1. Autonomie énergétique. La Ville en fait-elle assez en la matière?

Première ville valaisanne labellisée Cité de l’Energie Gold et première à avoir lancé, en 1980, un chauffage à distance (CAD), Martigny se voit bien en exemple au niveau énergétique.

Pourtant, depuis que les Verts ont fait leur entrée au législatif, ils répètent régulièrement que la Ville n’en fait pas assez dans le domaine de la transition énergétique. Lors du plénum consacré à l’examen du budget 2022, le chef du groupe des Verts Jacques Claivoz relevait ainsi que «jamais le terme climatique n’apparaît dans le fascicule, ce qui nous laisse perplexes. La Ville n’est pas assez ambitieuse et doit en faire plus.»

Jamais le terme climatique n’apparaît dans le projet de budget, cela nous laisse perplexes.

Jacques Claivoz, chef du groupe Verts au législatif de Martigny

Même avis pour Stéphane Veya, chef du groupe PDC: «Le taux de renouvelable dans l’énergie distribuée par le CAD n’est que de 50%. On peut faire beaucoup mieux, ainsi qu’au niveau du solaire, le potentiel dans ce domaine devant permettre à la Ville de tendre à l’autonomie électrique.»

Chef du groupe PS-Gauche Citoyenne, Milaim Rehepi souligne aussi que la Ville doit être plus courageuse et entreprendre des changements immédiats.

Vers l’autonomie énergétique

Du côté de la municipalité, la présidente Anne-Laure Couchepin Vouilloz (PLR) affirme, au contraire, que l’ambition ne manque pas: «Notre volonté, avec Sinergy, est d’accroître de manière significative notre autonomie énergétique dans les années à venir. Nous allons mettre en œuvre un plan énergie-climat décliné en quatre pôles d’action, la diminution de la consommation d’énergie, le développement des énergies renouvelables, la mobilité et l’environnement.»

La Ville de Martigny en fait-elle assez dans le domaine des énergies renouvelables? Un défi qui intéresse tous les partis de la Ville. © Sabine Papilloud

Directeur de Sinergy, Julien Bétrisey dresse un rapide portrait de la situation: «A Martigny, le taux de renouvelable dans l’énergie fournie par le CAD approchait les 65% à la fin 2021. Nous distribuons 57 GW/h par an, ce qui permet de chauffer 7450 habitants, et prévoyons la construction d’une 3e chaufferie à bois, qui portera ce taux à 78% d’ici à 2032. Le CAD, qui ne vend que de l’énergie 100% renouvelable depuis 2016, distribuera alors 70 GWh/an et pourra chauffer 12 000 personnes.» En parallèle, le gaz sera progressivement abandonné pour les particuliers et la production d’électricité solaire fortement renforcée.

Les solutions préconisées

Pour les Verts, la Ville a encore du pain sur la planche. «Martigny doit beaucoup travailler sur l’isolation des bâtiments existants, l’économie d’énergie, l’abandon des énergies fossiles et leur remplacement, l’électrification de la mobilité, la lutte contre les îlots de chaleur…» souligne Jacques Claivoz.

Même position pour Milaim Rehepi: «Il faut freiner la consommation et tendre vers une société à 2000 Watt, ce qui équivaudrait à diviser nos besoins par trois. Il faut aussi agir sur la rationalité énergétique, soit n’utiliser l’énergie que quand cela est nécessaire.»

Du côté de la gauche citoyenne, Frédéric Nouchi, président du POP Valais et conseiller général de Martigny, estime que la Ville démontre une réelle volonté de demeurer à la pointe mais qu’elle pourrait mieux soutenir les citoyens: «Il y a un réel manque, non seulement au niveau des subventions, mais également de l’information.»

Subventions ou non?

Les subventions en matière d’énergie renouvelable ne font pas l’unanimité à Martigny, loin s’en faut. Le PLR y est fermement opposé, répète Anne-Laure Couchepin-Vouilloz: «Pour nous, les subventions de style arrosoir n’ont plus lieu d’être. Nous préférons conseiller judicieusement les citoyens désireux d’aller de l’avant mais découragés par la complexité des procédures.»

