Casser du caillou, elle connaît. Elle sait même en faire des murs. Tout beaux, tout réguliers. Devant sa maison, elle fignole les détails d’une rénovation. C’est presque terminé. Comme sa présidence du PS valaisan. Barbara Lanthemann remettra son mandat le 17 avril. Elle quitte. Pour autre chose. Une autre tranche de vie. D’autres combats puisqu’elle vient d’en remporter un en hissant Mathias Reynard au Conseil d’Etat, après presque cinq ans de présidence. Une victoire qui est un peu la sienne aussi, parce que quand on est cheffe on assume autant les défaites que les succès. «J’ai adoré cette fonction. J’ai adoré mobiliser. Adoré les gens qui font ce parti. Adoré le PS.»

Barbara Lanthemann, c’est une entreprise générale à elle seule. Elle sait tout faire. Au début parce qu’il fallait bien se débrouiller. Aujourd’hui, parce qu’elle aime construire et admirer la concrétisation d’une idée. «Je viens de terminer un mur derrière ma maison. Je le regarde, il est fini et je me dis, j’ai fait ça.» Au lendemain de la victoire de Mathias Reynard au Conseil d’Etat, nombre de militants ont aussi salué son œuvre et l’ont remerciée «d’avoir fait ça».

Savoir casser du caillou, c’est une base solide pour la présidente de la gauche valaisanne. Disons qu’elle sait de quoi elle cause quand il faut parler précarité, petits boulots, parcours cabossé. Chemin de vie qui serpente pas mal mais qui, à chaque fois, l’a menée à une étape qui nourrit et repose pour avancer encore.

Cette tronche qui a toujours dit leurs quatre vérités aux siens et aux adversaires politiques sur les plateaux télé comme dans la rue. Cette gueule aux reflets platine bien identifiable. Cette unique présidente de parti parmi les nombreux présidents s’est imposée dans le paysage valaisan. Bien d’ici et en même temps d’ailleurs.

Sa bio en vidéo

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Se rapprocher d’Ecône

Sa mère lui donne la vie dans un hôpital bâlois alors qu’elle vient d’un petit patelin glaronais. Elle se mariera lorsque Barbara a 5 ans avec un Monsieur Lanthemann. Le couple et ses trois enfants s’installent à Lausanne. «Et puis il fallait se rapprocher d’Ecône, alors nous sommes venus habiter à Orsières.»

La famille débarque en Valais et la pagaille s’invite dans l’adolescence de la jeune fille. Messes tout le temps. Gros conflits. Fugues. Tribunal des mineurs. Deux ans dans un internat d’Ecône à Dijon entre 12 et 14 ans et puis la coupure. «C’était dur là-bas. Et je ne revenais que pour les vacances. C’est aussi à cette période que j’ai fait mon coming out.» Alors, la vie part en vrille. Barbara Lanthemann ne passera que six mois au collège de Saint-Maurice «où j’étais plutôt douée, mais en latin et en français seulement» avant de prendre le large vers le n’importe où pour autant que ce soit ailleurs. Colère. Révolte. Virevolte.

Alix Wolf, vous connaissez? Un prénom neutre qu’elle aime et le nom d’un animal qu’elle adore pour un nom de plume qui fait s’envoler l’imagination. Un recueil de poèmes publié, mais aussi des textes et des chansons plus confidentielles. Barbara Lanthemann écrit. Sur son bureau, ses stylos, le café auquel elle carbure et les petits sous qui tombent de ses poches parce qu’elle n’a pas de porte-monnaie.

La jeune fille quitte le foyer et commence à aligner les petits boulots et grosses bêtises. Elle entame un apprentissage de peintre en carrosserie. Abandonne. Ecône ou plutôt certaines de ses figures valaisannes tentent de la «récupérer». On fait engager celle qui est aujourd’hui rédactrice en chef du journal «Le Peuple valaisan» à «La Gazette de Martigny». «Je me souviens d’avoir dû faire un papier sur la taille des platanes sur la place Centrale. Ça ne m’avait pas franchement emballée.»

Tant pis. Elle se débrouillera toute seule. Barbara Lanthemann part en France où elle a décroché un mandat de photographe indépendante. Elle bosse pour les restaurants Flunch pour lesquels elle prend en photos les enfants gourmands avant de les faire acheter aux parents contents. «Je me souviens de deux mois à Perpignan à travailler le jour et profiter de la ville et la fête le soir. C’était génial. Et puis il fallait aussi aller dans les restos du nord.» Arrivée à Lille, il fait froid, ça paie moins. Elle dormira sur les aires d’autoroute.

