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Marion Granges, la perchée de Beudon

Pionnière de la biodynamie avec son mari, Jacques, Marion Granges cultive des vignes de l’impossible à 890 mètres d’altitude. Il faut être idéaliste, un peu fou ou maso pour se percher là-haut. Rencontre avec une dame pas comme les autres.

07 juil. 2019, 18:00
Sur les hauts de Fully, Marion Granges cultive non seulement la vigne mais aussi des herbes aromatiques et un jardin en permaculture.

La première fois qu’on monte à Beudon, au-dessus de Fully, on n’en croit pas ses yeux. C’est beau et vertigineux! Les paresseux, comme moi, empruntent un téléphérique un peu brinquebalant qui les amène en six minutes dans ce qui ressemble à un petit paradis. Les autres grimpent à pied le long d’un sentier escarpé. Que l’on opte pour l’une ou l’autre solution, il faut s’accrocher. Ici, tout est pentu, raide, extrême.

Extrême, la dame qui vous accueille l’est aussi. D’une extrême gentillesse. D’une extrême ténacité. D’un extrême courage. Mais Marion Granges est aussi volubile, assoiffée de rencontres – se sentir un peu seule là-haut, et pas pressée. Quand elle vous tient, elle ne vous lâche plus. Elle a tant à vous dire.

Horticultrice avant d’être viticultrice

Marion est née au pied de Beudon mais c’est son amour pour Jacques qui l’a fait vivre au sommet de ce gros rocher. «Jacques a acheté Beudon en 1971. Nous nous sommes mariés un an plus tard. Je travaillais au Jardin botanique de Genève comme horticultrice. J’avais suivi un CFC d’horticultrice en biodynamie au bord du lac de Thoune entre 1964 et 1967. C’est à Beudon que j’ai fait un peu plus connaissance avec la vigne.»

Marion Granges laisse la nature régner à Beudon. @ Héloïse Maret


La véritable pionnière de la biodynamie, c’est donc elle? «Moi, quand j’ai décidé de devenir jardinière, je voulais cultiver des plantes, je ne voulais rien avoir à faire avec la chimie. Jacques, qui était ingénieur agronome, a d’abord prôné la production intégrée, mais l’utilisation de produits de synthèse, même raisonnée, le gênait. En 1973, il a commencé à travailler en bio. En 1989, Beudon était bio, puis en 1992 l'ensemble de toutes leurs terres aussi celles en plaine étaient reconverties et certifiées Bio Suisse et Demeter (biodynamie).

Au début, ils font leurs expériences. Essaient, échouent, recommencent. Sans jamais s’avouer vaincus. «A l’époque, il y avait peu de littérature à laquelle se référer. Aujourd’hui, c’est plus facile pour les vignerons qui veulent se lancer. Des cours, des rencontres, des conférences ont lieu en Valais. Marie-Thérèse Chappaz en a notamment organisé plusieurs.»
 

Je ne veux pas mourir avant que le Valais soit en biodynamie ou au moins en bio. Comme je ne compte pas mourir à 102 ans, il faut qu’ils s’y mettent.


L’avenir de l’agriculture

La biodynamie, c’est son credo. Même sa chatte Bisoulette boude les aliments qui ne le sont pas. «Regardez autour de vous, la biodynamie fortifie la vie du sol.»

«Les vins, c’est comme les enfants, on les encadre au minimum, on les guide juste ce qu’il faut.» @ Héloïse Maret


Quand on évoque les scientifiques qui soulignent le manque de tests effectués par Rudolf Steiner pour démontrer les effets de ce type de culture et qui associent la biodynamie à une philosophie plus qu’à une science, elle rétorque que Lily Kolisko, en 1923, a fait des études scientifiques qui ont démontré l’effet des quantités infinitésimales. «Le problème, c’est qu’en biodynamie, on n’a pas besoin d’acheter des produits, la nature nous met tout à disposition. On a tout sous la main. Du coup, les pharmas ne peuvent pas se faire du fric et dénigrent notre façon de faire.»

Marion sent que le monde change. Qu’un tournant est en train de se prendre. Qu’il y a un boom de la biodynamie. Elle y croit pour le Valais aussi. «On ne peut plus continuer comme ça. Je ne veux pas mourir avant que tout le Valais soit en biodynamie, ou au moins en bio. Comme je ne compte pas mourir à 102 ans, il faut qu’ils s’y mettent.»

A 72 ans, la question de la reprise se pose. «Mes trois filles s'occupent d'élever mes cinq formidables petits-enfants en plus de leurs métiers et m’aident autant qu’elles le peuvent.» Marion peut compter sur Pierre-Antoine Crettenand pour la vinification depuis 1995. Trouver un repreneur s’annonce difficile. «Les premiers jours, mes ouvriers pensent aussi que c’est le paradis. Mais dès qu’ils ont travaillé quelques jours sur ces parcelles pentues, ça devient vite l’enfer.» 

Elle m’a gardée quelques heures, m’a invitée à partager son repas. Je me suis régalée de fenouils juste cueillis, de salades sauvages, de polenta grillée accompagnée de fromages et de tommes du pays. Les kiwis qui avaient passé l’hiver sous le porche étaient tout ridés mais confits à souhait. Tout avait un goût de jardin d’Eden. C’est vrai, qu’ici, on est tout près du ciel.

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