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Harcèlement scolaire: construire des enfants solides

Entre 5% et 10% des élèves valaisans sont victimes de "bullying" en classe. C'est peu en comparaison internationale, mais pas négligeable pour autant.

12 sept. 2013, 07:00
Entre 5 et 10% des élèves sont victimes de harcèlement scolaire.

"Mon fils rentrait de plus en plus souvent de l'école en larmes" , explique la maman de Simon*, 11 ans. "C'est un garçon sensible, il pleure facilement. Je n'ai pas mesuré tout de suite le problème. Il me racontait que d'autres enfants le rackettaient dans le bus, le poussaient et l'insultaient sur le chemin de l'école, comme dans la cours de récréation."

"J'ai eu beau constater les bleus sur ses genoux et les affaires qui disparaissaient sans cesse, j'ai vraiment pris conscience de la gravité de la situation le jour où il a refusé d'aller à l'école en short malgré la chaleur. Il avait peur qu'on le lui baisse et qu'on l'humilie encore. C'était déjà arrivé à plusieurs reprises."

Chiffres alarmants

L'histoire de Simon n'est pas aussi marginale qu'on pourrait le penser. Selon un rapport de l'Unicef publié en 2011, un enfant sur dix serait victime à plus ou moins grande échelle de harcèlement à l'école. En Valais, les chiffres sont cependant moins alarmants.

Zoé Moody, professeur à la Haute Ecole pédagogique du Valais et Philip Jaffé, psychologue et directeur de l'Institut universitaire Kurt Bösch spécialisé dans les droits de l'enfant, ont mené une étude en 2012 sur le harcèlement entre pairs, en collaboration avec le Service de l'enseignement de l'Etat du Va lais. Ils ont interrogé plus de 4000 élèves âgés entre 10 et 13 ans, soit les 50% des effectifs de 5e et 6e primaire de cette année-là. 7,2% des élèves ont parlé d'atteintes à répétition avec volonté de nuire, soit de harcèlement à l'école.

Ne pas banaliser

"Si ce constat est moins alarmiste qu'il peut l'être ailleurs", commente la chercheuse, "il ne faut pas pour autant négliger la situation. En extrapolant les chiffres obtenus sur tous les niveaux de la scolarité obligatoire, on peut imaginer qu'environ 3000 enfants sont aujourd'hui en souffrance dans notre canton à cause de harcèlement à l'école. C'est potentiellement 3000 enfants qui auront des difficultés à s'intégrer à la société une fois adultes."

"Simon était un garçon ouvert, curieux, bon élève" , reprend sa maman. "Petit à petit, il a perdu le sommeil et l'appétit et bientôt, il refusait tout bonnement de retourner à l'école. Il avait trop peur. Je me suis alors adressée à son professeur. Comme le problème se produisait principalement sur le chemin de l'école, et non dans l'enceinte de l'établissement, il ne s'est pas senti concerné."

La solitude des familles

"J'ai reçu plusieurs familles en consultation dont l'enfant rencontrait des difficultés similaires" , poursuit Philip Jaffé. "Face à une telle situation, elles se retrouvent souvent seules, sans interlocuteur dans l'école. Les professeurs n'ont pas toujours la formation pour aborder ce type de problématiques, ni la sensibilité." Il lui semble pourtant essentiel que l'enseignant soit attentif à ce type de dérapages. "Pour moi, les parents devraient pouvoir lui signaler le moindre incident, car il est le mieux placé pour en faire la synthèse et évaluer si un problème plus lourd se cache derrière ce type d'événements."

Stéphane Germanier, médiateur pour les écoles primaires de Sion, partage cette opinion. "Derrière chaque atteinte se cache une personne en souffrance. Et les conséquences sur le long terme peuvent être catastrophiques: décrochage scolaire, dépression, et plus tard parfois délinquance. Il ne faut donc jamais banaliser une atteinte."

Sur mandat de la Direction des écoles de Sion, depuis deux ans, avec son collègue Walter Bucher, coordinateur pédagogique, ils ont mis en place une politique de dénonciation systématique des incidents à répétition. "Les enseignants qui constatent un problème récurrent dans leur classe, ou à qui on rapporte des atteintes sur le chemin de l'école, sont tenus d'intervenir directement et de nous en informer."

Dans un premier temps, les deux intervenants rencontrent personnellement les élèves impliqués, puis, selon l'évaluation de la situation, ils peuvent décider d'une intervention dans la classe. Ils expliquent d'abord le fonctionnement du rapport harcelé-harceleur et ses implications. Ils organisent ensuite des activités de groupe afin de favoriser les échanges entre les élèves et améliorer le climat de classe. "Le plus souvent, cela suffit à calmer une situation."

Conscients qu'"il est plus facile de construire des enfants solides, que de réparer des hommes brisés" (Frédéric Douglass), ils espèrent que les actions proposées permettront de soulager tant les élèves que leurs parents souvent démunis face à ce problème. D'autres formes d'accompagnement existent notamment dans le Haut-Valais. L'ensemble des écoles du canton ne disposent cependant pas aujourd'hui d'interlocuteurs spécifiques pour ce type de problématiques.

* Nom fictif

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