Le loup. Son animal totem. «Parce qu’il représente la valeur que je trouve la plus importante dans la vie: la loyauté envers soi et les autres.» La présidente du PS a attendu d’avoir 50 ans pour son premier et unique tatouage (en attendant peut-être un autre sur le pied avec la date d’élection de Mathias Reynard?). Le loup, la rose: son combat de plus en plus nécessaire pour la cause animale, celui pour lequel elle a donné jusqu’ici, la justice sociale.

Retour en Valais. Jobs précaires et riches rencontres. «J’ai eu la chance de rencontrer de belles et bonnes personnes au bon moment.» La dame du kiosque dans lequel elle travaille. Une jeune fille, première cantonnière de la ville de Sion. Celle qui était comme une sœur pour elle, se tue dans un accident de voiture. «Ça a été un énorme choc. Là, je me suis dit que j’avais l’obligation de faire quelque chose de ma vie.»

Barbara Lanthemann a 24 ans, elle suit des cours du soir à l’école Lémania et obtient un diplôme de commerce. Le patron de Valcrème lui donne sa chance. Un métier respectable mais une voie qui n’est pas forcément la sienne. Car, au fond d’elle, ça bouillonne toujours. Les injustices. La révolte. Le conformisme. Les valeurs des autres. Les siennes. Le sens de la vie. Le combat pour mettre tout ça en accord.

Barbara Lanthemann est végétarienne depuis plus d’un an. «Je n’arrive plus à manger des animaux, mais je ne fais la morale à personne.» Quand ses voisines ne sont pas là, c’est elle qui nourrit leurs trois poules et les dorlote.

Barbara crée avec une poignée de courageux la première association homosexuelle en Valais. Le soir de la présentation aux médias, tous tournent le dos sur la photo par peur d’affronter les objectifs et plus encore les regards. Alors quelque temps après, elle fait ses débuts de militante lorsque s’entament à Berne les discussions autour du partenariat enregistré. Elle bosse, se mobilise, fait se mobiliser. Devient secrétaire générale de l’Association suisse des lesbiennes.

Alpagai a pignon sur rue et ses bureaux ne sont plus planqués dans un sous-sol. Le partenariat enregistré est accepté et plébiscité par des milliers de couples dans le pays. Le muret est monté et bien solide. Comme lorsqu’elle a terminé de bricoler autour de chez elle, Barbara Lanthemann regarde autour d’elle et se demande qu’est-ce qu’elle a bien encore à faire…

Barbara Lanthemann et sa compagne viennent de terminer de rénover la maison dans laquelle elles se sont installées et dans laquelle la présidente a déjà presque tout rafistolé.

La réponse sera la politique. «J’ai toujours été de gauche. Et toujours su que la cause homosexuelle n’était pas mon seul combat.» En 2013, elle se porte candidate députée suppléante et est élue «la seule fois d’ailleurs». Quatre ans plus tard, c’est tout naturellement que Gaël Bourgeois, alors président du PS du Valais romand, vient la voir pour lui demander de lui succéder. Elle accepte et prend les commandes d’un parti déchiré par des guéguerres personnelles et des luttes de pouvoir entre le Haut et le Bas. Entre un ego bien imposant et une tête très dure. Elle gère ce combat entre Stéphane Rossini et Esther Waeber-Kalbermatten. En français et en allemand. Rabiboche. Poursuit. Recommence et continue à gagner. Arrondit les angles devant le peuple mais resserre les boulons envers les troupes et les concurrents. «Recrosio m’a appelée Staline dans sa revue. Je suis autoritaire. C’est pas faux. Mais je me suis découverte comme cela durant la présidence et ce n’est pas le côté de moi que je préfère.»

Des signes de la vie

Non réélue en 2017 puis ce printemps, Barbara Lanthemann s’apprête à poursuivre un nouveau combat. «Ce sont des signes de la vie qu’il faut intégrer. Je suis de plus en plus impliquée dans la défense de la cause animale», explique la présidente qui continuera à travailler à Berne au sein du secrétariat central du PS Suisse tout en faisant une nouvelle place à cette lutte-là.

Casser du caillou, scier, clouer, bâtir, elle connaît. Elle a eu mille vies et n’en regrette aucune parce qu’à chaque tranche elle a appris, compris et grandi. Elle a renoué avec sa famille et admire sa grande sœur devenue nonne dans le home alémanique où sa mère séjourne aujourd’hui. «L’Eglise ce n’est toujours pas ça, mais je suis beaucoup plus gentille avec les bonnes sœurs qu’avec les curés. Ce sont des personnes fantastiques, totalement dévouées et qui méritent d’être davantage reconnues.»

Apaisée ou tout simplement paisible la Staline peroxydée. Mais toujours habitée par une révolte prête à ressurgir en cas d’injustice.

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La communauté religieuse d’Ecône s’insurge du spectacle qui, ce vendredi, met en scène une nonne excentrique à la salle de l’Abeille de Riddes. Elle demande l’annulation de la représentation.