«Merci pour toutes ces années de bonheur que vous nous avez offertes.» C’est avec ces mots pleins d’émotion qu’une participante à la rencontre des lecteurs du «Nouvelliste» avec Casal a conclu le moment partagé ce samedi à la Foire du Valais.

Le dessinateur et caricaturiste, qui vient de prendre sa retraite après plus de quarante ans de service, s’est dévoilé avec humour, pudeur et tendresse. Il est passé sans tabou du sujet de la censure à des thèmes plus personnels, comme le cancer qu’il a traversé en 2012. Casal a séduit son auditoire par sa sincérité et sa grande humanité.

Depuis l’avènement des réseaux sociaux, il y a une déferlante contre les humoristes caricaturistes. Certains sont même menacés de mort. Que peut-on faire contre cela?

Il faut changer les politiques. Tous. Il y a un tel laxisme aujourd’hui; il faut que cela change. De mon côté, je pratique l’autocensure.

Mais, comment faire pour changer les politiques?

Il y a 1000 solutions, comme la radicale. (Rire de l’assistance.) Surtout, il faut prêter attention aux personnes pour lesquelles on vote, il faut élire des gens capables et non pas voter pour une couleur.

C’est rare qu’un de mes dessins soit refusé. Je m’autocensure déjà. Je suis un peu flemmard et ne veux pas travailler dans le vide.

Avez-vous déjà eu des menaces de mort en raison d’une caricature?

Pas des menaces de mort, mais des avertissements, comme avec les Israéliens par exemple. Dans ma vie, j’ai fait trois dessins concernant la religion juive. Au troisième, on m’a averti qu’il ne fallait plus en faire.

Vous avez également eu affaire à l’UBS…

Oui, cela s’est passé à l’époque de la fusion de l’UBS et SBS en 1997. Le nouveau directeur de l’UBS à Sion avait découpé les 17 dessins que j’avais faits sur le thème et convoqué une partie des chefs et de la rédaction pour dire que ce n’était pas de la caricature, mais de l’acharnement. Si l’UBS est tombée, c’est donc à cause de moi, sachez-le. (Sourire ironique.)

Sylviane Chevrier a pu repartir avec une caricature réalisée par Casal exprès pour elle à la Foire du Valais. Photo: Sacha Bittel

Avez-vous déjà eu des dessins refusés par le «Nouvelliste»?

Oui. Le plus célèbre est celui qui a été refusé par Jean Bonnard qui était alors rédacteur en chef. A cette époque, Christophe Blocher avait proposé de n’accorder qu’un franc symbolique à Suisse Tourisme. J’avais représenté un gros caca en forme de Cervin; on voyait aussi le derrière de Blocher. Cela n’a pas passé. C’est rare qu’un dessin soit refusé car je m’autocensure déjà. Je suis un peu flemmard et ne veux pas travailler dans le vide.

Le jour où vous ne savez pas de quoi parler, vous avez toujours Constantin…

Non, j’ai le loup pour cela. Il me sauve chaque fois que je n’ai pas d’inspiration. C’est pour cela que je l’aime.

Quand le loup est-il arrivé sous votre crayon pour la première fois?

C’était lors de l’affaire du loup du val Ferret dans le milieu des années 90. C’est le premier qui avait commencé à se nourrir des moutons. Les politiques auraient dû le castrer lors de la première meute et il n’y en aurait plus aujourd’hui.

Le loup me sauve chaque fois que je n’ai pas d’inspiration. C’est pour cela que je l’aime.

Quelle est la différence entre le 1er degré et le 2e degré dans la caricature?

C’est la manière dont les gens perçoivent le dessin. Il y a des personnes qui ne voient que le 1er degré et ne perçoivent pas qu’il y a quelque chose derrière. Elles se sentent tout de suite attaquées. Mon but a toujours été de faire rire les gens, même pour des sujets graves. Si celui qui découvre mon dessin le matin en allant travailler rigole, j’ai fait ma journée. Personnellement, par année, je ris peut-être de dix de mes dessins, pas plus. Mais je suis content de m’en être bien sorti.