Pour nous, les subventions de style arrosoir n’ont plus lieu d’être.

Anne-Laure Couchepin Vouilloz, présidente de la commune de Martigny

Dès cette année, Sinergy proposera ainsi un accompagnement gratuit pour les propriétaires privés désirant changer leur système de chauffage annonce Julien Bétrisey: «Par notre entremise, la Ville va payer de la main-d’œuvre au lieu de laisser les privés se débrouiller seuls avec d’hypothétiques subventions. Cela inclut un audit énergétique, l’établissement d’un budget et d’un plan de financement, le suivi du projet et l’accompagnement lors de la construction.»

Pour l’UDC, cette vision est remarquable: «Axés sur une volonté d’autonomie en matière d’énergie, les travaux de la Ville permettent aux acteurs locaux de se distinguer. Le programme d’accompagnement de Sinergy est une bonne idée pour permettre à la population de dépenser le moins possible dans cette transition», affirme Marie-Bertrande Duay, présidente de l’UDC Martigny.

D’autres partis estiment en revanche que les subventions demeurent nécessaires. «Nous ne sommes pas pour des subventions à tout prix mais, en l’occurrence, elles sont indispensables, d’autant plus qu’il y a urgence en la matière. Il s’agit d’un levier efficace pour aller de l’avant, notamment au niveau du photovoltaïque et de l’isolation thermique des bâtiments», conclut Stéphane Veya.

2. Aménagement du territoire. Trop de logements vides à Martigny?

Depuis plusieurs années, Martigny connaît un réel boom de la construction. A tel point que la ville figure dans le haut du classement au niveau du taux de vacance des logements. Un problème qui interpelle tous les partis de la ville.

Il y a trois ans, dans ces mêmes colonnes, la présidente de la Ville Anne-Laure Couchepin Vouilloz estimait que ce boom immobilier était bien maîtrisé: «Cette situation ne nous inquiète pas. Notre plus grand souci est de conserver un bon rapport entre l’augmentation de la population et celui du nombre d’emplois. En ce qui concerne les projets immobiliers privés, ils répondent simplement à la loi de l’offre et de la demande.»

Aujourd’hui, elle a toujours le même avis: «Si le nombre d’habitants augmente, notamment en raison de l’augmentation de l’offre en matière de logements, il faut que cela soit accompagné d’une création d’emplois et du maintien de la cohésion sociale, ce qui est le cas chez nous. Une école a été implantée au chemin du Milieu, amenant une bonne dynamique dans ce quartier. Enfin, même s’il y a beaucoup de logements sur le marché, les loyers ne baissent pas, signe que notre cité demeure attractive.»

Pas tous sur la même longueur d’onde

A Martigny certains partis s’inquiètent pourtant de cette situation, notamment en ce qui concerne le coût élevé des loyers. «La Ville devrait mettre en place des appartements d’utilité publique, ce qui permettrait une meilleure mixité sociale. Surtout quand on sait que le budget pour se loger représente, en moyenne, 30% des dépenses d’un ménage», souligne Milaim Rexhepi.

Le Ville devrait mettre en place des appartements d’utilité publique, ce qui permettrait une meilleure mixité sociale.

Milaim Rexhepi, chef du groupe PS-Gauche citoyenne au législatif de Martigny

Même avis pour Frédéric Nouchi: «Malgré l’offre pléthorique, les loyers demeurent trop élevés pour les prolétaires. Il faudrait en faire plus au niveau des logements à loyer modéré.»

L’UDC s’en inquiète également, mais pas pour les mêmes raisons. «Construire est une bonne chose, mais il faut le faire intelligemment. Si c’est seulement pour permettre à certaines entreprises de faire des placements financiers intéressants, ce n’est ni écologique ni intelligent», argumente Marie-Bertrande Duay.

