Les exploitations agricoles s’étendent généralement à l’extérieur, sur de vastes surfaces horizontales. Avec la start-up Swiss Vertical Farm, sise à Charrat, notre champ… référentiel est un peu bousculé. Ici, le potager est en effet positionné à la verticale, compact et placé à l’intérieur, directement au cœur de l’habitat (dans le salon, la cuisine, la cave…). Des LED se substituent pendant 8 à 9 heures au soleil afin d’assurer un bon rendement. Bienvenue en terres agricoles urbaines!
De la terre, vous n’en verrez toutefois pas dans cette ferme 2.0. On utilise ici l’hydroponie, c’est-à-dire une culture de plantes réalisée sur un substrat neutre et inerte, en l’occurrence à base de bouteilles en PET recyclées. L’ensemble est placé dans une tour d’environ 1,5 mètre faite de plastique, lui aussi recyclé. A son sommet, un système de goutte à goutte, mélange d’eau et de nutriments naturels (potassium, nitrate…). Les gouttelettes coulent dans le substrat dans lequel les plantes ont fait racines, avant d’être récupérées dans un réceptacle situé au pied de l’installation. Ensuite, sous l’effet d’une pompe, elles sont renvoyées vers le sommet, et c’est reparti pour plusieurs cycles!
Des économies à long terme
Grâce à des capteurs et un micro-ordinateur, la Swiss Vertical Farm est parfaitement autonome. «Notre système en circuit fermé évalue la quantité de nutriments qui doit être mise dans le bac en fonction de l’état de croissance des plantes, détaille Johnny Duarte, l’initiateur du projet. Comme l’ensemble est automatisé, le propriétaire du jardin suspendu, modulable suivant le nombre de personnes présentes dans le ménage, n’a presque rien à faire.» Il dispose toutefois d’une application dédiée qui l’alerte sur l’insuffisance d’eau ou de nutriments – la mise à niveau se fait par l’ajout des minéraux et oligo-éléments manquants, qui se trouvent dans les bouteilles livrées avec le kit de culture. Son autre tâche consiste à repiquer de nouveaux plantons après 3 ou 4 mois d’utilisation. «Nous vendrons des plantes locales à 3,50 francs pièce, précise l’inventeur valaisan. Même si le coût initial d’investissement est assez conséquent (890 francs pour le modèle de base, ndlr), il est vite amorti et revient au final moins cher à long terme qu’un approvisionnement en grandes surfaces.»
Bénéfique au consommateur et à la planète
Hormis l’autonomie offerte par ce système durable et les économies à faire, le consommateur bénéficie également d’une plus grande transparence quant à l’origine du produit qui finit dans son assiette, d’une qualité et d’une fraîcheur constantes des végétaux, de surcroît à portée de main, disponibles toute l’année et certifiés sans OGM ni pesticides. «Comme la culture n’est pas pratiquée en terre, je ne peux pas revendiquer l’appellation bio, mais nous n’utilisons aucune chimie, précise-t-il. Mes fruits, herbes et légumes répondent en outre à une demande des consommateurs, qui désirent manger de tout, comme par exemple des fraises, à longueur d’année.»
La planète, elle aussi, dit merci à Swiss Vertical Farm. L’arrosage en circuit fermé permet de faire baisser de 90 % la quantité d’eau nécessaire par rapport aux méthodes agricoles classiques. Johnny Duarte donne l’exemple d’une laitue. Dans une ferme traditionnelle, on a recours à 11,5 litres d’eau, alors qu’en ferme verticale, cela se limite à 0,5 litre! Exit, en plus, le risque d’éventuelles contaminations de sources d’eau ou encore l’impact conséquent lié au transport de nourriture. On serait tenté de dire que ce projet semble couler de source! «J’espère que mon invention permettra un changement de paradigme, notamment en limitant le gaspillage», note Johnny Duarte.
L’entrepreneur est toutefois confronté à un problème de taille: son potager vertical ne fonctionne bien évidemment pas avec les arbres fruitiers et les végétaux racinaires, comme les carottes ou les patates. «On se borne aux petits fruits, aux herbes aromatiques et à certains légumes, comme les salades, concède-t-il. Mais cela permet déjà d’avoir une indépendance alimentaire intéressante à l’égard de certains aliments.»
L’avenir? Finaliser le design des tours et le packaging, puis lancer la commercialisation avant la fin de l’année – les précommandes sont en revanche déjà possibles. Avis aux jardiniers urbains.
Frédéric Rein