Près de 200 000 électeurs réunis sous un même toit durant dix jours pour vivre la Foire, l’occasion est trop belle pour ne pas faire le larron. Alors même que le matériel de vote en vue des élections fédérales du 18 octobre est arrivé dans toutes les boîtes aux lettres du canton, les dix prochains jours restent décisifs pour la plupart des politiciens en lice. Et ils en seront.

Le Valais en mode Foire

Tous ou presque profiteront des deux apéros par jour et de la dizaine de conférences organisées au CERM de Martigny pour fignoler leur campagne. Durant dix jours, le Valais se fait, se débat et se vit au coude du Rhône. Difficile d’y échapper. Convaincre un indécis, retourner un convaincu, persuader un sans avis d’aller quand même voter. «Durant dix jours, le Valais se met en pause Foire. S’il n’y a rien de plus important que les rencontres avec la population durant une campagne, c’est d’autant plus vrai en cette période où sur quelques centaines de mètres carrés on peut croiser tout le canton», pense Jérôme Desmeules, coprésident de l’UDC valaisanne et lui-même candidat au National.

«C’est vrai qu’on risque d’y rencontrer pas mal de politiciens. Surtout lors des rendez-vous thématiques», reconnaît David Genolet, l’heureux directeur de la manifestation. Mais tout ça sera strictement cadré. «Car il faut que la Foire soit agréable pour tout le monde», précise le responsable. Alors si des politiques il y en aura partout, les stands politiques restent interdits comme l’affichage sur le chemin qui mène au raout.

Et puis, si les habitués ou les sortants s’y sentent comme un poisson dans l’eau et envisagent la Foire comme une réjouissante tradition, d’autres candidats, haut-valaisans surtout, cherchent encore les bons tuyaux pour en profiter au mieux. Les quatre candidats alémaniques au Conseil des Etats seront donc bel et bien de la partie, mais certains, après avoir pris moult renseignements sur les us de la manifestation qu’ils connaissent mal. Quand y être, combien de jours, où et comment sont les questions que se posaient notamment Thomas Burgener (PS) ou son adversaire Franz Ruppen peu habitués à cet incontournable rendez-vous du Bas.

«La Foire, c’est chaque année qu’elle est incontournable», rit le conseiller national PDC sortant Yannick Buttet, qui précise que sa campagne court jusqu’au 17 octobre, et que même si un gros tiers des électeurs pourrait déjà avoir rempli son bulletin, le vote par correspondance ne change rien à ses habitudes. «Le plus important en plus, c’est que la Foire c’est un moment de plaisir», conclut-il.

Y aller, mais à pied

Des jours et des soirées où l’on ne compte pas. Ni au niveau du budget «qui avoisinera certainement celui d’une petite semaine de vacances», selon Jérôme Desmeules, ni au niveau des repas et surtout des verrées. «Je recommande à tous les candidats d’y aller, mais aussi et surtout de ne pas y aller en voiture», confie Serge Métrailler, président du PDC valaisan, pour éviter toute sortie de route, au sens propre comme au figuré.

Et le public dans tout ça? Il semblerait qu’il se régale lui aussi de l’événement. Des échos entendus: «Si on ne veut pas voir de politiques, il y a suffisamment de place et de gens pour les éviter.» Alors que pour d’autres c’est un moment privilégié pour aller serrer la main d’un sortant ou d’un candidat pour finir de se convaincre de l’élire ou non.

«Le soleil? Je l’ai à Brigue, alors sur mes affiches…»

Il pensait qu’on allait l’emmener à l’hôpital de Sion. Un établissement qu’il a quitté après la tourmente Réseau Santé Valais pour travailler dans le privé. Un lieu bien connu qui est aussi à la base de son engagement politique. Le citoyen est devenu politicien parce que le médecin ne supportait plus de se faire dicter son art par les fonctionnaires. Le Dr Patrick Hildbrand, cardiologue, conseiller communal à Brigue, député au Grand Conseil, UDC, est donc entré dans le monde qu’il avait juré de ne jamais fréquenter. Celui de la politique.

