«Il faut que je fasse attention à ne pas faire trop long cet après-midi à la Foire du 31 décembre à Monthey: ce soir j’ai du monde à la maison.» A elle seule, cette phrase résume bien l’ambiance – et les dangers – du rendez-vous annuel le plus important de la cité chablaisienne avec, bien entendu, son fameux carnaval.

Car participer à cette manifestation organisée à quelques heures du réveillon, c’est prendre le risque de rater le vrai passage du jour de l’an, lors des douze coups de minuit… et de laisser Madame seule au salon avec sa coupe de champagne, occupé que vous êtes à dissiper dans les bras de Morphée les effluves d’une journée quelque peu chargée.

Vétérans de la Foire

Cependant, il est possible d’éviter ce naufrage, à entendre le témoignage de quatre copains, véritables vétérans de la Foire.

Encore une fois, Samuel Cottet, Yves Tagan, Jean Bugna et Nicolas Défago ont survécu à cette traversée de la place Centrale.

Monthey - 31 décembre 2022 - Foire du Nouvel An.

Après les années Covid, le retour de la Foire du 31a vu la foule se presser à Monthey. Sabine Papilloud

Né à la fin des années 60, ce quatuor montheysan habite aujourd’hui la région. «On est tous bourgeois, mais moi de Troistorrents», tient à préciser Yves Tagan. Pour un Valaisan, ce distinguo peut sembler risible, mais dans le Chablais, il résume bien l’esprit très local de la Foire du 31.

On y vient depuis nos 15 ans.

Nicolas Défago, un habitué de la Foire du 31

En effet, hormis les citadins des bords de la Vièze, la manifestation regroupe essentiellement les gens de la vallée d’Illiez et de Collombey-Muraz (dont la Jeunesse tient un bar, le 31, sur la place de l’Hôtel-de-Ville). «Et quelques protestants, le Chablais vaudois est tout proche», explique Yves Tagan, qui habite aujourd’hui Ollon.

Plus que jamais, l’édition 2022 a mis en exergue ce samedi l’attachement de la population locale et régionale à ce rendez-vous inscrit dans les gènes des jeunes et moins jeunes. «On y va depuis nos 15 ans. A l’époque on préparait nos CFC d’électricien ou de dessinateur sanitaire», raconte Nicolas.

Aujourd’hui patrons d’entreprise ou collaborateur du site chimique, nos quatre mousquetaires perpétuent la tradition chaque année.

On y retrouve les Montheysans perdus de vue le reste de l’année.

Jean Bugna, un habitué de la Foire du 31

Mais comment expliquer pareil engouement le dernier jour de l’an? «Ailleurs, c’est loin et ce n’est pas si bien», lâche Yves. «Et faut dire qu’on n’a jamais mis les pieds ailleurs», renchérit Nicolas.

Plus sérieux, Samuel Cottet voit dans l’esprit convivial et festif du Montheysan le fait que chaque occasion est bonne pour se relâcher. «Et d’autant plus quand c’est le dernier jour de l’an.»

Carnaval ne suffit-il pas à assouvir ce besoin de faire la fête? «Il y a dix mois entre carna et le 31», assène, péremptoire, un des mousquetaires.

Comme la Foire du Valais, mais différente

Quant à Jean Bugna, il relève que «la Foire permet de retrouver des gens perdus de vue le reste de l’année. Notamment nombre de Montheysans qui se font un honneur de venir depuis toute la Suisse et même d’Europe.» Le résultat: ce n’est pas une salle ou le CERM qui est en fête, mais tout un centre-ville, avec l’aide des sociétés locales.

Une météo des plus clémentes a encore ajouté au succès de cette édition 2023. Sabine Papilloud

On y revient: la Foire du 31 est avant tout montheysanne. «C’est la Foire du Valais de Martigny, mais sans le toit, sans les stands, avec seulement les bars… et nous», résume Samuel.

Les femmes montrent le chemin de la maison

Ce qui fait pas mal de monde. Alors que notre estimation est de 5000 à 7000 personnes, le même Montheysan calcule bien plus large: «Aujourd’hui on est 40 000, comme au cortège de carnaval. Et le double, si on compte en fin de journée.»

Couleurs montheysannes. Sabine Papilloud

Cet esprit très festif présente des risques. Comment ne pas partager une topette avec ces innombrables connaissances que l’on revoit après des mois, des années? Or, le Montheysan doit encore assumer le soir du réveillon en famille. Une obligation qui peut se révéler pénible, sinon insurmontable.

Le Covid? On a pleuré chez nous la journée, mais on s’est vus le soir.

Samuel Cottet, un habitué de la Foire

«On prévoit toujours de finir chez l’un des quatre le soir venu. Heureusement, depuis qu’on est en couple, on a trouvé la solution», raconte Nicolas. «L’idéal, c’est de prendre Madame avec toi. Pas tout de suite. Mais dans l’après-midi, les femmes nous rejoignent… et elles nous montrent le chemin de la maison.»

Un Covid mal vécu

Et comment nos compères ont-ils vécu le fait que les deux éditions précédentes furent, soit supprimées, soit fortement redimensionnées, à cause du Covid? «On a pleuré chez nous la journée, mais on s’est vus le soir. Et pour une fois, on était à l’heure à la maison.»

Ce qui n’est pas forcément la garantie de ne pas faire un faux pas, comme l’explique Samuel. «Il y a quelques années, après la Foire à Monthey et un repas avec nos femmes à Morgins, avec mes trois compères, on s’est éclipsés discrètement à la discothèque de la station. Au petit matin, on est rentrés se coucher, parvenant à ne pas réveiller nos compagnes.» Ni vu ni connu? «Presque. Comme des grands, durant la soirée, on a publié sur Facebook des selfies pris dans la disco…»

Monthey: comment survivre à la Foire du 31? On a suivi 4 habitués

Après deux ans en stand-by à cause du Covid, la célèbre Foire du 31 décembre a repris pleinement ses droits à Monthey ce samedi. «Le Nouvelliste» a décrypté ce phénomène social avec quatre habitués.