"L’histoire de l’Everest me fait encore mal. Je n’ai pas du tout apprécié ce qu’il s’est passé là-bas", confiait l’alpiniste bernois Ueli Steck le 9 septembre dernier à nos confrères de Montagnes Magazine. Le 29 avril dernier, l’homme que l’on qualifie de "grimpeur le plus rapide au monde" et deux de ses compagnons Simone Moro et Jonathan Griffith ont été pris dans une violente altercation avec des sherpas au pied de l’Everest. Les versions varient et le fin mot de l’histoire n’est toujours pas connu. Notons d’ailleurs qu’un film, "High Tension" est annoncé pour cet automne sur cette mésaventure. Qu’importe, Ueli Steck regarde haut devant.
L'Annapurna, un défi de taille
Le grimpeur de 37 ans compte bien se réconcilier avec les 8000 himalayens. Accompagné du canadien Don Bowie – avec qui il atteint le sommet de l’Everest il y a deux ans – ils espèrent gravir la face sud de l’Annapurna (8091 mètres), un mur de roche et de glace haut de 2500 mètres, presque vertical, tourmenté par des vents violents et des conditions très difficiles. Voilà qui devrait nettement contraster avec la surfréquentation de la voie normale du Toit du monde. "Suivre un chemin tranquille n’est pas mon objectif dans la vie", commente le Bernois sur son site officiel. Il devrait être servi. Jusqu’à fin 2008, 154 personnes ont atteint le sommet, 60 autres sont mortes dont les deux tiers dans des avalanches.
Face sud de l'Annapurna:
Il faut dire que cette voie est un rêve teinté de vilains cauchemars à conjurer pour Ueli Steck. Par deux fois, en 2007 et 2008, ses tentatives s'étaient soldées par de douloureux échecs. La première par une pierre reçue en pleine tête qui a bien failli mettre un terme définitif à ses aventures et la seconde par la mort d’un alpiniste espagnol, Inaki Ochoa, secouru à 7400 mètres.
Arrivés lundi à Katmandou, les deux hommes ont rejoint Pokhara et sont désormais en marche vers leur camp de base à 4100 mètres d’altitude. A partir de ce point, ils transporteront leur matériel jusqu’au pied de la face, à 5500 mètres, et décideront de la voie à suivre en fonction des conditions. Si tout se passe bien, ils devraient être de retour en Suisse fin novembre.
Technicité et légèreté
Nul doute que l'ascension de Steck et Bowie sera rapide. Mais à 8000 mètres et dans de telles conditions, rien ne ressemble aux récents records effectués dans les Alpes. En témoigne "l'entraînement" du Bernois en août dernier. L'alpiniste traversé en solitaire le Mont-Blanc par "L’intégrale du Peuterey", soit une des courses d’arête les plus longues et plus difficiles des Alpes. Normalement, il faut compter 2 à 3 jours, la "Swiss machine" a mis un peu plus de 16 heures pour avaler les 4500 mètres de dénivellation positive entre Courmayeur (I) et les Houches (F). Un record explosé, sans même le savoir. "Je ne voulais pas battre un record, sinon je n’aurais pas passé 30 minutes au sommet de l’Aiguille Noire et 45 au sommet du Mont-Blanc", a-t-il commenté, rappelant que seul le plaisir d’évoluer dans son style compte.
Au temps où la vitesse en montagne semble devenir un crédo, lui qui apprécie mélanger technicité de l’alpinisme et légèreté du trail tient à différencier les choses. A chacun sa manière d'envisager la montagne, à chacun son exploit. "Le mode trail sur des ascensions rapides d’itinéraires classiques, l’alpinisme à 6000 ou celui à 8000 n’ont rien en commun", a-t-il encore souligné.
Ueli Steck entame maintenant sa réconciliation avec l’Himalaya. Une face extrême, une rapidité extrême, un style extrême, il n’y a qu’ainsi qu’il pouvait parvenir à s'affranchir des contraintes que lui a opposé cette région du monde.