Dans la ville malienne de Kangaba, au bord du fleuve Niger, se dresse une case sacrée appelée Kamablon. Inscrite depuis 2009 sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO, elle abrite depuis la nuit des temps, tous les sept ans et justement en ce mois d’avril 2019, une importante cérémonie organisée à l’occasion de la réfection rituelle de son toit de chaume. Dans un long récit qui dure toute une nuit, un maître de la parole y déclame l’épopée de Sunjata Keïta, créateur et premier législateur de l’Empire du Mali au XIIIe siècle. L’histoire revêt alors pour le peuple malinké la dimension sacrée d’un mythe identitaire: pas question de l’enregistrer ni de la filmer!
Pour comprendre cet interdit, il faut savoir que dans cette culture-là, on considère la parole comme une matière chargée de force vitale, au même titre que le bois, le fer ou le feu. Il...