Depuis plusieurs années, la ville de Martigny connaît un boom de la construction, notamment dans le quartier du Milieu (au second plan sur notre photo), avec de nombreux logements vides à la clef. Une évolution qui interpelle les différents partis de la ville. © Sabine Papilloud

Du côté des Verts, Jacques Claivoz considère qu’avoir des logements vides en soi n’est pas un problème, la concurrence pouvant amener des baisses sur les loyers, mais il regrette que leur proposition de créer un habitat différent, du type écoquartier, aux Prés-Magnins n’ait pas été retenue par l’exécutif.

Construire de nouveaux logements est une bonne chose, mais il faut le faire de manière intelligente.

Marie-Bertrande Duay, présidente de l’UDC Martigny

Enfin, le PDC est plutôt sur la même longueur d’onde que les autorités, précise Stéphane Veya: «Si l’on veut se développer, il est nécessaire de disposer de logements en suffisance. A Martigny, il y a plusieurs marchés de l’immobilier, entre les logements à vendre, destinés à une clientèle plus aisée, et ceux réservés à la location. Et cela fonctionne plutôt bien. La situation pourrait devenir plus chaotique si le nombre de logements vides le reste à moyen terme.»

Et les infrastructures?

Les partis soulignent également l’importance d’accompagner cet essor immobilier par un développement des infrastructures, histoire d’éviter de péjorer la qualité de vie des habitants.

«Cela est essentiel dans les quartiers périphériques. Si on n’y fait rien, le problème des logements vides ne se résoudra pas de lui-même. Et le nombre d’emplois doit aussi augmenter en parallèle», souligne Stéphane Veya.

«Nous devons éviter que ces nouveaux quartiers deviennent des cités-dortoirs. Pour cela, il faut en développer l’attractivité avec des commerces de proximité, des transports publics réguliers ou des zones de détente», ajoute Milaim Rexhepi.

Pour Frédéric Nouchi enfin, il faut limiter ce développement, trop de grands projets arrivant encore sur la table: «Avant de continuer à développer des quartiers, il faut que les infrastructures suivent. Je pense notamment à l’école au chemin du Milieu.»

Un équilibre à trouver

Bien consciente des enjeux existants au niveau de l’aménagement du territoire, la présidente de la Ville Anne-Laure Couchepin Vouilloz souligne que l’une des priorités de son engagement et de celui de la municipalité est justement la cohésion sociale: «Par ce terme, je parle de ma volonté de proposer aux habitants et aux entreprises des espaces de vie attractifs dans tous les quartiers. Je suis très attentive à cet élément.» Et de mentionner le soin apporté à l’urbanisation de ces quartiers avec l’aménagement de zones vertes, de parcs pour les enfants et d’activités pour les ados, sans oublier les plus âgés.

Ce développement est toutefois conditionné aux finances communales, conclut la présidente: «Maintenir et développer des infrastructures de qualité, c’est le souhait de tous, et nous devons trouver un équilibre entre les projets – patinoire, piscine, Castel, Vorziers, nouvelle école au Milieu ou ailleurs… – et leur financement. Nous sommes entrés dans un important cycle d’investissements et notre défi, pour les dix prochaines années, est de les réaliser sans couper dans les prestations existantes et sans augmenter les impôts.»

3. Mobilité douce. Faut-il densifier les transports publics?

Comme l’a affirmé lundi la présidente Anne-Laure Couchepin Vouilloz, la mobilité douce fonctionne bien à Martigny car cette dernière est la ville la plus dense du Valais romand: «Tout est accessible en quinze minutes de marche. Cela explique d’ailleurs la faible utilisation des bus urbains, à l’exception de la ligne centrale.»

Chef des services techniques de la Ville, Frédéric Gay confirme le succès de la ligne principale Martigny-Gare – Martigny-Croix mais précise que d’autres lignes urbaines excentrées sont en fonction: «En collaboration avec Car Postal, les bus à destination de Trient, de Ravoire et de Chemin desservent le quartier de la Fusion; le train Saint-Bernard Express s’arrête à Martigny-Bourg et à Martigny-Croix; le Mont-Blanc Express en fait de même aux Fumeaux et à la Verrerie; et deux autres lignes de bus relient la ville au Guercet et aux Bonnes-Luites.» A cela s’ajoutent la liaison CFF avec Charrat, un bus hebdomadaire pour les aînés de Charrat, le bus Martigny-Sion avec une halte au Courvieux, près des centres commerciaux, et le bus Martigny-Dorénaz avec des arrêts au Rosel et au chemin du Milieu.

