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La Grande châsse de l'Abbaye de Saint-Maurice dévoile ses secrets

Le reliquaire qui contient des ossements du saint patron de la ville de Saint-Maurice est en cours de restauration. Les premières observations ont déjà permis de revisiter certaines hypothèses historiques.

25 juil. 2017, 15:21
/ Màj. le 25 juil. 2017 à 17:00
Pierre Alain Mariaux, professeur à l'Institut d'histoire de l'art et muséologie à l'université de Neuchâtel, et Denise Witschard, conservatrice-restauratrice, passent beaucoup de temps à observer et analyser les détails.

Abritant une partie des ossements du saint patron de la ville, la Grande châsse de l’Abbaye de Saint-Maurice pourrait être plus vieille de quatre siècles qu’on ne l’imaginait. Jusqu’ici, la plupart des historiens attribuaient sa réalisation à l’abbé Pierre Maurice Odet, au XVIIe siècle.

Mais les premières observations réalisées dans le cadre de sa restauration mettent à mal cette hypothèse, dévoilant le caractère composite de l’objet. «Nous sommes de plus en plus convaincus que les reliefs de style roman, le pignon gothique orné d’une figure de la Vierge en trône, les plaquettes niellées et filigranées et les pierres précieuses pourraient avoir été assemblés dans le cadre d’une seule campagne, vers 1225 - 1230», relève Pierre Alain Mariaux, professeur en histoire de l’art du Moyen Âge à l’Université de Neuchâtel et conservateur bénévole ad interim du Trésor depuis 2015.

 

Une fois désolidarisées du coffre en bois, les pièces déposées sont étiquetées. © Héloïse Maret

 

Depuis le début de l’année, le reliquaire – l’une des trois châsses que compte le Trésor - a quitté la vitrine qui était la sienne dans le parcours de visite pour rejoindre l’atelier du monastère où elle va bénéficier d’une cure de jouvence. 

La tâche qui occupe la conservatrice-restauratrice Denise Witschard et son successeur annoncé Romain Jeanneret devrait durer trois ans. La première phase a concerné le pignon de la Vierge, passablement dégradé avec notamment un bras déjà cassé par deux fois. Pas moins de trente clous en fer (plus de 200 au total sur cette face) ont été ôtés pour désolidariser la plaque en argent du coffre en mélèze, appelé âme. «Rouillés, ils cèdent quasiment tous. Nous les remplacerons par des clous en argent», précise la responsable. 

Le « déshabillage » de ce petit côté étant achevé, le binôme se penche actuellement sur l’une des deux faces latérales, aussi en mauvais état. 

Travail d’apothicaire

La mise à nu de l’âme relève d’un véritable travail d’apothicaire. Chaque acte est consigné dans un carnet et des photos prises systématiquement. Les pièces numérotées et étiquetées sont placées sur des reproductions, où figure aussi l’ordre de cloutage. Même la poussière est récupérée.  «Nous ne savons pas pour l’heure jusqu’où portera notre intervention, et si elle s’étendra ou non à la totalité du reliquaire. Le programme évolue en fonction de ce que nous découvrons.»

 

Les experts se penchent actuellement sur l'une des faces latérales. © Héloïse Maret

 

Une fois le démontage terminé, les éléments déposés seront nettoyés au pinceau électrolytique, une technique développée par l’atelier agaunois et la Haute Ecole ARC à Neuchâtel. Les soudures à l’étain effectuées au fil du temps, qui peuvent rendre l’argent fragile, seront traitées. «Nous chercherons à élaborer un protocole qui puisse être reproduit.» 

Comme une enquête policière

Hormis ces soins nécessaires pour corriger les dégradations dues au temps et à l’usage, les travaux en cours en cours doivent aussi permettre une meilleure compréhension matérielle de l’œuvre. «Notre connaissance documentaire de cette pièce remonte au XVIIe siècle, pas plus loin», reprend Pierre Alain Mariaux. «Avant même de débuter, nous avons passé tout un mois à l’observer et nous continuons à le faire au fur et à mesure de l’avancement des opérations. Enormément de détails apparaissent.»

Leur analyse, l’étude de la technique, de l’histoire, de l’iconographie et l’interprétation des altérations se font avec le concours d’un comité scientifique. «Ses membres soulèvent des questions et émettent des suggestions, apportant un regard différent», reprend le professeur. «Un peu comme dans une enquête policière, nous cherchons à établir les faits les plus sûrs pour élaborer un scénario raisonnable.»

Une petite période de "purgatoire"

Contemplant le reliquaire en partie dénudé, le chanoine Olivier Roduit se montre serein, évoquant une «petite période de purgatoire nécessaire» pour lui redonner un éclat nouveau et mieux cerner les étapes de sa fabrication. «Science et foi ne s’opposent pas, bien au contraire», relève le procureur. «Plus on va de l’avant, plus on retrouve l’intention première de ceux qui l’ont conçu.»

La restauration est chiffrée à 665'000 francs. Une somme prise en charge par l’Abbaye, qui est à la recherche de fonds.  
 

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