La rencontre entre les lecteurs et Casal était empreinte d’émotion, le dessinateur faisant ses adieux à tous ses fans. Photo: Sacha Bittel

Cela nourrit bien son homme d’être dessinateur de presse?

J’en ai bien vécu à une période où ça allait bien, ensuite il y a eu quelques soucis. C’est monté et redescendu. J’ai commencé sous la direction d’André Luisier avec un salaire de 900 francs par mois à plein temps. Le salaire le plus haut que j’ai touché, c’est 8000 francs par mois.

Depuis neuf ans, vous vivez en Espagne, d’où vous réalisez vos dessins. Pourquoi être parti du Valais?

En 2012, on m’a annoncé que j’avais un cancer T4, cela voulait dire que j’allais mourir. Tant qu’à mourir, autant mourir au chaud. J’ai demandé au conseil d’administration du «Nouvelliste» si je pouvais dessiner à distance. Il a accepté. Aujourd’hui, je crois que le cancer m’a foutu la paix. J’ai eu les meilleurs médecins du monde à Genève.

Dessiner à distance, était-ce plus difficile?

Cela ne change rien. J’avais mon cerveau connecté au Valais pendant ces neuf ans. Cela m’a permis de regarder la bulle depuis l’extérieur; on peut aussi faire des comparaisons. En Espagne les gens ont entre 900 et 1000 euros de salaire. Ils ont une autre façon de se battre pour la vie.

A quel âge étiez-vous arrivé en Valais?

Je suis né au Maroc, car mon père devait fuir le franquisme en Espagne. Nous sommes arrivés en Valais quand j’avais 4 ans. Mon papa est mort dans la catastrophe de Mattmark en 1965; j’avais 8 ans. Il avait demandé à ma mère de toujours rester en Suisse: elle a dû se battre seule ici.

Casal n’a évité aucun sujet, parlant avec toute la sincérité qui l’incarne, devant des lecteurs admiratifs. Photo: Sacha Bittel

Y a-t-il un sujet que vous regrettez d’avoir traité?

Je ne crois pas. Ce serait marqué. Mais, le lendemain du jour où j’ai fait un dessin, je me dis toujours que j’aurais pu faire mieux.

A-t-on essayé de vous débaucher?

Au tout début. Le «Walliser Bote» voulait m’engager.

Vous travailleriez différemment pour ce journal?

Certainement. Là-haut, il y aurait eu plus de liberté au point de vue des idées, des attaques des gens. Les Haut-Valaisans sont plus rock’n’roll; ici, on doit toujours faire attention à ce que l’on fait.

Qui avez-vous aimé le plus dessiner?

Je les ai tous aimés. J’aime bien Couchepin. Comme Constantin. J’ai bien aimé représenter Serge Sierro aussi. Ma caricature de lui avait été utilisée dans une manifestation contre Education 2000. Celui qui a le moins aimé mes caricatures, c’est Claude Roch, c’était un introverti.

Je ne sais pas si je vais encore dessiner. Ce ne sera pas pour moi en tout cas.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut devenir caricaturiste dans un journal?

Il faut déjà qu’il trouve un journal qui l’engage ou alors, il a un talent exceptionnel. Mais le talent, ça se travaille. Et puis, la meilleure formation, c’est la vie. J’ai eu une période d’alcoolisme avant de venir au «Nouvelliste» où je faisais des caricatures sur les tickets des bistrots et me faisais payer les bières comme cela. J’ai ensuite rencontré Bernard Luisier, le fils d’André Luisier, qui a cru en moi.

Qu’allez-vous faire de votre retraite? Dessiner pour vous?

Je ne sais pas si je vais encore dessiner. Ce ne sera pas pour moi en tout cas. Si c’est pour moi, je peindrai plutôt des tableaux. Et puis, j’ai la musique pour m’exprimer. Hendrix est celui qui a remplacé un peu mon père. Quelque part, je me suis identifié à lui.

Les caricatures ne vont pas vous manquer quand vous regarderez l’actu?

Je ne regarde plus l’actu. Je coupe la radio.

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