Pour la première fois, le réchauffement climatique fait directement l’objet d’un débat au Grand Conseil. Si le thème est régulièrement abordé à travers d’autres enjeux, aucun texte législatif ne lui est dédié. Cette semaine, le Conseil d’Etat propose une loi-cadre qui fixe des objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre et attribue des moyens financiers pour y parvenir.

S’il y a un défi qui doit transcender les partis et mobiliser toute notre énergie, c’est bien le réchauffement climatique.

Roberto Schmidt, conseiller d’Etat

«S’il y a un défi qui doit transcender les partis et mobiliser toute notre énergie et notre savoir-faire politique pour faire faire bouger l’ensemble de la société, c’est bien le réchauffement climatique.» Souhaitée par le conseiller d’Etat Roberto Schmidt, cette union sacrée n’existe pas au Parlement valaisan. L’entrée en matière est combattue par 55 députés alors que 74 l’acceptent. L’UDC, le Centre du Haut-Valais et une majorité du PLR voulaient renvoyer le texte au gouvernement. Que ce soit sur les objectifs ou sur les moyens d’y parvenir, les fronts sont figés et les mots sont durs. En consultation pourtant l’unité était plus grande, puisque 42% des prises de position estimaient le projet «adapté» et 38% «pas assez ambitieux».

Les objectifs de cette loi sont surréalistes dans leur temporalité et conduisent à des mesures douloureuses pour la population.

Grégory Logean, chef du groupe UDCVr

Ambition irréaliste

Premier intervenant de la matinée, le chef du groupe UDCVr, Grégory Logean, donne le ton: «Cette loi est une sculpture sur nuages qui laisse penser que nous allons pouvoir faire la pluie et le beau temps. Imaginer que le Valais puisse influencer les températures mondiales est un manque d’humilité.» Relevant que «le réchauffement a de multiples causes et les activités humaines n’en sont pas seules responsables» et que «trois pays, la Chine, l’Inde et les Etats-Unis, sont responsables de plus de 50% des gaz à effet de serre», il a qualifié les objectifs de la loi de «surréalistes dans leur temporalité et conduisant à des mesures douloureuses pour la population».

Nous ne voulons pas rejoindre les yeux fermés le camp des prophètes des derniers jours pour lesquels il est déjà trop tard.

Christophe Claivaz, député PLR

Plus ambitieux en effet que la stratégie fédérale, le projet prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 60% d’ici à 2030, la neutralité carbone devant être atteinte en 2040. Pour une large majorité du PLR, c’est trop. «Nous ne voulons pas rejoindre les yeux fermés le camp des prophètes des derniers jours pour lesquels il est déjà trop tard. Cette loi ne correspond pas à la réalité du terrain avec des objectifs chiffrés trop ambitieux pour lesquels nous ne possédons les moyens ni humains ni financiers de les réaliser dans le délai imparti», lance Christophe Claivaz, député PLR.

Le Valais deux fois plus chaud

Président de la commission, Emmanuel Revaz relativise les propos des élus UDC et PLR: «Le Valais ne pourra pas, à lui seul, inverser le réchauffement climatique et cette loi ne le prétend pas. Elle affirme qu’il doit y contribuer. Son but est de lutter non seulement contre les causes, mais aussi contre les effets.»

Le coût de l’inaction sera exorbitant.

Marlyne Andrey-Berclaz, députée socialiste

Le Centre et la gauche rappellent que le Valais se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale avec des impacts réels sur l’agriculture, le tourisme, les ressources en eau, notamment. «Nous savons le canton plus vulnérable au réchauffement climatique, mais il est aussi un gros émetteur de CO2 de par sa géographie. Le coût de l’inaction sera exorbitant», affirme la députée socialiste Marlyne Andrey-Berclaz. Le Valais dépense chaque année 250 millions pour lutter contre les effets du réchauffement. Cheffe des Verts au Grand Conseil, Céline Dessimoz ajoute: «Cette loi permet d’accompagner les citoyens et les entreprises pour gagner en résilience. Sans elle, notre qualité de vie risque de chuter brutalement.»

Cette loi permet d’accompagner les citoyens et les entreprises pour gagner en résilience. Sans elle, notre qualité de vie risque de chuter brutalement.

Céline Dessimoz, cheffe du groupe des Verts

Au nom du Centre du Valais romand, Nathan Bender évoque une «chance» pour le Valais: «Il est nécessaire de construire une stratégie climatique ambitieuse et de passer à l’action avec un plan confirmé.»

Le gouvernement en force?

Mais le centriste dénonce également une loi qui a tendance à «se disperser»: «Le projet contient diverses considérations philosophiques, mais esquive la recherche de solutions.» La droite reproche en effet au texte de n’être pas assez concret. Céline Dessimoz leur répond que ce n’est pas son rôle: «C’est une loi-cadre. Le volet concret se trouve dans le plan climat et dans le programme d’action.»

La droite reproche également au projet d’attribuer trop de pouvoir au gouvernement, notamment dans l’utilisation de la réserve climatique, un fond doté initialement de 150 millions et sur l’engagement de 38 postes supplémentaires. «Cette loi donne une liberté totale au Conseil d’Etat, puisque ni le Plan climat cantonal, ni le règlement d’alimentation et d’utilisation de la réserve climatique ne sont soumis au Grand Conseil pour approbation», affirme Christophe Claivaz.

Roberto Schmidt lui répond que le Parlement gardera la main sur ces décisions: «Que ce soit les postes supplémentaires, les mesures du plan climat et le financement, le Grand Conseil décidera à travers du budget ordinaire.»

Le débat de première lecture aura lieu jeudi. Avec 195 amendements pour 22 articles, et des positions aussi opposées, il s’annonce énergique.

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