Ils n’ont jamais été ouverts. Des cadeaux, des petits œufs en chocolat, déposés avec amour dans les chambres des enfants. Il y a eu Noël. Sans eux. Nouvel-An, Pâques, un anniversaire, le coronavirus, le confinement. L’automne, l’hiver, le printemps. Sans eux. «On m’a enlevé une énorme partie de moi.» Francesco Supino est un papa touché en plein cœur. Par l’insupportable, par l’incontrôlable.

Un jour, à l’aube de novembre 2019, les mots résonnent. Implacables. «On ne sait pas où sont vos enfants.» Enzo et Denisa ne sont pas à l’école. Les petits Valaisans au visage d’ange ont alors 9 et 7 ans. «Je ne me souviens pas de la première heure. J’ai un trou noir.» Francesco Supino et sa compagne actuelle Giselle Musella se rendent au poste de police. C’est le cauchemar. Le vrai, celui qui ne s’arrête pas quand on ouvre les yeux. Le «fait divers qu’on voit à la télé».

Je ne me souviens pas de la première heure. J’ai un trou noir.

Francesco Supino, papa d’Enzo et de Denisa, enlevés par leur maman

Un enlèvement planifié

L’attente qui creuse les viscères, l’enquête, les premières réponses: Enzo et Denisa ont été enlevés par leur maman. L’ex-épouse de Francesco Supino et son conjoint, un demandeur d’asile algérien, se sont envolés avec eux, vers son pays d’origine à lui. Selon l’enquête de police, citée par la RTS et la SRF qui ont révélé l’affaire, l’enlèvement était planifié. Peu de temps avant la disparition, 170 000 euros avaient été transférés à Annaba.

Sorin, séparé de son frère et sa sœur

Depuis, l’ex-femme a envoyé, à deux reprises, de toutes maigres nouvelles à sa propre mère, la grand-maman des enfants. Avant de ne plus jamais donner signe de vie. Elle a laissé derrière elle un ex-mari rongé par le manque et l’incompréhension. Elle a laissé derrière elle son troisième enfant, Sorin.

Sorin, c’est un brave garçon de 9 ans à l’innocence fanée. Un petit gars terrassé par la tristesse: «Quand Enzo et Denisa sont partis, je pleurais tout le temps. J’ai peur qu’ils ne reviennent pas. Je suis trop malheureux», confie-t-il, assis sur son lit, à Sierre. S’il avait une baguette magique, il les ferait apparaître là, tout de suite, dans sa chambre.

Sorin, son papa Francesco Supino et sa compagne Giselle Musella, entourés des cadeaux de Noël qu’Enzo et Denisa n’ont jamais ouverts. Photo: Héloïse Maret

Changement de comportement

Atteint d’autisme, Sorin a un peu de mal à faire face au changement. Et, des mois avant le drame, les choses avaient déjà changé dans la famille. Après sa séparation d’avec Francesco Supino en 2017, la maman a rencontré son nouvel amant, en 2018. Convertie à l’islam et voilée, elle est devenue plus distante. «Elle se positionnait plus en retrait et baissait les yeux devant les hommes», racontent Francesco Supino et Giselle Musella. Les rapports entre le couple et le papa se dégradent. Jusque-là, la garde alternée d’Enzo et de Denisa, trois week-ends sur quatre chez leur père, se déroulait plutôt bien.

Au printemps 2019, le dimanche de Pâques, le conjoint de l’ex-femme agresse Francesco Supino à la matraque. «C’était le début de la descente aux enfers», raconte-t-il. Les douleurs ne passeront jamais. On lui diagnostique une algodystrophie, qui lui fait perdre une partie de la mobilité de son bras. Après une bataille juridique où des plaintes sont déposées des deux côtés, le calme revient très brièvement… Puis, c’est l’enlèvement.

L’amour s’est transformé en haine. J’aimerais qu’elle ramène Enzo et Denisa. Si elle veut rester où elle est, qu’elle y reste.

La maman de l’ex-épouse, grand-mère d’Enzo et Denisa

«J’ai tout cru, je n’ai rien vu venir»

Démunie, la maman de l’ex-femme est persuadée que sa fille a choisi de vivre «cette vie de femme musulmane qu’elle désirait». Elle raconte des derniers mois où les rencontres se faisaient rarissimes. «Je pense qu’elle savait qu’elle allait partir. Elle m’a dit qu’elle déménageait à Martigny, qu’elle avait besoin d’argent pour acheter un appartement là-bas. J’ai tout cru, je n’ai rien vu venir.» Tout en émotion, elle confesse: «Je suis en colère. L’amour s’est transformé en haine. J’aimerais qu’elle ramène Enzo et Denisa. Si elle veut rester où elle est, qu’elle y reste».

Francesco Supino a écrit des mots pour ses enfants. Un sobre exutoire pour un papa brisé. Photo: Héloïse Maret

Parler fort pour qu’ils l’entendent

Aujourd’hui, sur le plan juridique, la situation est compliquée malgré le fait que le papa vienne d’obtenir la garde exclusive d’Enzo et de Denisa. Le Département fédéral des affaires étrangères et la fondation Missing Children Switzerland s’activent au niveau diplomatique (voir encadré).

Francesco Supino a, lui, décidé de parler haut et fort. Contact avec des journalistes, page Facebook, publications, partages: il veut raconter son histoire pour que les choses bougent peut-être plus rapidement sur le front international. «On ne souhaite pas faire du buzz. On ne fait pas du buzz avec des enfants.»

Aussi, et surtout, il désire ardemment que sa voix voyage loin, jusqu’à tout là-bas, jusqu’aux petites oreilles d’Enzo et de Denisa. «Je veux qu’ils voient que papa les cherche, qu’il fait ce qu’il a promis de faire: être toujours là pour eux. Je veux qu’ils sachent que je n’arrêterai pas. Tant que j’arriverai à respirer, je ferai tout ce que je peux pour les ramener.»

Casse-tête diplomatique

Enzo et Denisa ne peuvent pas être «simplement» ramenés en Suisse. En effet, l’Algérie n’a pas signé la convention de La Haye, qui porte sur la protection des enfants. «Elle prévoit des accords internationaux pour régler ce genre de cas», précise Lucie Zimmitti, directrice générale de la fondation Missing Children Switzerland. Pour le moment, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) assiste Francesco Supino dans le cadre de la protection consulaire. «L’ambassade de Suisse en Algérie est en contact avec les autorités locales compétentes», confirme Pierre-Alain Eltschinger, porte-parole du DFAE, qui ajoute que, pour des raisons de protections des données et de la personne, aucune information supplémentaire ne peut être donnée. La prochaine étape serait la localisation de la maman pour lui notifier la perte de la garde de ses enfants. A ce moment-là seulement, un mandat d’arrêt international pourra être établi.

Kidnappés par leur mère en 2019, deux enfants valaisans retrouvent leur père

Le 31 octobre 2019, ses enfants ont été enlevés par leur mère et emmenés en Algérie. Après presque 3 ans de calvaire, Francesco Supino, papa Sierrois, annonce enfin leur retour.