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Coronavirus: "le repli forcé du prisonnier". Par Johan Rochel

Une douzaine de personnalités issues de générations, de milieux socio-professionnels différents livrent pour "Le Nouvelliste" leurs pensées sur l’impact social de l’expérience collective que nous vivons, et sur le temps d’après, quand la vie reprendra, sans doute différemment d’avant.

09 mai 2020, 12:00
Johan Rochel, Dr. en droit et éthicien.

Durant les six dernières semaines, d’autres ont décidé pour nous un repli forcé. Certains des soucis habituels ont disparu pour laisser la place à de nouvelles questions. Pas de planification pour les sorties du week-end, pas de coordination avec les grands-parents, pas d’agenda familial surbooké pour tenter de satisfaire tout le monde. Une grosse partie de l’effort permanent de coordination s’est évaporée. D’autres soucis ont pris le relais: peur pour les proches, stress professionnel, tensions familiales. 

La sortie du confinement amorce la fin de ce repli forcé et de la pause sociale qui l’accompagnait. Alain Berset et Daniel Koch ne décideront plus pour nous, la balle revient dans notre camp. Mais il n’y a pas de retour à la normale, il ne suffit pas de sortir l’agenda et de commencer à planifier les retrouvailles familiales et amicales. Nous devons apprendre à gérer une incertitude face à laquelle nous n’avons presque aucune expérience: la possibilité d’être un danger les uns pour les autres, particulièrement pour les proches.

Nous sommes devant le défi d’organiser et de coordonner nos vies sous la menace de répandre la maladie et de semer la mort. La formule peut paraître terrible, mais elle a le mérite de la clarté. Les arbitrages que nous faisions au quotidien, sans même y prendre garde, sont remis en question de manière brutale. La visite aux grands-parents, aux parents, aux amis est autorisée, mais elle devient simultanément une question épineuse, à la limite du dilemme. Durant les six dernières semaines, l’autorité sanitaire a répondu à cette question pour nous. Aujourd’hui, nous sommes seuls pour faire face à ce défi. 

 

Dans cette situation inédite, nous devons plus que jamais renouer avec le vivre-ensemble
Johan Rochel, Dr en droit et éthicien

 

Dans cette situation inédite, nous devons plus que jamais renouer avec le vivre-ensemble. Evoluer comme des îlots isolés peut fonctionner durant quelques semaines, mais pas durablement. Nous devons accepter avec l’idée que la vie en famille, en société, en un mot en groupe, comporte des risques. Cela nécessite de désapprendre la certitude que tout est sous contrôle. Pour beaucoup d’entre nous, c’est une expérience nouvelle, un caillou lancé dans une étendue d’eau qui paraissait maîtrisée. Pour d’autres, c’est un facteur d’incertitude en plus, dernier venu d’une longue liste de problèmes et de soucis. Cette expérience sera pénible pour tous, porteuse de doutes et d’interrogations.

La bonne nouvelle, s’il en fallait une? Un exercice forcé d’empathie. Quand la sécurité, la solidité et l’assurance de nos vies se craquellent, nous faisons l’expérience de la vulnérabilité pour soi et pour les autres. Nous pourrions sortir grandis si cette expérience nous aide à mieux comprendre à quoi ressemble le quotidien de ceux qui n’ont pas les moyens de planifier leur existence pour des raisons médicales, économiques ou sociales. Faisons le pari que la vulnérabilité crée des liens.

Johan Rochel, Dr en droit et éthicien, Monthey/Zurich

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