Améliorer les cadences des bus

A priori, la population de Martigny est donc bien servie en matière de transports publics. Ce n’est pourtant pas l’avis de tous. «Actuellement, il manque une ligne qui desserve la zone industrielle depuis le sommet de la ville et, surtout, les cadences ne sont pas suffisamment rapprochées sachant qu’il faut trente minutes à pied pour traverser la ville. Cela explique d’ailleurs le manque d’intérêt des citoyens pour l’offre existante», relève Jacques Claivoz.

Avis similaire pour Milaim Rexhepi: «Il y a encore de la capacité pour développer le réseau existant vers la périphérie, où se situe la majorité des logements vacants. Et il y a un réel effort à faire sur les cadences de passage. Si les habitudes ont de la peine à se mettre en place, c’est parce que le temps d’attente est souvent trop long.»

A priori, Martigny est bien desservie au niveau des transports publics. Mais ce n’est pas l’avis de tous les partis de la ville. © Sabine Papilloud

Pour le PDC, l’offre actuelle est suffisante: «Notre souhait ne porte pas sur la création de nouvelles lignes mais sur l’augmentation de la fréquence des existantes. Ce service doit apporter le même confort d’utilisation que les moyens de transports individuels. La fréquence doit permettre aux utilisateurs de ne pas devoir organiser à l’avance leurs déplacements.» Stéphane Veya ajoute que le PDC encourage et s’engage en faveur des transports publics qui permettent d’assurer un véritable lien social entre les quartiers de la ville.

Notre souhait ne porte pas sur la création de nouvelles lignes de bus mais sur l’augmentation de la fréquence des lignes existantes.

Stéphane Veya, chef du groupe PDC au Conseil général de Martigny

Dans ce domaine, l’UDC défend la même position. «Les transports en commun actuels sont suffisants et nous saluons leur gratuité pour les aînés. Si rajouter des lignes de bus n’est pas utile, il serait, en revanche, judicieux d’élargir les arrêts existants dans certains endroits afin d’éviter la création de bouchons», souligne Marie-Bertrande Duay.

Des possibilités d’amélioration

La présidente de la Ville défend la situation actuelle: «La cadence des bus a été fortement augmentée avec des bus au quart d’heure sur la ligne centrale et à la demi-heure sur les autres lignes. Il sera intéressant de voir si la fréquentation augmente fortement quand les activités auront repris après les complications sanitaires. Dans une ville très dense comme Martigny, et relativement plate, il faut également relever que la marche à pied ou le vélo sont bien utilisés car pratiques.»

Elle annonce que la prochaine étape sera probablement l’électrification des bus, alors que la création des hub-plateformes multimodales (Manoir, Croix et Gare) va être repensée afin d’améliorer les interfaces mobilité douce – transport public.

Pour Jacques Claivoz, on peut faire encore plus: «Il faudrait mieux étudier les parcours actuels, afin d’éviter d’avoir des bus qui se suivent dans les mêmes rues. Côté écologie, il conviendrait d’électrifier les véhicules pour diminuer leur pollution et en utiliser des plus petits en dehors des horaires scolaires.»

Une nouvelle ligne de bus en périphérie coûte plus qu’elle ne rapporte, mais cela doit demeurer un service public financé par la Ville.

Frédéric Nouchi, président du POP Valais et conseiller général de Martigny

Quant au mot de la fin, on le laisse à Frédéric Nouchi, qui connaît bien le domaine: «Pour nous, il manque une ligne pour les quartiers périphériques. Nous savons que sa mise en place est compliquée et coûte plus qu’elle ne rapporte, mais cela doit demeurer un service public financé par la Ville.»

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