C’était en 2012. «J’avais toujours connu dans ma famille la politique des partis. Celle qui ne laisse aucune place au raisonnement, celle qui fait prendre des décisions débiles.» Aujourd’hui candidat au Conseil national, l’ancien jaune de sang bat campagne avec un cœur qui fait pareil. Un cœur qui bat pour le Valais et qui ne s’assortit d’aucune couleur partisane. Pas de vert, pas de petit soleil niais mais distinctif des démocrates du centre. «Tout le monde sait que je suis UDC, que mon père l’est aussi. Le soleil je l’ai à Brigue, alors sur mes affiches…» Il dit ça comme si c’était tout naturel mais finit pourtant par reconnaître que son engagement à l’UDC a étonné autour de lui. «Beaucoup pensaient que j’avais une fibre trop sociale pour cela. Mais je veux justement prouver qu’on peut être social et conservateur.» UDC assumé, complètement. Tant qu’il n’a pas besoin de faire montre de son obédience politique. Il dit qu’il n’a été «le mouton noir de la famille» que lorsqu’il a décidé de devenir médecin. Parce qu’il était le premier du clan. Et surtout pas parce qu’il a choisi le parti qui aimerait bien les chasser, les autres moutons noirs.

Mais où habite Oskar?

Sur la route qui nous mène à Savièse, sa terre inconnue, Patrick Hildbrand se souvient. «J’ai disputé un match de volley-ball quand j’étais jeune et on n’avait eu aucune chance. Et puis, il y a la maison d’Oskar. J’y suis allé une seule fois pour une réunion politique.» Et pourtant, Freysinger est un cousin éloigné et le filleul de son oncle, l’ancien conseiller national jaune Franz Hildbrand, cousin lui aussi et comme lui du jaune Roberto Schmidt. «Mon père et moi avons changé de parti, parce que les chrétiens-sociaux ont trahi leur politique en devenant de plus en plus à gauche.» Une grande famille, la politique haut-valaisanne mais pas confraternelle pour autant. «Je ne sais même plus où habite Oskar. D’ailleurs je ne le fréquentais pas avant d’être élu», explique le médecin qui réserve par ailleurs son amitié à un PLR, le candidat aux Etats Pierre-Alain Grichting.

Œcuménique, le candidat bienfaiteur à ses heures. Même si les mauvaises langues lui prêtent un budget de campagne hors norme de plus de 200 000 francs, lui jure qu’il se limite à 100 000. Le cardiologue a même redistribué 5000 francs récoltés pour une bonne œuvre lors de sa fête de campagne.

Des sujets à côté de la plaque

Arrivée à Savièse. Dans la commune fief du super stratège de l’UDC et conseiller d’Etat qui roule pour l’adversaire direct de Patrick Hildbrand: Franz Ruppen. Fief aussi d’une partie de l’UDC sacrifiée par une stratégie de listes qui n’assurera au mieux qu’un siège à la section romande. Sur la terrasse de «La part des anges», Patrick Hildbrand n’en revient pas qu’on puisse lui reprocher de vouloir faire une campagne un peu trop personnelle ou alors honteuse. «Je me revendique du courant d’un Adolf Ogi. L’UDC est le parti qui colle le mieux à mes idées, même si certains combats sont à côté de la plaque, comme les histoires de burka par exemple», dit-il.

Comme la part du vin qui s’évapore discrètement des tonneaux et qui est devenue une enseigne, son appartenance UDC ne semble que flotter au-dessus de ce médecin qui se passionne autant pour le dossier sanitaire que pour la correction du Rhône, l’aménagement du territoire ou les infrastructures. Il reconnaît que les sections UDC du Bas et du Haut sont un peu différentes, mais trouve que certains trublions se sont assagis. Grégory Logean par exemple. Croisé un peu plus tôt devant la maison de commune un autre candidat UDC, Jean-Luc Addor, débarque tout comme un autre député du Grand Conseil, Bruno Perroud. «Savièse c’est la commune où l’UDC a davantage d’élus que d’électeurs. Tous sont cachés ou honteux», rigolent les trois hommes qui siègent ensemble au Grand Conseil.

L’humeur est joviale et devant la journaliste, on est unanime, la stratégie d’Oskar Freysinger pour privilégier un siège haut-valaisan est la bonne. «Le salut vient du Haut.»

Après quelques bières et les potins de campagne, Patrick Hildbrand s’amuse à sonder les clients attablés ce soir-là autour de nous. «Vous connaissez ce monsieur bizarre du Haut-Valais qui ne met pas le logo UDC sur son affiche alors qu’il l’est. Un Hildbrand je crois…» «Non, je ne connais que Franz Ruppen et c’est un type comme ça», répond un client. Un ange passe. Patrick Hildbrand a bien compris. A Savièse, les cœurs ne battent pas pour lui. sg

Faire la Foire pour faire la différence

Le matériel de vote est dans les boîtes aux lettres à l’heure où l’événement phare de l’automne ouvre ses portes.