Pouvez-vous décrire ce qui s'est passé pendant le tremblement de terre?
J'étais consciente tout du long. Nous avions choisi un trek « facile » pour la région autour de 4800 mètres. Nous étions dans la vallée de Langtang à 3800 dans le village de Kyanjin Gompa. On n’est donc jamais arrivé au sommet… Au moment du tremblement de terre, nous étions à l’intérieur d’une maison. Un bruit de craquement très fort s’est fait entendre. Un membre du trek a compris qu’il s’agissait d’un tremblement de terre. On est tous sortis. Cinq secondes après, une énorme avalanche nous a ensevelis. Quelques secondes après, je pouvais toujours respirer, j’étais recouverte de neige, des congères dans les cheveux, légèrement blessée. Certains avaient le visage en sang, dont mon copain, mais tout le monde semblait en vie… On a appris qu’une jeune personne qui cuisinait dans notre maison était morte dans l’avalanche. Nos guides en s’extirpant nous disaient de ne pas rester-là. Julien, blessé, ne pouvait pas bouger, Som, notre jeune porteur l’a porté sur le dos pour nous évacuer du village où nous étions pour redescendre dans la vallée. Un des membres du trek est retourné dans la maison en ruine pour y récupérer des médicaments et deux duvets.
Avez-vous ressenti d’autres répliques?
Oui, en redescendant, on voyait des rescapés tenter de se protéger d’éboulements, il y avait des répliques toutes les heures. En marchant, le sentier s’est écroulé, il y avait un glissement de terrain. Les népalais se réfugiaient derrière de gros rochers… Quand nous sommes arrivées au village suivant, une népalaise a laissé sa maison à tout notre groupe. On nous a servis de l’eau bouillante sucrée, des soupes en sachet… Les conditions étaient difficiles mais au moins on pouvait se réchauffer et passer la nuit. Le lendemain, on nous a cuisinés du riz safrané. Heureusement que nous avions ces deux duvets !
Comment avez-vous été repérés?
Tous les villages étaient détruits et la désorganisation était grande… Un hélicoptère est venu, il a survolé la zone où nous nous étions déplacés mais il ne nous a pas vus. Là, j’ai fondu en larmes pour la première fois. D’autres trekkers qui étaient remontés au village où nous nous trouvions, juste avant le tremblement de terre, ont signalé à un népalais équipé d'un téléphone satellite notre présence sur le chemin de la redescente. C’est le lendemain que l’hélico nous a repérés. Un de nos randonneurs avait formé avec des pierres les mots «S.O.S., ADV6000» du nom du trek. Nous étions tous essoufflés du fait de l’altitude mais ce fut une excellente idée. Les organisateurs ont pu nous repérer.
Comment avez-vous pu regagner la France ?
Après notre rapatriement à Katmandou. Nous avons pu être soignés dans une clinique pour les visiteurs étrangers, nous n’avons pas eu à attendre. C’est là que j’ai su que Julien avait une vertèbre, une épaule et quelques côtes cassées. Le lendemain, la France a dépêché un avion qui a reçu trop tard l’autorisation d’atterrir. C’est un avion d'essai d’Airbus qui venait de New Delhi qui a pu nous prendre en charge de mardi après six heures d’attente sur le tarmac. Aujourd’hui, je suis toujours choquée mais je vais mieux, nous sommes très reconnaissants envers les Népalais, si solidaires envers nous. Beaucoup d’entre eux n’ont pas eu la même chance que nous.