrine qui contient les documents et quelques photos d'époque. Avec la publication des lettres de Rilke dans le recueil du Seuil, les intéressés sont plus nombreux et plus internationaux, glisse-t-elle avant de se réjouir de la réouverture du musée cette semaine et de la décision du canton d'élargir au dimanche et jours fériés leur accès.

Le séjour zurichois du poète dure six mois jusqu'à ce que le château soit vendu, et le silence rompu par l’établissement d’une scierie bruyante à proximité. Rainer Maria Rilke s'installe ensuite à Veyras, au château de Muzot, à la fin de l’été 1921, où il parvient à finir enfin son œuvre maîtresse que sont les «Elégies de Duino».

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